Critique 


Revue Critique

Critique n° 723-724 : Éthique et esthétique de la corrida


2007
160 p.
ISBN : 9782707320087
13.00 €

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Numéro dirigé par Francis Wolff et Pedro Cordoba

Dès sa naissance, la corrida a inspiré artistes, poètes et théoriciens. La revue fondée par Georges Bataille devait tôt ou tard lui consacrer un numéro spécial. Car la pauvreté de la pensée qui se répand sur la corrida est indigne de son histoire et de ses effets - esthétiques et éthiques. Parce qu'elle n'est ni un sport, ni un jeu, ni un sacrifice, qu'elle est plus qu'un spectacle et moins qu'un rite, qu'elle n'est pas tout à fait un art ni vraiment un combat, elle emprunte à toutes ces pratiques, qui sont la culture même, et en fait un tout original en les poussant hors d'elles-mêmes. Elle rend la tragédie réelle, parce qu'on y meurt tout de bon, mais rend la lutte à mort théâtrale parce qu'on y joue sa vie en costumes de lumière. D'un jeu, elle fait un art parce qu'elle n'a d'autre finalité que son acte ; d'un art elle fait un jeu parce qu'elle rend sa part au hasard. Spectacle de la fatalité et de l'incertitude, où tout est imprévisible et l'issue connue d'avance. Art paradoxal, elle fait rêver les arts (cinéma, peinture, danse, littérature). Objet insaisissable, elle provoque la pensée (histoire, anthropologie, philosophie).
Ce numéro " Éthique et esthétique de la corrida ", issu d'un colloque à l'École normale supérieure (décembre 2005) et dirigé par Pedro Cordoba et Francis Wolff, comportera des contributions de Ada Ackerman, José-Carlos Arévalo, Jean-Loup Bourget, Yves Charnet, Pedro Cordoba, Christian Delacampagne, Vincent Delecroix, Jacques Durand, Araceli Guillaume-Alonso, Annie Maïllis, Frédéric Pouillaude, Daniel Royot, Francis Wolff.

Sommaire

Jean-Loup Bourget : Les taureaux de Hollywood
Vincent Delecroix : Suspension et fondation rituelles de l'éthique dans la corrida
Araceli Guillaume-Alonso : Être et paraître : le matador Pedro Romero par Francisco de Goya
Christian Delacampagne : Voir ce que l'on n'a pas vu : paradoxes de la corrida
Alain Renaut : L'humanisme de la corrida
Annie Maïllis : Picasso ou de la peinture considérée comme une tauromachie
Daniel Royot : Hemingway, humoriste et aficionado
Jacques Durand : Scènes de l'éthique taurine
Francis Wolff : De la distance éthique et esthétique. La corrida entre art et combat
Pedro Cordoba : La cérémonie de la mort
Frédéric Pouillaude : La corrida et l'épuisement de la performance
Yves Charnet : Le ravissement de Séville
José-Carlos Arevalo : Le rite vu de l'intérieur
Francis Marmande : L'éthique, c'est l'esthétique de l'avenir

Claire Paulhan, Le Monde, vendredi 14 septembre 2007

Pour ou contre la corrida ? C'est un débat impossible, surtout sous la pression des micros ou des caméras, avides de confronter, ou même d"exacerber, les passions… Ce qui est possible, en revanche, c’est de lire les travaux que produisent ceux qui réfléchissent à la question en intellectuels responsables et retracent l’historique de la tauromachie, analysent ses ressorts anthropologiques, artistiques ou philosophiques. Leurs raisonnements ne sont d’ailleurs pas à l’abri du paradoxe et du doute, mais au moins organisent-ils leur pensée et permettent-ils un vrai questionnement, en connaissance de cause…
La revue Critique, que créa et dirigea Georges Bataille, grand amateur de dramaturgie tauromachique, publie les actes d’un colloque,  Ethique et esthétique de la corrida , qui se tint en décembre 2005 à l’Ecole normale supérieure, sous la direction de Jean-Loup Bourget et Francis Wolff, auteur d’une récente Philosophie de la corrida (Fayard). Au-delà des questions récurrentes sur le sens de la corrida - est-elle un spectacle, un rite, une cérémonie, un sacrifice, un art, un opéra, une tragédie, une survivance, une aberration, un abattoir, ou tout à la fois ? – les contributions croisent deux types d’approches :  Les valeurs éthiques de la corrida (les normes et les modèles qu’elle promeut) et les valeurs esthétiques (ses propres canons, le jeu de nos émotions)
Jacques Durand, critique taurin de Libération, fait retour aux paroles de ces hommes qui, face aux taureaux,  se jouent la vie , à leurs expressions si imagées, à leur très particulière morale et vision du monde :  Toréer, disait le matador Juan Belmonte (1892-1962), c’est comme te mettre sur une voie ferrée, attendre l’arrivée de la locomotive et obtenir qu’elle tourne autour de toi, sans te heurter, puis revienne sur ses rails.  Mille autres exemples illustrent l’esprit de la tauromachie, car à cette autre remarque de Belmonte –  Pour bien toréer, le torero doit oublier qu’il a un corps.  –, répondra toujours en écho un matador contemporain, José Tomas :  Quand je vais toréer, je laisse mon corps à l’hôtel. 
Alain Renaut, Pedro Cordoba, Vincent Delecroix, Christian Delacampagne – qui est mort en mai et auquel ce numéro est dédié – donnent, en philosophes, leurs lectures originales de l’acte tauromachique : ils renouvellent intelligemment les perspectives, tout en les inscrivant dans le contemporain. José Carlos Arevalo mêle histoire sociale de la tauromachie et récentes données biologiques.
L’écrivain Yves Charnet décrit comment il a été happé – quelques décennies après Hemingway (que traite Daniel Royot) et quantité d’intellectuels – par le cercle orangé de cet  autre monde  que sont les arènes. Annie Maïllis et Araceli Guillaume-Alonso analysent l’éthique et l’esthétique de peintres comme Picasso et Goya qui ont souvent peint ou dessiné des scènes tauromachiques. Francis Marmande, critique taurin du Monde, vagabonde brillamment, citant en exergue une déclaration de Luis-Miguel Dominguin, que chaque contributeur devait avoir en mémoire :  Si je savais tout ce qu’il y a au fond de la tauromachie, je serais le plus grand philosophe du monde. 

 

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