Il y en a un qui en a aimé une, qui peut-être l’aime encore, ou le croit. Il y en a un autre, qui a eu l’occasion de la sauter, cette aimée, il ne sait plus trop, à force. Il y en a une, vraisemblablement pas la même, mais qui veut bien aider à comprendre. Et une qui attend. Ailleurs. Qui devrait être celle dont il est question.
‑‑‑‑‑ Extrait d’un entretien avec Jacques Serena ‑‑‑‑‑
Pas moi qui pourrais dire si le roman est en général plus littéraire et le texte de théâtre moins, ou pas. Pour ce que j’en sais, le théâtre peut très bien être aussi rasoir que le roman. Ce que je peux signaler c’est que, pour ma part, je me mets dans un aussi sale état pour émettre du théâtre que du roman. Le soliloque de la fille, à la fin de ma pièce Rimmel, est autant du roman que pouvait l’être n’importe quel chapitre de mon roman Basse Ville. Ou aussi peu. D’ailleurs, je n’écris pas pour le théâtre, ni pour un lecteur, ni pour qui ou quoi que ce soit. Au moment d’écrire, si c’est vraiment le moment, je ne sais pas ce qui va se passer, en sortir, alors la question de la destination a du mal à se poser. Des textes seront jetés, ou laissés en plan, d’autres iront plus ou moins se faire passer pour du roman, et d’autres sans trop de mal pour du théâtre. De toute façon, ma quête romanesque m’amenait à m’exciter sur le rythme et le son, j’allais assez naturellement vers une publication par la voix. Par des voix. D’autre part, sans doute parce que subissant, comme tout un chacun, des actualités qui passent plus de temps à vouloir absolument démontrer qu’à montrer, je tendais à ne plus vouloir, moi, que témoigner, signaler les mots dits, indiquer les gestes faits : avec ce mobile vaguement éthique j’allais spontanément vers une écriture flirtant avec le théâtre.
Les propositions de Jean-Louis (Martinelli) ont évidemment aggravé l’affaire. Chez lui j’ai senti cette même envie d’aller chercher, coincer, faire surgir, entre des mots et des gestes, des moments justes, ou louches, que j’aime appeler adéquats.
Le théâtre me passionne depuis qu’il me semble être un des derniers lieux où des gens viennent se réunir pour que des choses graves, fortes, violentes, intimes, aient lieu.
Retrouver un matelas, et celui qui s’y était couché en compagnie de celle que l’on avait cru sienne, vouloir voir une fois pour toutes ce que sinon de toute façon l’on n’arrête pas de voir avec tout ce pire que charrie le doute, voilà ce que peut permettre, par exemple, le théâtre.
Évidemment, travailler avec Joël Jouanneau m’excite. J’ai bien senti que nous nous débattons, lui et moi, dans les mêmes eaux ; un obsédé, lui aussi, aussi malsain, je crois. Il ne trahira pas, rien. La façon dont il me parle de Rimmel, c’est sa pièce déjà. Tout à fait capable d’empirer l’affaire.
Entretien paru dans Théâtre Ouvert, propos recueillis par Marie-Pia Bureau.
Du même auteur
- Isabelle de dos, 1989
- Basse ville, 1992
- Lendemain de fête, 1993
- Rimmel, 1998
- Plus rien dire sans toi, 2002
- L’Acrobate, 2004
- Sous le néflier, 2007