Paradoxe


Georges Didi-Huberman

La Fabrique des émotions disjointes

Faits d'affects, 2


2024
400 pages
ISBN : 9782707349873
26.00 €


Les faits d’affects sont à valences multiples. Ils méritent donc d’être interrogés dans le pourquoi de leurs motifs souvent inconscients, dans le comment de leurs manifestations gestuelles et, tout aussi bien, dans le pour quoi de leurs destins éthiques et politiques. Car tout cela fonctionne ensemble dans chaque moment de l’histoire.

Ce volume, comme le précédent, s’autorise à vagabonder entre des analyses de cas singuliers très divers, mais pour voir s’y dessiner une configuration particulière bien que, malheureusement, très puissante et répandue. Les faits d’affects y sont réglés selon une disjonction : « fronts contre fronts », en quelque sorte. On entre là dans le vaste domaine d’une anthropologie politique des sensibilités et, notamment, de ce que Svetlana Alexievitch nommait les « documents-sentiments » relatifs à l’expérience des femmes russes enrôlées dans les combats de la Seconde Guerre mondiale. Comment, alors, ne pas s’interroger, en amont sur la « fabrique des émotions » dans le cadre propagandiste nazi, en aval sur la notion économique de « promotion » capitaliste ? Comment, au fil de ce parcours, ne pas revenir à la notion – toujours à revisiter, de Hegel à Marx et de Freud à l’anthropologie contemporaine – du fétichisme, là où justement les relations des sujets aux objets prennent un tour réifié, aliéné, mortifère ?

La disjonction affective ne caractériserait-elle pas, pour finir, ce « malaise dans la culture » duquel nous peinons à nous extraire dans un monde où notre liberté dans le « partage du sensible » se heurte constamment à une sorte de loi du marché affectif ?

ISBN
PDF : 9782707349897
ePub : 9782707349880

Prix : 18.99 €

En savoir plus

France Culture, Les Midis de Culture, 28 mai 2024

 


Comment qualifier nos émotions ? Que faisons-nous de notre peur, de notre colère ? Comment dresser une Histoire des émotions ? Se servant d'œuvres d'art, d'images et puisant dans différents épisodes de l'Histoire, Georges Didi-Huberman déplie la fabrique de nos affects.

Depuis 42 ans et la parution de son premier livre sur l'iconographie de l'hystérie, l'historien de l'art et anthropologue des images Georges Didi-Huberman s'est donné pour mission d'examiner les images sous toutes leurs coutures. De l'apparition des fantômes à l'horreur des camps, son idée est de saisir en quoi les images défient nos représentations, en quoi elles nous émeuvent et dépassent largement les idées que l'on se fait de tel ou tel objet, de tel ou tel moment historique.
Mais les images, et c'est le sens de son dernier livre, ne font pas que nous émouvoir spontanément, purement. Elles ne font pas que nous réveiller et nous éveiller, elles nous formatent aussi, nous subjuguent, nous aliènent. Comment faire alors la différence entre une bonne et une mauvaise image, entre une bonne et une mauvaise émotion, entre celle qui nous mène à la liberté et celle qui nous enferme ?

La fabrique des émotions disjointes paru aux éditions de Minuit est le deuxième volume de sa série sur les Faits d'affects, dont le premier opus Brouillards de peines et de désirs, a paru en 2023.

Qu'est-ce qu'une émotion disjointe ?
À cette question, Georges Didi-Huberman ne donnera pas de définition, considérant qu'être philosophe "ce n'est pas donner des définitions", il préfère parler en exemple : "quand on est ému, on est souvent déchiré. Il y a comme un rideau qui présente une déchirure, ça, c'est nous avec nos émotions, on peut être ému pour des raisons que l'on ignore, on est déchiré, mais ça va, on ne perd pas de vue notre propre fragilité. Et puis parfois, le rideau se déchire complètement et on se retrouve avec deux morceaux ; c'est ça la disjonction, c'est quand on va au-delà du refoulement".

Les dangers du "un"
Dans son ouvrage, Georges Didi-Huberman prend pour exemple le film de propagande nazie Le Triomphe de la volonté de Leni Riefenstahl dans lequel on entend Hitler donner l'ordre à une foule, qui, subjuguée par l'image d'un tout-puissant, répond d'une seule et même voix : "ce qui est extraordinaire, c'est que quand on dit 'la mobilisation des masses', quand on réfléchit, ça veut dire l'immobilisation. Mobiliser les masses, c'est en réalité les immobiliser dans un seul mouvement vers quelque chose : par exemple, la haine d'un autre peuple. Le pire, c'est le 'un'".

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