Romans


Christian Gailly

Dring


1992
160 pages
ISBN : 9782707314116
12.05 €
40 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille


― Qui sonne ?
― Une femme.
― Chez qui sonne la femme ?
― Chez un homme.
― Qu'est-ce qu'elle veut ?
― Lui réclamer quelque chose.
― Quoi ?
― Quelque chose que l'homme se trouve posséder par hasard.
― L'homme sait qu'il détient la chose ?
― Bien sûr que non.
― Et alors ?

(Lire, mars 1992)

 Asker vit seul, très maniaque, observant par l'interstice d'une haie la vie (on ne peut plus popote) de sa voisine, Mme Dumb. Le soir, il écoute les Variations Gouldberg (sic), rencontre de ses deux idoles : Bach et Glenn Gould. Malheur ! à la vingt-cinquième variation, Asker s'endort. Fort absorbé par le mystère de ce fatal sommeil, Asker multiplie les fixations millimétriques sur ses obscurs faits et gestes, tout en lorgnant l'accablante routine de Mme Dumb. Cela nous vaut, tranchants comme le fil d'un rasoir, des morceaux de bravoure sur la place d'un fauteuil ou la sortie des poubelles. Mais qui pouvait prévoir le dénouement de cette horlogerie cruelle ? Sachez seulement qu'il y aura un crime et beaucoup d'événements étranges. L'écriture rigoureuse de Christian Gailly passe tout au vitriol alliant l'humour implacable à la netteté la plus translucide. 

Michel Audétat (L’Hebdo, 26 mars 1992)

 Asker est assis dans le fauteuil de gauche. Il regarde par la fenêtre. Il voit “ une haie haute avec un trou au pied ”. Et, à travers ce trou, les pieds de Madame Dumb qui traversent le jardin, va chercher son courrier et revient. Le soir venu, Asker s’assied dans le fauteuil de droite (plus moelleux). Il écoute là “ les variations Goulberg ”, des variations qui ne varient pas assez, et il réfléchit alors à “ ce qu’il pourrait bien dire sur ce qui varie dans ce qui se répète et ce qui se répète dans ce qui varie ”. Invariablement (si l’on peut dire), il finit par conclure : “ On verra ça demain. ” Mais les jours, eux aussi, se mettent à varier. Avec un coup de sonnette, une postière amenant un paquet et un cadavre dans une poubelle. Sur ces petits riens (on songe évidemment à Beckett) et ces inquiétudes mortelles, Christian Gailly exerce une écriture aussi lisse qu’économe. Cela donne un roman qui amuse d’abord, trouble ensuite, et finit par laisser le soupçon des profondeurs mortifères dont il est issu. Pourquoi s’appelle-t-il Dring ? “ Parce que ça sonne bien ”, répond Christian Gailly.

Pierre Maury (Le Soir, 10 mars 1992)

 Dring pourrait se résumer en répétant simplement le titre. Cela ferait dring, dring, dring, et Asker, le personnage central, qui vit seul des journées tranquilles, serait à peine perturbé par quelques questions fondamentales : faut-il faire la sieste avant de travailler ou le contraire ? Dois-je sortir la poubelle immédiatement ou attendre ? À qui sont ces pieds que je vois passer ? On sonne : je me lève pour ouvrir ou est-ce que j’attends qu’on renonce à me voir surgir ? Le livre coule comme les jours, paragraphe bref derrière paragraphe bref. On a l’impression que rien ne peut se passer et puis, insidieusement, une sorte de tragédie se met en place. Elle n’est pas prise au sérieux, elle ne pèse pas un seul instant sur l’écriture, mais elle s’impose petit à petit ses propres lois et entraîne Asker, cet être apparemment immobile, sur un chemin inattendu.
Il y a beaucoup de grâce dans Dring. Elle naît dès les premières lignes et ne disparaît pas avec les dernières. Elle est aussi une des marques de Gailly, un écrivain qu’on devine insensible aux grandes tendances du moment et qui se préoccupe surtout de rester fidèle à ses propres conceptions, très musicales du roman. 

 




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