Romans


Hervé Guibert

Le Seul visage

Un livre de photographies


1984
64 pages, 55 photos
ISBN : 9782707306883
14.20 €


Un livre avec des figures et des lieux, n'est-ce pas un roman ? Ses épisodes ont été déposés dans des livres précédents. Les personnages, qui n'étaient désignés que par des initiales, se présentent maintenant à visage découvert. Ils sont nommés, affectueusement, par leurs prénoms. Visages apparaissent et disparaissent, par le relais des ombres, pour ne plus laisser que les lieux par lesquels ils sont passés, les objets qu'ils ont touchés. Et quand les lieux mêmes s'évanouissent, et que les objets s'escamotent, il reste la lumière, ses simples manifestations, pleines de mystère, proches du réconfort le plus intense. À la fin le photographe a envie d'aller les chercher dans la nuit.

* Ce livre de photographies a été publié à l’occasion de l’exposition qui s’était tenu de septembre à novembre 1984 à la galerie Agathe Gaillard, à Paris.

Michel Cournot (Le Monde, 1984)

 La nuit va tomber bientôt lorsque je regarde, sur les murs blancs de la galerie Agathe Gaillard, rue du Pont-Louis-Philippe, les photographies de mon ami Hervé Guibert, qui travaille avec nous à la rédaction du Monde.
Je suis à l'instant troublé, et presque même incommodé, par l'acuité coupante de ces images. La moindre plissure de ce drap ou le moindre bord d'une feuille de papier ont une netteté, un éclat, d’arête d'acier.
Me vient assez vite le sentiment que cette découpe optique, plus rigoureuse que la vision normale, n'est pas affaire de diaphragme de l'objectif, ou d'ajustement focal, mais tient à un phénomène qui est du domaine de l'esprit.
Les murs, les lits, les tables, les fenêtres, ont été saisis par Hervé Guibert juste à l'instant où ils sont apparus avec cette force, parce qu'il y avait à cela une raison définie.
Imaginons une raison. Je me rends chez quelqu'un. Pour un peu, j’y cours. Ce quelqu'un m'est très proche, je veux dire que sa présence m'est obligatoire. Je pousse la porte de sa chambre. Il n'est pas là. Il est parti pour longtemps. Il vient juste de partir, c'est évident. Mes yeux ne quittent pas la table, le stylo à bille, le bloc de papier blanc. Toutes les lignes de l'image sont aiguës, comme tranchées par le fil d'une lame de lumière. Si ce quelqu'un eût été là, L’image eut été plus tremblée. Hervé Guibert saisit l'image d'une émotion qui n'a pas lieu. D'un passage de vie déjà raidi par l'absence.
Ce n'est pas la peine déterminée par le départ de ce quelqu'un à quoi Hervé Guibert a affaire. Car la peine, comme la joie, brouillera un petit peu les objets, sans doute. Non, c'est que ce fragment d'espace et de temps s'est figé, s'est fixé, hors de l'espace et du temps, hors de mémoire. Mon quelqu'un n 'est plus là, ce “ n'est plus là ” a été photographié tel quel, c'est la table à écrire, mais aussi c'est la photographie, criante, de mon quelqu'un. Plus criante que s'il était là. 

 




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