Essais


Georges Didi-Huberman

Eparses. Voyage dans les papiers du ghetto de Varsovie


2020
176 pages
17 illustrations in-texte
ISBN : 9782707346056
16.50 €


C’est le simple « récit-photo » d’un voyage dans les papiers du ghetto de Varsovie. La tentative pour porter, sur un corpus d’images inédites réunies clandestinement par Emanuel Ringelblum et ses camarades du groupe Oyneg Shabes entre 1939 et 1943, un premier regard.
Images inséparables d’une archive qui compte quelque trente-cinq mille pages de récits, de statistiques, de témoignages, de poèmes, de chansons populaires, de devoirs d’enfants dans les écoles clandestines ou de lettres jetées depuis les wagons à bestiaux en route vers Treblinka… Archive du désastre, mais aussi de la survie et d’une forme très particulière de l’espérance, dans un enclos où chacun était dos au mur et d’où très peu échappèrent à la mort.
Images de peu. Images éparses — comme tout ce qui constitue cette archive. Mais images à regarder chacune comme témoignage de la vie et de la mort quotidiennes dans le ghetto. Images sur lesquelles, jusque-là, on ne s’était pas penché. Elles reposent cependant la question du genre de savoir, ou même du style que peut assumer, devant la nature éparse de tous ces documents, une écriture de l’histoire ouverte à l’inconsolante fragilité des images

ISBN
PDF : 9782707346025
ePub : 9782707346018

Prix : 11.99 €

En savoir plus

Lire l'article de Pierre-Antoine Fabre "Une vie extime", En attendant Nadeau, 23 avril 2020


Frédérique Fanchette, Libération, jeudi 7 mai 2020

Le ghetto de Varsovie caché sur papiers

Dans « Eparses », le philosophie Georges Didi-Huberman entreprend un « voyage » dans le trésor de l’archive Ringelblum.

Avril 1946 : sur l’emplacement de ce qui fut le ghetto de Varsovie, une plaine de gravats, une femme supplie de chercher et chercher encore. Elle s’appelle Rachel Auerbach, elle est une survivante du groupe « Oyneg Shabes » (en yiddish, la « joie du shabat »). Elle sait qu’un trésor historique, « de cris muets », est enterré quelque part depuis le 3 août 1942, des dizaines de milliers de papiers documentant la vie dans le ghetto : presse clandestine, chansons de rue, photos, lettres, papiers de bonbons… 35 369 pages ont été retrouvées. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui l’archive Ringelblum, du nom de l’historien juif polonais assassiné en 1944, chef d’orchestre de ce projet déterminé et désespéré : donner aux chercheurs du futur la possibilité d’établir une vérité étouffée par les mensonges des nazis. Les  papiers cachés dans deux bidons de lait et des boîtes en fer-blanc sont aujourd’hui à l’Institut historique juif de Varsovie. En avril 2019, une exposition s’y tenait. Dans le catalogue apparaissait un texte du philosophe français Georges Didi-Huberman, un extrait d’Eparses, « voyage » dans ce monumental corpus d’archives.
« L’épars », « éparse », « éparses », les mots répétés de façon lancinante recouvrent et rassemblent différents aspects de l’histoire de ce trésor de papier. Ils signent aussi l’intervention « conceptuelle » d’un auteur dont des membres de la famille ont été tués par les nazis, et sont comme ces modestes pierres placées dans des niches du mur du ghetto, des petits témoignages de piété funéraire.
Didi-Huberman met en avant « l’extraordinaire défi lancé […] à la face des persécuteurs » par Ringelblum, soucieux de constituer « une monumentale, irréfutable et inoubliable, histoire cependant faite de ces milliers de bouts de papiers échappés, els des flocons de poussière, de chaque tragédie singulière ». Il rappelle les failles politiques au sein du ghetto. « Certains pensaient retarder ou atténuer la violence nazie par des négociations, des tractations en tous genres. D’autres, au contraire, estimaient que cela ne ferait que faciliter l’engrenage de l’extermination. Emmanuel Ringelblum fut de ceux-ci ».
C’est la perspective de voir des photos inédites de l’archive Ringelblum qui poussa Didi-Huberman à se rendre à Varsovie, une réflexion sur ces « images de peu » court au fil du livre. Il s’arrête un temps sur les polémiques portant sur la légitimité ou non d’utiliser « les sources visuelles, allemandes surtout, de la Shoah ». Et il a cette réponse : « Pourquoi les photographies de Heinrich Jöst ou du rapport établi par le général SS Jürgen Stroop demeurent-elles de véritables amers – des balises pour s’orienter dans l’amertume infinie de ce temps – et continuent ainsi de guider votre appréhension historique du ghetto de Varsovie ? Parce qu’il arrive que des images soient plus puissantes que celui qui croit les avoir « prises », parce que ces images savent nous montrer bien autre chose que ce que voyait le photographe lui-même. Parce que des images peuvent toujours témoigner contre ceux qui les ont faites. »



 

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