Romans


Samuel Beckett

Trois dialogues

Traduit de l'anglais en partie par l'auteur, en partie par Edith Fournier


1998
32 pages
ISBN : 9782707316400
7.00 €
99 exemplaires numérotés sur Velin des papeteries de Vizille


* Écrit en anglais. Première publication : Three Dialogues, dans la revue Transition Forty-Nine, n°5, décembre 1949.

« La revue transition, publiée à Paris en langue anglaise, avait été créée à la fin des années vingt par Eugène Jolas, qui fut un ami de James Joyce. Samuel Beckett y a d’abord contribué de 1929 à1938 avec quelques textes et plusieurs poèmes. Après la guerre, la direction de la revue (dont le titre acquiert alors une majuscule) est reprise fin 1947 par le gendre de Henri Matisse, Georges Duthuit, critique et historien d’art. Tout en maintenant le caractère littéraire de cette revue y contribuent entre autres, Sartre, Georges Bataille, René Char, Breton, Eluard, Max-Pol Fouchet, Georges Duthuit y ménage une part grandissante aux beaux-arts. Il réunit autour de lui de nombreux artistes - parmi lesquels Nicolas de Staël, Riopelle, Giacometti, Masson, Tal-Coat, Bram van Velde – qui participent souvent en groupe à de longues discussions fort animées, dont la teneur vient ensuite enrichir le contenu de la revue. Samuel Beckett contribue alors à Transition en traduisant en anglais de nombreux articles, dont certaines études de Georges Duthuit sur Vuillard et sur les Fauvistes, et en donnant dès 1948 trois de ses poèmes. S’il assiste souvent aux discussions du groupe des artistes auxquels se joignent des écrivains, il n’aime guère y prendre directement part. C’est davantage dans une correspondance suivie et au cours de conversations en tête à tête qu’il se livre avec Georges Duthuit à un échange d’idées – parfois conciliables, souvent diamétralement opposées –, sur l’art en général et la peinture en particulier. Georges Duthuit suggère alors que Samuel Beckett évoque la quintessence de leurs conversations dans un article à paraître dans Transition Forty-Nine 5 (décembre 1949).
Samuel Beckett adopte la forme du dialogue mais, bien entendu, il ne s’agit en rien d’une transcription verbatim et, de fait, Georges Duthuit n’a pas du tout collaboré à la rédaction des Trois dialogues. À leur propos, Samuel Beckett confiait à Raymond Federman : " Je ne pense pas qu’il les ait approuvés ; ils reflètent seulement, très librement, les nombreuses conversations que nous avons eues à l’époque à propos des peintres et de la peinture. ”
Ils reflètent aussi, peut-être surtout, la conception que Samuel Beckett s’était forgée de l’écriture et de son art en tant qu’écrivain. »
Edith Fournier

ISBN
PDF : 9782707325792
ePub : 9782707325785

Prix : 4.99 €

En savoir plus

Tiphaine Samoyault (Les Inrockuptibles, 27 janvier 1999)

L’art du dialogue
 
« Cet automne, les Éditions de Minuit ont publié une extraordinaire petite curiosité : trois dialogues de Beckett sur la peinture et sur trois peintres (Tal Coat, Masson et Bram Van Velde) qui avaient paru dans la revue Transition d’Eugene Jolas en 1949. Le dernier fut traduit par l’auteur en 1957 mais les autres étaient inédits en français et il faut admirer le travail de la traductrice, Edith Fournier, qui se situe au plus près de l’autotraduction de Beckett et fournit un magnifique exemple d’empathie.
Que sont ces trois dialogues ? Non pas des conversations sur des peintres, ni des entretiens, mais bien des dialogues, au sens le plus théâtral du terme. Beckett avait à l’époque de longs échanges avec Georges Duthuit à propos de l’art contemporain et ce dernier lui demanda non pas de les transcrire mais d’en donner la quintessence dans un article. Le résultat tient dans ces trente pages très denses où B. et D. exposent, en trois séquences, leur sentiment des peintres dont ils parlent et leur idée de l’art. Leur dialogue entérine une transformation de la peinture dans laquelle Beckett voit désormais un acte contradictoire : l’artiste ne peut agir, il ne peut peindre mais se trouve dans l’obligation de peindre. Les tableaux, toiles voilées, balafrées ou malades, portent dès lors la marque d’une perturbation majeure, “ l’oblitération d’une présence insoutenable ” qui ne relie plus l’art à une quelconque transcendance mais le rend à la fois douloureux et inconcevable. C’est lorsque Beckett s’arrête sur la difficulté actuelle de l’expression en art que l’on sent le plus vivement qu’il cherche, en méditant sur la peinture, à exposer sa propre conception d’un langage qui règle autrement un rapport impossible au monde, une absence de rapport. “ Le dilemme féroce de l’expression ” est le suivant : “ qu’il n’y a rien à exprimer, rien avec quoi exprimer, rien à partir de quoi exprimer, aucun pouvoir d’exprimer, aucun désir d’exprimer et, tout à la fois, l’obligation d’exprimer ”. Beckett déjà seul avec une voix pour compagnie livre ici les fragments d’une poétique à venir. La forme même de ces textes crée un effet d’annonce : elle est fortement théâtrale et met en scène un conflit grandissant entre deux personnages. L’incompréhension se creuse en effet à mesure que le texte avance au point que D. finit par demander à B. de partir, avec ces mots : “ Essayez de ne pas oublier que ce n’est pas de vous que nous parlons. ” Les indications scéniques et le long monologue final de B. ancrent les dialogues dans un espace et une subjectivité autres. Tandis que les deux premiers dialogues s’achèvent sur un silence de B. (dans le second, il “ sort en pleurant à chaudes larmes ”), le dernier se clôt sur un effort pour dire ce qu’il est impossible de dire ou d’admettre, “ qu’être un artiste, c’est échouer comme nul autre n’ose échouer. ” »

 

Du même auteur

Poche « Double »

Aux Éditions de Minuit (Contributions)

Livres numériques

Voir aussi

* Robert Pinget, La Manivelle, édition bilingue. Texte anglais de Samuel Beckett, The Old tune.

Sur Samuel Beckett :
* Revue Critique n°519-520, septembre 1990, numéro spécial,  Samuel Beckett  (Minuit, 1990).
* Antoinette Weber-Caflish, Chacun son dépeupleur. Sur Samuel Beckett (Minuit, 1995).
* Evelyne Grossman, La Défiguration. Arthaud, Beckett, Michaux (Minuit, 2004).




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