Romans


Hervé Guibert

Les Gangsters


1988
128 pages
ISBN : 9782707311764
17.00 €


Rentrant de vacances, Hervé Guibert trouve ses grand-tantes aux prises avec huit gangsters qui, les terrorisant depuis une semaines, leur ont déjà extorqué une fortune et ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin. Ses réflexes mettent le gang en échec. Bien sûr, le choc a altéré la personnalité des deux femmes de quatre-vingt-un et quatre-vingt-onze ans. Mais il va peut-être bouleverser davantage leur neveu : les gangsters ne tardent pas à faire peser sur lui des menaces de mort ; pour les policiers, il devient le suspect numéro un.
Le suspense se double d'une réflexion sur la souffrance morale et physique, le racisme, la vieillesse, la perversité de l'argent, la sensation du manque, la peur : n'y-a-t-il pas en définitive beaucoup de points communs entre le romancier et le paranoïaque ?

ISBN
PDF : 9782707337283
ePub : 9782707337276

Prix : 11.99 €

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Bertrand Poirot-Delpech (Le Monde, 7 octobre 1988)

Hervé Guibert, pervers polymorphe
 
 (…) Le narrateur des Gangsters souffre d'une des affections réputées les plus insoutenables et les plus propres à brouiller la frontière entre maux du corps et maux de l'âme : le zona. Il raconte, comme si on y était, le cheminement de la démangeaison, la brûlure enveloppante, la montée des paroxysmes. Ailleurs, il rendra presque palpables d'autres atteintes physiques, avec des métaphores suggestives dignes d'Henri Michaux. Si des médecins envisagent d'écrire un traité subjectif sur la douleur, sa topographie, ses séismes, ses trompeuses rémissions, je leur conseille d'engager Guibert comme expert !
Le narrateur surmonte son mal pour venir en aide à deux vieilles tantes qui survivent tant bien que mal dans un pavillon de banlieue et qu'une bande de petits escrocs du bricolage “ au noir ” sont en train de ruiner. Sous prétexte de combattre des insectes, ils ont repeint pièce après pièce, tout en extorquant aux vieilles, par le récit de leurs malheurs familiaux, plus de 600 000 francs d'économies cachées et autres bons du Trésor.
Le neveu alerte la police et couche sur place, ce qui fait fuir les truands mais n'élimine pas la souffrance des lieux. D'une certaine façon, la présence des faux peintres servait de cache-misère. Les deux vieillardes retrouvent, ravivés, leurs anciens litiges et les décrépitudes de l'âge. Le grésillement d'un interphone mal branché, le lancinement d'une sciatique que les corsets n'apaisent plus, les dentiers égarés, toute cette misère inexorable resurgit, s'exaspère. Les tranquillisants ne brisent que les “ pieds ” de la douleur, laissant la tête vaillante, d'autant plus...
La recherche de coupables, elle aussi, réveille ce par quoi tient, depuis quatre-vingts ans le couple des deux sœurs : un besoin tenace, vital, de haine, de susciter la détestation, de l'attirer sur soi comme la foudre, comme l'amour. L'une, Louise, est restée vierge, traumatisée par les exhibitions des blessés de 1914 qu'elle soignait, l'autre, Suzanne, est veuve d'un pharmacien dont les produits défraîchis envahissent le pavillon. Toutes deux ont pris goût à la souffrance et aux recherches oiseuses de culpabilité, moins par religion mal comprise que par routine. Ainsi se nouent, on le sait, d'ignobles complicités avec ce qui, corps et âme, nous tue.
Le narrateur prendra le large, une fois l'enquête close (sans résultat). Mais le bonheur auquel il aspire ne sera pas sans mélange. Le hasard – ou ses goûts – l’expose à ressentir plus que d'autres la peur de violences sournoises, à les attirer. Lors de la Féria de Nîmes, il est attaqué, dépouillé de tout. Près de chez lui, à Paris, un inconnu le jette à la renverse contre une borne. Il a le temps de décomposer le mouvement de sa chute, de sentir le choc proche. Cela fait partie de sa singularité : ce que les cinéastes appellent l'arrêt sur image. Il voit monter les obstacles, grossir les poings, gicler le sang au ralenti...
Parti se reposer de ses ennuis en Vendée, le narrateur trouve le moyen de trembler pour un manuscrit qu'il s'adresse poste restante avec des soins paranoïaques. Sur la plage de son enfance, l’ami qui l'accompagne fait mine de le pousser dans une grotte où battent les vagues. Veut-on le noyer ou le caresser ? Que la question puisse seulement se poser montre assez dans quelle zone d'incertitude flottent toutes les sensations du livre, entre plaisir et douleur, élan et repli, amour et haine, douceur et brutalité. C'est dans ce flou, ce tremblé, que réside l'originalité de l'auteur, et de son style. (…) 

Michèle Bernstein (Libération, 20 octobre 1988)

 Pourquoi dissimuler que les livres d'Hervé Guibert m'emballent absolument ? C'est toujours drôle à se dire : puisque, bon siècle, mal siècle, l’humanité produit toujours son contingent d'écrivains majeurs, certains de vos contemporains deviendront des classiques... Je sais que sur le moment, souvent on se trompe. Et si je prend le pari, je ne serai pas là pour soupeser les jetons ou déchirer mon ticket. Mais Guibert, je le vois gros comme une maison, gros comme un soleil. 

 




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