« Je l’ai pris et je l’ai mis dans le temps gris, près de la mer, je l’ai perdu, je l’ai abandonné dans l’étendue du film atlantique. Et puis je lui ai dit de regarder, et puis d’oublier, et puis d’avancer, et puis d’oublier encore davantage, et l’oiseau sous le vent, et la mer dans les vitres et les vitres dans les murs. Pendant tout un moment il ne savait pas, il ne savait plus, il ne savait plus marcher, il ne savait plus regarder. Alors je l’ai supplié d’oublier encore et encore davantage, je lui ai dit que c’était possible, qu’il pouvait y arriver. Il y est arrivé. Il a avancé. Il a regardé la mer, le chien perdu, l’oiseau sous le vent, les vitres, les murs. Et puis il est sorti du champ atlantique. La pellicule s’est vidée. Elle est devenue noire. Et puis il a été sept heures du soir le 14 juin 1981. Je me suis dit avoir aimé. »
Marguerite Duras
ISBN
PDF : 9782707330116
ePub : 9782707330109
Prix : 4.99 €
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(Bulletin critique livre français, 1982)
« Ce texte très bref est la transcription de la bande-son du dernier film de Marguerite Duras, réalisé à partir de rushes du film Agatha ou les lectures illimitées. Ce texte est dit d’une façon fascinante par l’auteur sur des images d’Yann Andréa marchant dans les pièces désertes de la villa d’Agatha, sur de longues séquences de noir aussi. Ce texte peut être lu comme écrit, même si sa priorité comme bande-son est claire. On y retrouve un “ vous ” qui est peut-être le même que celui des trois Aurélia Steiner : tout le texte est adressé à l’Autre, I’homme de l’image sans doute, celui que le texte fait passer devant la caméra, regarder la caméra, disparaître du champ de la caméra. Cet homme, I’acteur, est l’objet d’un amour, d’un amour finissant, fini. Le jeu du texte, la cinéaste, raconte comment, dans le sentiment de cette fin d’amour, prête pour la mort, elle a voulu écrire : pour se laver de cette émotion, mais qu’elle n’a pu que faire un film, avec les images de l’être aimé, les images de sa présence et de son absence à la fois. Il y a dans L’Homme atlantique le cri, I’appel à l’Autre au moment de la mort et de la mort de l’amour ; I’Autre étant regardé par la caméra, il y a aussi une réflexion sur le cinéma, le pouvoir du cinéaste, I’être de l’acteur ; enfin une voix sur la mort du cinéma et le refus de la représentation. État bouleversant d’une recherche extrême. »
Du même auteur
- Moderato cantabile, 1958
- Détruire dit-elle, 1969
- Le Camion, 1977
- Les Lieux de Marguerite Duras, 1978
- L’Homme assis dans le couloir, 1980
- Agatha, 1981
- L’Homme atlantique, 1982
- Savannah Bay, 1982
- La Maladie de la mort, 1983
- L'Amant, 1984
- La Pute de la côte normande, 1986
- Les Yeux bleus cheveux noirs, 1986
- Emily L., 1987
- L'Amant (Édition spéciale), 2024
Poche « Double »
- Moderato cantabile, 1980
- Détruire dit-elle, 2007
- Savannah Bay, 2007
- Emily L., 2008
- L'Été 80, 2008
- Les Lieux de Marguerite Duras, 2012
- Les Parleuses, 2013
- Les Yeux bleus cheveux noirs, 2014
Livres numériques
- Les Parleuses
- Agatha
- Détruire dit-elle
- Emily L.
- L'Amant
- L'Été 80
- L’Homme assis dans le couloir
- L’Homme atlantique
- La Maladie de la mort
- La Pute de la côte normande
- Le Camion
- Les Yeux bleus cheveux noirs
- Moderato cantabile
- Savannah Bay
- L'Amant (Édition spéciale)