Critique


Jacques Derrida

De la grammatologie


1967
Collection Critique 448 pages
ISBN : 9782707300126
28.50 €


“ Les langues sont faites pour être parlées, l’écriture ne sert que de supplément à la parole... L’écriture n’est que la représentation de la parole, il est bizarre qu’on donne plus de soin à déterminer l’image que l’objet. ” Roussau.
Ce livre est donc voué à la bizarrerie. Mais c’est qu’à accorder tout son soin à l’écriture, il la soumet à une réévaluation radicale. Et les voies sont nécessairement extravagantes lorsqu’il importe d’excéder, pour en penser la possibilité, ce qui se donne pour la logique elle-même : celle qui doit déterminer les rapports de la parole et de l’écriture en se rassurant dans l’évidence du sens commun, dans les catégories de “ représentation ” ou d’“ image ”, dans l’opposition du dedans et du dehors, du plus et du moins, de l’essence et de l’apparence, de l’originaire et du dérivé.
Analysant les investissements dont notre culture a chargé le signe écrit, Jacques Derrida en démontre aussi les effets les plus actuels et parfois les plus inaperçus. Cela n’est possible que par un déplacement systématique des concepts : on ne saurait en effet répondre à la question “ qu’est-ce que l’écriture ? ” par un appel de style “ phénoménologique ” à quelque expérience sauvage, immédiate, spontanée. L’interprétation occidentale de l’écriture commande tous les champs de l’expérience, de la pratique et du savoir, et jusqu’à la forme ultime de la question (“ qu’est-ce que ? ”) qu’on croit pouvoir libérer de cette prise. L’histoire de cette interprétation n’est pas celle d’un préjugé déterminé, d’une erreur localisée, d’une limite accidentelle. Elle forme une structure finie mais nécessaire dans le mouvement qui se trouve ici reconnu sous le nom de différance.

‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑

Avertissement

Première partie : L’écriture avant la lettre
Exergue
Chapitre 1 : La fin du livre et le commencement de l’écriture. Le programme. Le signifiant et la vérité. L’être écrit
Chapitre 2 : Linguistique et grammatologie. Le dehors et le dedans. Le dehors le dedans. La brisure
Chapitre 3 : De la grammatologie comme science positive. L’algèbre : arcanum et transparence –La science et le nom de l’homme. Le rebus et la complicité des origines

Deuxième partie : Nature, culture, écriture
Introduction à l’« époque de Rousseau ».
Chapitre 1 : La violence de la lettre : de Lévi-Strauss à Rousseau. La guerre des noms propres. L’écriture et l’exploitation de l’homme par l’homme.
Chapitre 2 : « Ce dangereux supplément… ». De l’aveuglement au supplément. La chaîne des suppléments. L’exorbitant. Question de méthode
Chapitre 3 : Genèse et structure de l’Essai sur l’origine des langues. I. La place de l’Essai. L’écriture, mal politique et mal linguistique. Le débat actuel : l’économie de la Pitié. Le premier débat et la composition de l’Essai – II. L’imitation. L’intervalle et le supplément. L’estampe et les ambiguïtés du formalisme. Le tour d’écriture – III. L’articulation. « Ce mouvement de baguette... ». L’inscription de l’origine. La neume. Ce « simple mouvement de doigt ». L’écriture et la prohibition de l’inceste
Chapitre 4 : Du supplément à la source : la théorie de l’écriture. La métaphore originaire. Histoire et système des écritures. L’alphabet et la représentation absolue. Le théorème et le théâtre. Le supplément d’origine

‑‑‑‑‑ Avertissement de l’auteur ‑‑‑‑‑

La première partie de cet essai, « L’écriture avant la lettre », dessine à grands traits une matrice théorique. Elle indique certains repères historiques et propose quelques concepts critiques.
Ceux-ci sont mis à l’épreuve dans la deuxième partie, « Nature, culture, écriture ». Moment, si l’on veut, de l’exemple, encore que cette notion soit ici, en toute rigueur, irrecevable. De ce que par commodité nous nommons encore exemple il fallait alors, procédant avec plus de patience et de lenteur, justifier le choix et démontrer la nécessité. Il s’agit d’une lecture de ce que nous pourrions peut-être appeler l’époque de Rousseau. Lecture seulement esquissée : considérant en effet la nécessité de l’analyse, la difficulté des problèmes, la nature de notre dessein, nous nous sommes cru fondé à privilégier un texte court et peu connu, l’Essai sur l’origine des langues. Nous aurons à expliquer la place que nous accordons à cette œuvre. Si notre lecture reste inachevée, c’est .aussi pour une autre raison : bien que nous n’ayons pas l’ambition d’illustrer une nouvelle méthode, nous tentons de produire, souvent en nous y embarrassant, des problèmes de lecture critique. Ils sont toujours liés à l’intention directrice de cet essai. Notre interprétation du texte de Rousseau dépend étroitement des propositions risquées dans la première partie. Celles-ci exigent que la lecture échappe, au moins par son axe, aux catégories classiques de l’histoire : de l’histoire des idées, certes, et de l’histoire de la littérature, mais peut-être avant tout de l’histoire de la philosophie.
Autour de cet axe, comme il va de soi, nous avons dû respecter des normes classiques, ou du moins tenté de le faire. Bien que le mot époque ne s’épuise pas en ces déterminations, nous avions à traiter d’une figure structurale autant que d’une totalité historique. Nous nous sommes donc efforcé d’associer les deux formes d’attention qui semblaient requises, répétant ainsi la question du texte, de son statut historique, de son temps et de son espace propres. Cette époque passée est en effet constituée de part en part comme un texte, en un sens de ces mots que nous aurons à déterminer. Qu’elle conserve, en tant que telle, des valeurs de lisibilité et une efficacité de modèle, qu’elle dérange ainsi le temps de la ligne ou la ligne du temps, c’est ce que nous avons voulu suggérer en interrogeant au passage, pour y prendre appel, le rousseauisme déclaré d’un ethnologue.

ISBN
PDF : 9782707331373
ePub : 9782707331366

Prix : 19.99 €

En savoir plus

François Wahl (La Quinzaine littéraire, 1967)

« Par une série de secousses de proche en proche, Derrida ébranle ainsi, sous le couvert d’une réhabilitation de l’écriture, pas seulement notre linguistique, mais tout le système d’opposés sur quoi repose notre pensée. Achevant ici le mouvement de dépassement qu’il avait commencé dans une admirable introduction à L’Origine de la géométrie de Husserl, il nous désigne, par-delà, une époque où serait close et dépassée l’aventure de culture dont nous sommes encore héritiers. »

 

Du même auteur

Livres numériques

Voir aussi

* Préjugés. Devant la loi , dans l’ouvrage collectif, La Faculté de juger (Minuit, 1985).
* Une lecture , préface à Droit de regards, de Marie-Françoise Plissart (Minuit, 1985).
* Avances , préface à Le Tombeau du dieu artisan, de Serge Margel (Minuit, 1995)

Traduction
* Edmund Husserl, L’Origine de la géométrie, traduction de l’allemand et introduction (Presses universitaires de France, 1962).

Sur Jacques Derrida :
* Vincent Descombes, Le Même et l’autre (Minuit, 1979).
* Benoît Peeters, Derrida (Flammarion, "Grandes biographies", 2010).




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