Paradoxe


Pierre Bayard

La Vérité sur 'Ils étaient dix'


2020
176 pages
ISBN : 9782707346797
16.00 €


Aucun lecteur sensé ne peut croire en la solution invraisem­blable proposée à la fin du célèbre roman policier Ils étaient dix.
En donnant la parole au véritable assassin, ce livre explique ce qui s’est réellement passé et pourquoi Agatha Christie s’est trompée.

Ce livre est paru en 2019 sous le titre La Vérité sur "Dix petits nègres".


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ISBN
PDF : 9782707346810
ePub : 9782707346803

Prix : 8.49 €

En savoir plus

Gilles Heuré, Télérama, 16 janvier 2019

Nul besoin de relire — sauf bien sûr pour le plaisir ! — Dix Petits Nègres,d’Agatha Christie, car Pierre Bayard en fait un résumé précis au début de son livre. On connaît l’intrigue : dix personnes invitées sur une île par un certain Mr O’Nyme seront assassinées l’une après l’autre, et les policiers chargés de l’enquête se heurteront à un mystère insoluble puisque personne d’autre n’était alors présent. Une île trop mystérieuse pour être honnête, et Pierre Bayard démonte le mécanisme narratif utilisé par Agatha Christie en revenant sur plusieurs points : l’enquête, les personnages, les meurtres, les espaces restreints, la tempête qui empêche quiconque de s’enfuir ou d’aborder, et les procédés divers pour plonger le lecteur dans l’illusion ou « l’aveuglement ». On se souviendra d’ailleurs du nombre de points de suspension auxquels Agatha Christie a recours pour entretenir le sentiment d’effroi. Outre la lecture particulièrement pointilleuse que fait Pierre Bayard du roman, il accorde aux personnages « une marge de liberté qui les conduit à prendre des décisions différentes de celles que l’auteur avait prises à leur sujet et qu’il croyait sans appel ».
On apprendra ainsi que l’auteur (femme ou homme, on ne le saura qu’à la fin) des meurtres n’est pas celui qu’on croit, un personnage de l’histoire prenant dans le livre de Bayard la parole pour s’en accuser et révéler le déroulement exact des faits. L’autre intérêt de cette réjouissante contre-enquête est le rappel que fait Bayard des livres de John Dickson Carr, Edgar Allan Poe, Gaston Leroux ou Kafka, auteurs qui se sont confrontés aux imaginaires des îles ou aux assassinats impossibles. Pierre Bayard se révèle le subtil alter ego littéraire d’Hercule Poirot.


Eléonore Sulser, Le Temps, 19 janvier 2019

Le vrai tueur des « Dix petits nègres » avoue tout

Quatre-vingts ans après sa parution, Pierre Bayard démonte le roman d’Agathe Christie et nous rend attentifs aux mystifications du récit

Quiconque a déjà entendu la comptine anglaise des Dix petits nègres ne peut plus s’en libérer les oreilles. Elle tourne, obsédante, dans le cerveau, et le roman du même nom d’Agatha Christie ne manque pas lui aussi, macabre décompte, de fasciner ses lecteurs depuis des générations.
Pierre Bayard est lui aussi un criminel obsédant. Comme aucun autre, ce professeur de littérature et psychanalyste, auteur salvateur de Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?, sait comme personne pénétrer à l’intérieur des livres. Il s’y installe longuement, confesse les personnages, se solidarise avec eux parfois, et plonge dans la fiction au plus profond, s’aventure dans les couches les plus enfuies du récit, pour en faire ressortir des mécanismes secrets, stupéfiants, étonnants et qui, parfois, renversent complètement ce que l’on croyait savoir d’un roman.
TERRAIN DE CHASSE
A cet égard, le roman policier est l’un de ses terrains de chasse de prédilection. C’est là qu’il débusque les paradoxes de la narration, qu’il échafaude des vengeances posthumes, prêtant aux personnages des motifs et des actions, qui, durant l’écriture, ont complètement échappé à l’auteur. Pierre Bayard, qui publie ses livres chez Minuit, s’en est pris ainsi à Conan Doyle et à son héros à casquette, Sherlock Holmes, pour contredire, dans une magistrale démonstration, les conclusions de l’enquêteur dans Le chien des Baskerville (L’affaire du chien des Baskerville). Auparavant, il s’était aussi attaqué à Hercule Poirot, détective belge créé par Agatha Christie, revisitant à sa façon Le meurtre de Roger Ackroyd (Qui a tué Roger Ackroyd ?) et renversant, là aussi, les conclusions de la reine du crime et de son enquêteur. Deux ouvrages formidables qui mêlent critique littéraire et enquête, basés sur une lecture extrêmement méticuleuse des textes.
Revoici Pierre Bayard, comme un chien habile dans un jeu de quilles, bousculant l’implacable série de meurtres échafaudés par Agatha Christie dans Les dix petits nègres.
Rappelons le contexte : dix personnes sont invitées sur l’île du Nègre, non loin des côtes britanniques, par un certain O’Nyme. Chacun prend connaissance de la terrible comptine, chacun se voit accusé d’un crime par une voix anonyme, chacun trouve la mort dans des circonstances tragiques, tandis qu’une tempête fait rage et empêche tout contact avec le monde extérieur. La clé de l’énigme n’est donnée que plus tard, en épilogue par Agatha Christie, grâce à une bouteille repêchée à la mer, où le vrai meurtrier, qui figure au nombre des morts, avoue dans une lettre son multiple crime.
Voilà le déroulement tel que l’a imaginé Agatha Christie, mais pas tel qu’il a réellement eu lieu, selon une logique interne au livre que Pierre Bayard s’efforce de démontrer. Pour cela, il a obtenu des aveux complets du véritable meurtrier ou de la véritable meurtrière – le genre de l’assassin ne sera livré qu’à la fin du texte avec son nom – qui démonte pied à pied les nombreuses « illusions d’optique », les « biais cognitifs » et autres « formations de l’inconscient » qui nous ont empêchés, pendant des années, de découvrir La vérité sur « Dix petits nègres ».
Le narrateur de ce « roman policier » savant est donc l’auteur des meurtres lui-même, un des personnages du roman d’Agatha Christie qui, contrairement à ce que prétend cette dernière, est parvenu à rester en vie. Il prend la parole d’autorité, réclamant au passage plus d’autonomie pour ses semblables dans l’œuvre mais aussi à l’extérieur de l’œuvre : « Il m’a toujours semblé étonnant et scandaleux que les personnages de fiction, alors même que chacun leur reconnaît une forme d’existence, ne soient jamais appelés à donner leur sentiment sur les textes dont ils sont l’objet », écrit-il. Voilà la chose réparée.
Et généreusement, le narrateur de La vérité sur « Dix petits nègres » va partager avec le lecteur de Pierre Bayard tous les ressorts littéraires et narratifs qu’il a utilisés pour mystifier non seulement ses victimes, mais aussi Agatha Christie elle-même. Et ce narrateur nous prévient : « Voir, ce n’est pas seulement regarder avec les yeux, c’est projeter dans le même temps sur le monde tout un maillage de connaissances préalables qui oriente notre vision. » Lire, à l’évidence, ressort du même mécanisme.
« IL ÉTAIT UN FOIS »
Il n’est pas question ici de donner la clé de l’énigme. Mais de noter que Pierre Bayard et son narrateur criminel analysent avec finesse certains aspects des énigmes policières. Le lieu des crimes est un lieu quasiment clos, une île, que la tempête rend inaccessible. Et c’est un genre de roman particulier, depuis La lettre volée d’Edgar Allan Poe jusqu’au Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux.
Le véritable coupable des meurtres des Dix petits nègres est donc un fin lettré et un narrateur hors pair. Il le démontre dans la mise en scène qu’il échafaude pour piéger ses victimes puis les enquêteurs et, enfin, Agatha Christie en personne, lorsqu’il détricote l’enquête de cette dernière.
Ainsi, le théâtre de sa diabolique machination a été choisi avec soin : « Préservée du monde et du temps, l’île représente un temps originel ouvert à toutes les dérives fantasmatiques. Elle est donc une incarnation spatiale du « il était une fois » par lequel débutent toutes les histoires pour enfants », note l’habile criminel. Tout peut donc advenir, et tous sont prêts à croire ce qu’un brillant conteur va raconter.
Au-delà du brillant exercice de style, La vérité sur « Dix petits nègres » continue d’interroger notre goût pour la fiction, notre jubilation lorsqu’elle fonctionne, notre crédulité aussi, lorsqu’elle est ficelée par des mains habiles. A l’ère du mensonge, les vérités littéraires de Pierre Bayard invitent joyeusement à rester alertes et critiques.


Philippe Chevallier, Lire, février 2019

Le lecteur connaissait l’assassin

 

Avons-nous bien lu les Dix petits nègres ? Pierre Bayard mène l’enquête, à sa manière, sur le célèbre roman d’Agatha Christie.

Ces questions nous poursuivent depuis l’enfance comme des comptines : Qui a peur du grand méchant loup ? Qui a fait du mal à Sophie ? Qui a tué Roger Ackroyd ? Obsession de l’attribution, pour remettre de l’ordre dans nos rêves, pour que la raison retrouve ses droits. L’identité de l’assassin des résidents de l’île du Nègre, réunis par Agatha Christie dans Dix petits nègres (1939), fait partie de ces questions essentielles. Car si le meurtrier est – allez, tant pis pour ceux qui ne l’ont jamais lu – le juge Wargrave, n’avez-vous jamais douté de la thèse officielle ? Avez-vous vraiment cru à la solution, livrée toute cuite, d’un problème insoluble (dix meurtres sur une île où personne n’a pu entrer ou sortir) ? Franchement, nous, oui : on avait tout gobé à l’âge de 9 ans. Mais Pierre Bayard, universitaire épris d’insolite, non ! Et dans un essai qui excite autant la raison que l’imagination, il rouvre le dossier, fidèle à une certaine conception de la liberté des héros de fiction. Que de vies à explorer, et à modifier, dans le blanc des pages… Quitte à recaler la fameuse chute des Dix petits nègres qui nous fit tressauter, bambins : incohérente, décrète Bayard. Et le prof de fac de tout réécrire du point de vue du véritable assassin, pas celui auquel l’auteur pensait, mais celui qu’il a laissé gambader entre les lignes.
Sans peur et sans reproche
Le plus fascinant n’est pas l’alternative finale – repose en paix, Agatha -, mais le geste : transposer le génie du polar dans l’analyse littéraire qui, cette fois, au lieu de disséquer son objet le fait briller de tous ses feux. Bayard n’a peur de rien : sa Vérité sur « Dix petits nègres » rejoue l’art du suspense, avec de charmantes digressions sur les canards qui ressemblent à des lapins, et l’art de l’enquête – en cherchant des indices dans d’autres romans d’Agatha Christie ou de l’oublié John Dickson Carr. Subtil et généreux, l’essayiste redonne à la reine du crime ce qui lui revient : son règne absolu sur nos peurs les plus anciennes et les plus secrètes. Et si nous avouons avoir relu ces Dix petits nègres avec le nom du nouvel assassin en tête – pour voir si ça « fonctionnait » -, c’est d’abord la preuve que Bayard a atteint son but : « l’intensité avec laquelle les lecteurs s’intéressent à nous, écrit le nouvel assassin, nous donne l’existence et nous maintient en vie ».


 

Lire l'article de Christine Marcandier, "Pierre Bayard : résoudre les cold cases littéraires", Diacritik, 11 février 2019.

 

 

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Poche « Double »

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Voir aussi

Pour une nouvelle littérature comparée, in Pour Éric Chevillard, (Minuit, 2014)



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