« Double »


Marguerite Duras

L'Été 80


2008
Collection Double , 112 p.
ISBN : 9782707320223
7.90 €
La première édition est parue en septembre 1980.


« Au début de l"été, Serge July m’a demandé si j’envisageais dans les choses possibles d’écrire pour Libération une chronique régulière. J’ai hésité, la perspective d’une chronique régulière m’effrayait un peu et puis je me suis dit que je pouvais toujours essayer. Nous nous sommes rencontrés. Il m’a dit que ce qu’il souhaitait, c’était une chronique qui ne traiterait pas de l’actualité politique ou autre, mais d’une sorte d’actualité parallèle à celle-ci, d’événements qui m’auraient intéressée et qui n’auraient pas forcément été retenus par l’information d’usage. Ce qu’il voulait, c’était : pendant un an chaque jour, peu importait la longueur, mais chaque jour. J’ai dit : un an c’est impossible, mais trois mois, oui. Il m’a dit : pourquoi trois mois ? J’ai dit : trois mois, la durée de l’été. Il m’a dit : d’accord, trois mois, mais alors tous les jours. Je n’avais rien à faire cet été-ci et j’ai failli flancher, et puis non, j’ai eu peur, toujours cette même panique de ne pas disposer de mes journées tout entières ouvertes sur rien. J’ai dit : non, une fois par semaine, et l’actualité que je voulais. Il a été d’accord. Les trois mois ont été couverts à part les deux semaines de fin juin et début juillet. Aujourd’hui, ce mercredi 17 septembre, je donne les textes de L’Été 80 aux Éditions de Minuit. C’est de cela que je voulais parler ici, de cette décision-là, de publier ces textes en livre. J’ai hésité à passer à ce stade de la publication de ces textes en livre, c’était difficile de résister à l’attrait de leur perte, de ne pas les laisser là où ils étaient édités, sur du papier d’un jour, éparpillés dans des numéros de journaux voués à être jetés. Et puis j’ai décidé que non, que de les laisser dans cet état de textes introuvables aurait accusé davantage encore -mais alors avec une ostentation douteuse – le caractère même de L’Été 80, à savoir, m’a-t-il semblé, celui d’un égarement dans le réel. Je me suis dit que ça suffisait comme ça avec mes films en loques, dispersés, sans contrat, perdus, que ce n’était pas la peine de faire carrière de négligence à ce point-là.
Il fallait un jour entier pour entrer dans l’actualité des faits, c’était le jour le plus dur, au point souvent d’abandonner. Il fallait un deuxième jour pour oublier, me sortir de l’obscurité de ces faits, de leur promiscuité, retrouver l’air autour. Un troisième jour pour effacer ce qui avait été écrit, écrire. »

M.D.

ISBN
PDF : 9782707330079
ePub : 9782707330062

Prix : 7.49 €

En savoir plus

G. P. (Les Nouvelles littéraires, 8 janvier 1981)

« Un écrivain jette un regard neuf sur le monde. Mais sa vitre est brouillée. La pluie tombe sur une plage normande. Un enfant joue, court, ramasse des coquillages. Et pendant ce temps les ouvriers sont en grève à Gdansk, les jeux Olympiques se déroulent dans l’ordre à Moscou, l’Afghanistan disparaît de la carte des États indépendants. Un État comme les autre ? Pas vraiment, et sous le regard tremblé, tremblant de Marguerite Duras, L’Été 80 prend un relief nouveau. Il pleut sur la Normandie, le monde bouge et les mots s’écrivent. C’est un texte en dix séquences. Et c’est très beau. »

G. P. (Les Nouvelles littéraires,15 janvier 1981)

Quand Marguerite Duras parle à la première personne
 
« (…) Pureté de style, pureté des mots sur la page : L’Été 80 ne s’écrit pas seulement avec des titres à la “ Une ”, mais aussi avec des fragments d’autobiographie. “ La clarté de la nuit est presque aussi intense que là-bas où je suis née et, du côté du Havre, les quais vides sont encore les chemins de douane des postes-frontières du Siam. ” Celle qui fut résistante, militante, membre du PCF, voit en Gdansk “ le phare qui éclairerait la grande décharge du socialisme européen ”. C’est elle aussi qui énonce : “ Le crime politique est toujours fasciste... Lorsque la gauche tue, elle dialogue avec le fascisme ”, dénonçant les terrorismes.
Mais le regard, brouillé de pluie, va plus loin que la simple actualité immédiate. La chronique se révèle ainsi poème en prose : “ Tout à coup, cet affaissement de la durée, ces couloirs d’air, cette étrangeté qui filtre, impalpable, à travers les sables, la surface de la mer, le flux de la marée montante. ” Le va-et-vient entre Gdansk et un enfant qui marche au-devant de la mer, les plages rendues “ aux rafales joueuses du vent ”, rythmant “ les signes avant-coureurs d’un nouveau bonheur ”, renvoient très vite, sur un tempo lancinant, à la marche de l’événement.
Au loin, la file des cargos bloque le cap d’Antifer. Un écrivain qu’on a trop souvent réduit à l’axe “ nouveau roman ”, qui a trop souffert du soupçon d’illisibilité, nous écrit du plus clair d’elle-même. Elle dit la fin de l’été et la montée des marées de septembre, la solitude face au monde et à elle-même. “ J’ai ouvert les yeux sur le noir de la chambre. Vous êtes près de moi ”, dit-elle. Et le lecteur interpellé croit découvrir une nouvelle Marguerite Duras. Avec qui la conversation sur le monde et soi se poursuit à l’infini. »

 




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