Romans


Samuel Beckett

Cap au pire

Traduit de l'anglais par Edith Fournier


1991
64 pages
ISBN : 9782707313966
9.50 €
99 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille


* Écrit en anglais en 1982. Première publication : Worstward Ho, Londres, John Calder, 1983.

« Son précédent texte court, Mal vu mal dit, datait de 1980 et Samuel Beckett ne reviendra à cette forme d'expression qu'en 1987-88 avec son dernier ouvrage, Stirrings Still (Soubresauts). Mais tout en s'inscrivant dans cette continuité, Cap au pire est une œuvre à part, le cri d'une souffrance, d'une détresse inouïes. Ce cri, qui tend de façon plus ou moins explicite toute l'œuvre de Samuel Beckett, il ne pouvait le faire entendre à l'état pur qu'en torturant le langage de façon à le dépouiller, le réduire à l'extrême, le pousser aux limites du silence.
À l'époque où il écrivait Cap au pire, Samuel Beckett se consacrait, comme réalisateur, au tournage de ses pièces pour la télévision et particulièrement à Quad. Là, des personnages qui ne sont plus que des silhouettes suivent des itinéraires minutieusement tracés pour parcourir un espace dont ils évitent soigneusement le centre, chacun déviant sa course lorsqu'il approche du cœur du vide, domaine de tous les périls. Dans Cap au pire, Samuel Beckett se situe au contraire à ce point central où rien ne le protège plus, où il va devoir affronter une détresse absolue. Cette démarche fut pour lui une épreuve terrible. S'il a renoncé à l'époque à traduire lui-même Worstward Ho en français, c'est en grande partie parce qu'il redoutait d'avoir à affronter de nouveau une souffrance aussi intolérable ».

ISBN
PDF : 9782707325631
ePub : 9782707325624

Prix : 6.99 €

En savoir plus

Patrick Kéchichian (Le Monde, 22 novembre 1991)

Beckett, encore
Quand il ne reste que les mots « qui empirent », une voix nue, un chant très pur...
 
« La littérature en son état d"épuisement est encore littérature. Poussons la proposition un peu plus loin : une littérature exprimant ou mimant l’état d’épuisement, donnant avec art le sentiment de la fatigue extrême, ne trace pas aussitôt sa propre limite. Elle ne pousse pas fatalement l’auteur au mutisme et le lecteur au désespoir, et ne rejette pas les deux dans une région muette sans mot ni forme : une région où la littérature, n’ayant plus cours, proclame sa propre mort.
Extraordinaire mise en mots, en littérature, de l’exténuation, l’œuvre de Samuel Beckett est ainsi, encore, paysage, attente et désir d’horizon. Lue sous cette lumière elle ne peut plus, en aucune manière, être assimilée à la traduction imagée, ornée, romanesque pour tout dire, d’une pensée du désespoir, d’une morale mélancolique ou cynique élégamment balancée.
Cap au pire est la traduction - la recréation faudrait-il écrire, tant la version française d’Edith Fournier est convaincante – d’un texte écrit en 1982 et publié l’année suivante, en anglais, sous le titre Worstward Ho. Ce livre est antérieur à Soubresauts, publié en français quelques semaines avant la mort de Beckett, le 22 décembre 1989.
Encore ” : premier mot du livre et de tout ce qu’écrit Beckett. Premier et aussi dernier mot, qui reste suspendu à la fin de la phrase, de la page ou du souffle, quand tout semble dit et que le langage, comme le sol, se dérobe, quand l’épuisement gagne, a gagné. À partir de cet “ encore ”, la langue cependant se délie, se reconstitue, quitte à nouveau ce port de silence qui n’est jamais le bon, apprend à nouveau, apprend à “ dire encore ”, à partir de rien, ou de si peu... Un corps peut être, “ d’abord ”, ou bien “ d’abord le lieu. Non. D’abord les deux ”. Et le langage reprend, se reprend, apprend à vouloir dire encore et ce corps et ce lieu, “ tout au plus le minime minimun. L’iminimisable minime minimum ”.
Il est passé depuis bien longtemps le temps des histoires, des personnages, des situations, des psychologies, des je et des tu. Tout cela n’a plus cours, que les mots ont déserté. On ne peut même plus rien reconstituer d’un peu sérieux, d’un peu solide, à partir des bribes de souvenirs, des lambeaux de nostalgie... Non, ne subsistent que les mots “ qui empirent ”, de pauvres mots, évidés, blanchis comme les vieux os d’un lointain parent, des phrases inventées, des balbutiements encore tentés par un peu de sens, des tournures, des rythmes, des halètements..., une voix “ dans la vastitude étroite ”, une voix nue, car “ néant jamais ne se peut être ”.
Écoutez. Lisant, écoutez cette voix dénudée, ce chant très pur, comptine tout autant qu’épopée, ce chant qui est l’un des plus bouleversants “ encore ” de la littérature.

 

Du même auteur

Poche « Double »

Livres numériques

Voir aussi

* Robert Pinget, La Manivelle, édition bilingue. Texte anglais de Samuel Beckett, The Old tune.

Sur Samuel Beckett :
* Revue Critique n°519-520, septembre 1990, numéro spécial,  Samuel Beckett  (Minuit, 1990).
* Antoinette Weber-Caflish, Chacun son dépeupleur. Sur Samuel Beckett (Minuit, 1995).
* Evelyne Grossman, La Défiguration. Arthaud, Beckett, Michaux (Minuit, 2004).




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