Romans


Christian Gailly

L'Incident


1996
256 pages
ISBN : 9782707315670
18.75 €
30 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille
* Réédition dans la collection de poche double


Elle n’avait pas prévu qu’on lui volerait son sac à la sortie du magasin. Encore moins que le voleur jetterait le contenu dans un parking. Quant à Georges, s’il avait pu se douter, il ne se serait pas baissé pour le ramasser.

ISBN
PDF : 9782707327574
ePub : 9782707327567

Prix : 7.49 €

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Gaëlle Bayssière (L’Express, 7 novembre 1996)

L'amour dans les nuages
Il faut tout le talent de Christian Gailly pour faire d'une rencontre un roman d'amour de haute voltige
 
« Christian Gailly a enfin écrit son grand roman d'amour ! Un amour où la pudeur le dispute aux sentiments et où il faut attendre la page 243 pour qu'enfin s'échange un long baiser tendre. Mais une romance tout de même, en forme de valse-hésitation, que l'écrivain orchestre d'une cabine de pilotage.
Le début d'une histoire d'amour est toujours hasardeux. Une belle jeune femme au regard triste et omniscient est victime d'un incident banal : le vol de son sac à main. Un homme vieillissant se baisse pour ramasser un portefeuille sur le parking d'un supermarché. Ces deux événements vont provoquer une collision : celle de deux personnes qui n'avaient aucune chance de se rencontrer.
On retrouve là l'un des ressorts dramatiques chers à Christian Gailly. L'idée d'une course asymptotique dans laquelle sont engagés un homme et une femme qui se frôlent pour mieux s'éloigner. Cette fois, pourtant, le destin de Marguerite Muir – dentiste et pilote de Spitfire – et de Georges Palet – la soixantaine oisive, replié sur un lourd secret – sera irrémédiablement commun et aérien, à la faveur d'un entrebâillement incongru. Comme une éducation sentimentale trop tardive, la folie amoureuse qui prend ces deux-là est vouée au désastre. Leur improbable rencontre, puis la force de leur attraction constituent le nœud d'une histoire dont le vol serait le tempo majeur, l'argument, la tonalité.
Ce roman est en effet construit comme un exercice de haute voltige – en huit phases correspondant aux procédures de vérifications avant décollage. Gailly procède au réglage de ses phrases, choisit avec précision les mots pour dire la passion et, s'il se laisse enfin aller à l'émotion, il tient fermement, du haut de son cockpit, les manettes du style. C'est là que gît, pour ce disciple de Flaubert, l'ultime jubilation. Comme Gustave, Gailly rêve en effet d'un livre qui ne serait fait que de phrases, tordues jusqu'à épuisement du sens.
En Gailly, l'ancien saxophoniste s'applique à maintenir la colonne d'air qui insuffle à ses romans un rythme fait de variations et de répétitions, et conférera à sa phrase cette scansion si particulière. Ce jeu formel structure ses récits, mais c'est aussi à l'intérieur de cette construction musicale qu'il trouve une forme de liberté. Car, si décrire est pour lui “ fuguer dans une impasse ”, ce dernier roman confirme qu'il manie l'art du contrepoint avec brio et juste ce qu'il faut d'ironie. »

Jean-Baptiste Harang (Libération, 29 août 1996)

« L'incident raconte une rencontre, une histoire d'amour, de désir, il va plus loin dans la chair qu'aucun des livres de Gailly n'est jamais allé, la langue reste la même, cette langue apprivoisée, dressée à dire la vacuité des choses, se révèle puissante à les remplir, à leur donner corps, comme si Gailly avait franchi le pas de la pudeur de se taire, oublier la courtoisie des pirouettes réussies pour enfin accepter que les détails qu'il dit si bien font partie d'un tout, et que ce tout, malgré qu'il en ait, a quelque chose à voir avec le réel. »

Jean-Claude Lebrun (L'Humanité, 30 août 1996)


« Tout pilote connaît la consigne : après chaque vol, il faut remplir le livre de bord. “ Remplir le livre de bord ”, telle est donc, en bonne logique, la dernière phrase d'un roman qu'on découvre étonnamment semblable à un numéro de voltige aérienne, avec préparation au sol, envol, figures et atterrissage en finesse. Un art de l'arabesque que Christian Gailly cultive avec une virtuosité croissante. De la même façon qu'on le voit de plus en plus fréquemment dessiner ses volutes autour du thème de la rencontre entre un homme et une femme. Dans Les Fleurs, cela se passait au long de deux monologues intérieurs, dans une rame du RER B. Dans Be-Bop, l’affaire se nouait au bout d'un jeu d'affinités électives, au bord du lac Léman. Cette fois, le récit suit les règles du pilotage aérien. Christian Gailly en calque les différentes phases, qu'il cite régulièrement, à partir du manuel. Huit au total, venant rythmer l'histoire d'une lente approche, avant un arrachement libérateur. Une opération conduite avec la maestria souriante d'un as de la phrase en dérapage ou en suspens. Jamais avare d'une acrobatie. (…) Comment, une fois posés les éléments contradictoires et hétérogènes d'un système, avec deux personnages étrangers au possible, les faire peu à peu coïncider et agir en même temps (...). Donner la semblance de la plus haute nécessité à ce qui se présentait d'abord comme disparates métamorphoser tout cela en une histoire criante d'évidence, tel est en effet le pari une nouvelle fois brillamment tenu par Christian Gailly. »

 




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