Critique n° 608-609 : Dicomania ou la folie des dictionnaires

Présentation

La marée des dictionnaires et encyclopédies est le phénomène éditorial le plus frappant de ces dernières années. Stimulé par des réussites intellectuelles (et financières) spectaculaires, comme le Dictionnaire de la Révolution française de François Furet et Mona Ozouf, le marché s'est littéralement emballé. On voit apparaître mois après mois, des dictionnaires sur les sujets les plus divers : religion, littératures, philosophie(s), psychanalyse, sciences humaines, etc.
Que signifie cette poussée apparemment irrésistible ? Telle est la question que Critique a voulu poser. A sa manière. C'est-à-dire en demandant aux meilleurs spécialistes de  tester  les principaux dictionnaires mis sur le marché, mais aussi de décrypter cette frénésie alphabétique. Le dictionnaire est-il la valeur refuge d’une fin de siècle intellectuellement désorientée, le symptôme d’une frilosité patrimoniale ? D’où viennent ces dictionnaires et dans quelles traditions s’inscrivent-ils ? Où vont-ils, vers quels horizons numérisés ? Témoignent-ils d’un nouvel encyclopédisme ? Sont-ils le chant du cygne du support papier, à l’heure où l’idée de somme rime plutôt avec Cd-Rom ? Cette  dicomanie  n’est pas limitée à l’Hexagone, mais elle y est particulièrement virulente. C’est pourquoi l’enquête a été centrée sur les productions françaises et sur quelques entreprises internationales où la France est bien représentée. En France même, il a fallu faire des choix.  Le caractère que doit avoir un bon dictionnaire, écrivait Diderot, est de changer la façon commune de penser.  Dans ce petit guide des très gros ouvrages, ont été retenus en priorité ceux qui s’efforcent avec des succès divers, de renouveler leur objet et de changer notre  façon commune de penser .
C’est à cette aune exigeante que les auteurs ont mesuré, en toute liberté et parfois en toute cruauté, le chemin de savoir parcouru dans les dizaines de milliers de pages qu’ils ont lues pour Critique.
Un numéro inhabituel de polémique et de référence.

GILLES QUINSAT, De la mappemonde au web : vers un texte sans qualité ?

JEAN-YVES MOLLIER, Les intellectuels mis en fiches ou du bon usage des dictionnaires au XXe siècle.
Sur le Dictionnaire des intellectuels français, éd. par J. Julliard et M. Winock, Le Seuil, 1996.

IRÈNE TAMBA, D’une encyclopédie à l’autre : vingt ans de science du langage.
Sur la réédition du Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, éd. O. Ducrot et J.-M. Schaeffer, Le Seuil, 1995.

PIERRE-ANTOINE FABRE, Une somme de spiritualité.
Sur le Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique. Doctrine et histoire, Beauchesne, 1995.

ELENA GALTSOVA, Semé à tout vent : le surréalisme en dictionnaire.
Sur le Dictionnaire du surréalisme, éd. par J.-P. Clébert, Le Seuil, 1996.

JONATHAN BARNES, Ce que savaient les Grecs.
Sur Le Savoir grec. Dictionnaire critique, éd. par J. Brunschwig et G. Lloyd, Flammarion, 1996.

JEAN-FRANÇOIS PRADEAU, L’éthique en dictionnaire.
Sur le Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, éd. par M. Canto-Sperber, PUF, 1997.

PIERRE MANENT, Un rapport sur l’état de la cité.
Sur le Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 1996.

PIETRO CORSI, Le darwinisme de A à Zèbre.
Sur le Dictionnaire du darwinisme, éd. par M. Tort, Le Seuil, 1997.

MONIQUE DAVID-MÉNARD,
Sur le Dictionnaire de la psychanalyse, éd. par E. Roudinesco, Fayard, 1997 et le Dictionnaire de la psychanalyse, éd. par l’Encyclopaedia universalis, Albin Michel, 1997.

JEAN-MARIE GOULEMOT, Dictionnaires et encyclopédies de et sur le XVIIIe siècle,
Sur cinq dictionnaires parus entre 1995 et 1997.

PATRICK LONGUET,
Sur les Cd-Rom culturels.