Opéra


Jean Echenoz

Les éclairs, Opéra


2021
96 pages
ISBN : 9782707347374
10.00 €


Le Théâtre national de l'opéra-comique m'a proposé d'adapter mon roman Des éclairs, paru en 2010. Ce livret reprend donc l'argument général de l'ouvrage, mais dans une organisation entièrement différente. Les personnages, les lieux, les situations et les dialogues ont été recréés pour servir la forme singulière d'un opéra.

J. E.


 

Drame joyeux en quatre actes.

Livret de Jean Echenoz.

Musique de Philippe Hersant.

Commande de l’Opéra Comique.

Création mondiale le 2 novembre 2021.

 

Direction musicale         Ariane Matiakh
Mise en scène                  Clément Hervieu-Léger, sociétaire de la Comédie-Française
Décors                                Aurélie Maestre
Costumes                          Caroline de Vivaise
Lumières                           Bertrand Couderc

Gregor                              Jean-Christophe Lanièce
Edison                               André Heyboer
Betty                                  Elsa Benoit
Ethel                                  Marie-Andrée Bouchard-Lesieur
Norman                             François Rougier
Parker                               Jérôme Boutillier
Chœur                               Ensemble Aedes

Orchestre                         Orchestre Philharmonique de Radio France
Production                       Opéra Comique
Coproduction                 Théâtre national croate - Zagreb
                                                Opéra National Grec 

ISBN
PDF : 9782707347404
ePub : 9782707347398

Prix : 6.99 €

En savoir plus

Jean Echenoz était l'invité d'Arnaud Laporte dans l'émission Affaires culturelles sur France Culture le 28 octobre 2021, à l'occasion de la création de l'opéra Les éclairs et de la sortie du livre.

Ecouter l'entretien avec Arnaud Laporte

Ecouter également l'émission Carrefour de la création, sur France Musique, consacrée à l'opéra Les éclairs.

 


Pierre Gervasoni, Le Monde, 5 novembre 2021

La création de Philippe Hersant est donnée à l’Opéra-Comique, à Paris

Un parfum d’histoire flottait dans la salle de l’Opéra-Comique, à Paris, mardi 2 novembre, à l’occasion de la création du troisième ouvrage lyrique de Philippe Hersant, Les Eclairs, sur un livret de Jean Echenoz. Par la présence à l’affiche de deux grands noms de la culture contemporaine, mais aussi par celle, dans la loge d’honneur, de deux directeurs de cette institution : Olivier Mantei, en poste depuis 2015, et Louis Langrée, récemment nommé pour lui succéder.
Bien que sa nature le pousse à écouter plutôt qu’à parler, à se mettre en retrait des projets qu’il a lancés plutôt qu’à parader après leur consécration, souvent unanime, Olivier Mantei est apparu comme le grand gagnant de la soirée, achevant sa mandature sur un coup d’éclat, dans le registre du non-conformisme qui le caractérise.
Riche partition
Connu pour son engagement en faveur des compositeurs à tendance novatrice, tels que Karlheinz Stockhausen, Philippe Manoury, Pascal Dusapin ou Francesco Filidei, qui ont signé quelques moments forts de sa programmation, le futur directeur général de la Philharmonie de Paris a pris congé de la salle Favart avec une commande passée à quelqu’un qui se situe aux antipodes de la notion de modernité.
Philippe Hersant est en effet porté par une considération intime du passé, et l’histoire, adaptée par Jean Echenoz de son propreroman Des éclairs (Editions de Minuit, 2010), a permis au musicien de 73 ans d’en témoigner dans une partition d’une richesse sans doute inégalée dans son catalogue. En variant les plaisirs, de la citation détournée (scherzo de la Symphonie du Nouveau Monde, d’Antonin Dvorak, quand le personnage principal débarque en Amérique) à l’exercice de genre (l’opérette pour une amorce « d’époque », le jazz pour la sensualité féminine) et, surtout, en échappant au piège des conventions que n’a pas toujours évité son librettiste.
Si la vie de Nikola Tesla (1856-1943), pionnier de l’électricité menaçant l’hégémonie de Thomas Edison (1847-1931), inspire à Jean Echenoz quelques jolies répliques à base d’alexandrins (« Je suis né sous l’orage au milieu du tonnerre », confie le scientifique désormais prénommé Gregor) ou d’assonances (« veules, viles, vides, vains » sont ainsi brocardés les pigeons qu’il chérit), mais aussi d’incroyables platitudes (« Tout rival devient aussitôt un ennemi ») et d’obscures métaphores (« Vous êtes l’eau glacée du calcul égoïste »), elle patine dans une intrigue en quatre actes qui enchaîne les scènes en limitant le potentiel dramatique des personnages à la situation de tel ou tel tableau.
A l’exception de Gregor, sorte de Pierrot extraterrestre que Jean-Christophe Lanièce rend très attachant, ils relèvent tous du stéréotype. Edison (volcanique André Heyboer), le génie imbu de sa personne ; Betty (trépidante Elsa Benoît), la première femme journaliste du New York Herald ; Horace Parker (Jérôme Boutillier, à l’abattage inépuisable), l’entrepreneur vénal, et le couple Axelrod (le savoureux Norman de François Rougier, la touchante Ethel de Marie-Andrée Bouchard-Lesieur), mécènes fidèles jusque dans l’adversité.
Clément Hervieu-Léger s’attelle à une mise en scène très consciencieuse, tantôt réaliste (exécution à la chaise électrique), tantôt onirique (l’univers des oiseaux), dans des décors d’Aurélie Maestre qui suivent bien les fluctuations du texte entre théâtre de boulevard et théâtre des marionnettes. Sophistiquée ou accessible, la langue d’Echenoz court très naturellement sur les lèvres des chanteurs par la grâce d’une prosodie de maître. Hersant excelle dans ce domaine. Sa ligne de chant est toujours simple, mais jamais impersonnelle. Elle maque parfois (sauf dans le face-à-face entre les deux femmes) d’un lyrisme qu’il eût été opportun d’envisager dans la descendance de Puccini, mais fait un usage très pertinent des choristes de l’ensemble Aedes.
Délits et délices harmoniques
Cependant, l’essentiel de l’expression est fourni par l’orchestre. Pour suggérer une atmosphère (les vagues houleuses des cordes), éclairer un monologue (multiples trouvailles de timbre, à l’instar de cet alliage de vibraphone et de marimba réalisé au synthé) ou ménager une ponctuation.
D’essence tonale, l’écriture se plaît à confondre délits et délices harmoniques. Philippe Hersant est un compositeur de tradition : la sienne, née d’un grand nombre d’expériences sur le terrain artisanal. Plus que les éclairs anecdotiques du spectacle (court-circuit des dynamos du bateau, chaise électrique qui disjoncte, flashs crépitants des reporters), c’est donc sa partition qui éblouit, principalement dans la fosse où l’Orchestre philharmonique de Radio France est dirigé avec une légèreté bienvenue par Ariane Matiakh. Sachant que, en dépit de la triste fin de son principal protagoniste, Les Eclairs est incontestablement un opéra-comique.


Éric Dahan, Libération, 5 novembre 2021

"Les Eclairs", l'électron vibre


Adaptation de Jean Echenoz, le troisième opéra de Philippe Hersant évoque  avec brio la carrière aux Etats-Unis de l'inventeur Nikola Tesla

Commande de l’Opéra-Comique, le troisième opéra de Philippe Hersant, sur un livret de Jean Echenoz, d’après son roman Des éclairs, a été créé mardi soir. Il ne s’agit pas d’un biopic retraçant la vie de Nikola Tesla, pionnier serbo-croate de l’électricité, ici rebaptisé Gregor, mais d’une évocation de sa carrière aux Etats-Unis, où il émigra en 1884 et déposa près de 300 brevets scientifiques. C’est aussi le portrait d’un incompris dont nombre d’inventions furent accaparées par Thomas Edison, d’un utopiste déçu qui préférait la compagnie des oiseaux à celle des femmes.
Si l’on s’attend à un choc théâtral équivalent à Einstein on the Beach de Philip Glass ou à Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen, mieux vaut s’abstenir, car le cahier des charges rempli par les Eclairs date du XIXe siècle. Cela n’empêche pas de saluer le travail du metteur en scène, Clément Hervieu-Léger et de ses collaborateurs aux lumières, décors et costumes pour leur belle reconstitution du New York et du Colorado de la révolution industrielle. En revanche, si l’on considère qu’une dramaturgie de gestes instrumentaux interchangeables ne constitue pas une œuvre musicale, il faut se précipiter pour écouter la partition de Philippe Hersant, admirablement servie par le Philharmonique de Radio France et le chœur Aedes que dirige Ariane Matiakh. Quelques secondes de machine à vent et de bruits de vagues, et c’est parti : sur un tempo de 90 à la noire, un ostinato de cordes - Ré/Do#/Si/Do# -, complété par l’intervalle Ré/Fa# joué à la trompette, installe une tonalité de Ré Majeur, qui va *progressivement s’altérer, mais qui nous téléporte, dès la première mesure, sur le paquebot qui conduit Tesla vers le Nouveau Monde.
Avouons-le : entendre Hersant s’emparer, sans chichis, de son sujet, après des années à se fader des ouvrages lyriques s’ouvrant sur une pédale de couleur spectrale, fait u bien fou ! Le Baryton Jean-Christophe Lanièce, à l’aigu superbement claironnant, nous entraîne ensuite dans le monde de Pelléas et Mélisande, dont Hersant reproduit la prosodie, sans doute pour rendre hommage au chef-d’œuvre de Debussy, créé dans ces mêmes murs en 1902. Réduire Les Eclairs à une simple célébration du style français serait toutefois injuste. Le plus brillant élève de Jolivet a, certes, ciselé l’écriture des vents, et connaît son Dukas sur le bout des doigts mais, fort de la technique dodécaphonique qui lui permet de contrôler la forme, il va s’autoriser des emprunts à Berg, Stravinsky, Gershwin, Nino Rota – la déploration de Gregor, accompagnée par des blocs chinois et un synthétiseur, évoquant le thème du Casanova de Fellini – et même John Adams avec l’aria «  Vendredi c’est le jour de Vénus », qui n’a rien à envier au «  This is prophétic » de Nixon in China. Au terme d’une heure et quarante-huit minutes, le public a ovationné Hersant pour sa musicalité profuse, son authentique métier d’orchestrateur, et sa liberté d’esprit, Comme de juste.

 

 




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