"Mais pourquoi me demander ça à moi ? Parce que j’étais disponible, malgré mes ennuis ? Parce que j’habitais juste en face, et que Miko, son mari, qui m’invitait souvent à la pêche à la mouche, n’y verrait que du feu ?
Je lui ai demandé si c’était parce qu’elle n’avait pas d’autre solution ? Véritablement, Sally ne savait pas dans quoi elle s’embarquait en ma compagnie."
ISBN
PDF : 9782707355201
ePub : 9782707355195
Prix : 11.99 €
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Le Figaro, Etienne de Montety, 24 octobre 2024
Ses personnages s’appellent Samantha, Sally, Steve, Spencer. Ils fréquentent le Dusty's Bar, pêchent à la mouche au bord de la Blue Spoon River.
Yves Ravey serait le plus américain de nos écrivains si les États-Unis n’étaient chez lui qu’un décor devant lequel se meuvent des personnages qui ne sont d’aucun pays, mais les pauvres jouets de la nature humaine.
De même, il serait le plus virtuose des auteurs de romans policiers si ce genre n’était chez lui qu’une trame apparente, vite subvertie par son style et son ironie : « que du vent », prévient-il d’emblée. On lui fait confiance, ses précédents romans, Pas dupe, Adultère ou Taormine étaient déjà bâtis sur ce principe. C'est vrai, Yves Ravey poursuit son sillon loin des modes et du tintamarre. Son art du roman consiste à dérégler magistralement une histoire par trop écrite d’avance.
On retrouve dans Que du vent ces personnalités qui peuplent son œuvre, des demi-sels de l’aventure ou de l’escroquerie, navrants quoique parfois follement sympathiques. Barnett Trapp est entrepreneur en produits discount ; il possède aussi une compagnie d’ambulances. Mais il court surtout « de faillite en dépôt de bilan », pour reprendre les mots de son ex-femme. Car, parmi les liquidations qui le menacent, on compte celle de son mariage avec Josepha, partie avec Spencer, un universitaire. Mais, pour quelqu’un qui est parti, celle-ci est souvent dans les parages de Barnett.
Les voisins s’appellent Sally et Miko. Lui possède une blanchisserie, qui l’oblige à être souvent absent, et elle correspond au tableau classique de la Bovary des beaux quartiers qui s’ennuie. Leurs maisons sont mitoyennes. Barnett, désœuvré, et Sally boivent beaucoup, autour de la piscine. L’alcool fouette leur imagination et leurs sens, mais brouille peut-être leur lucidité.
Naît dans l’esprit de Sally l’idée d’un coup, le casse du coffre de Miko, qui permettrait au couple qu’elle commence à former avec Barnett de couler des jours heureux au Mexique.
C’est curieux, dès les premières pages du roman, le doute s’instille chez le lecteur : l’affaire paraît mal engagée. Mais pourquoi donc ne pas faire confiance à Sally et Barnett ? En apparence, le projet suit son cours, minutieusement préparé. S'il réussit, ce sera parfait.
Yves Ravey procède selon son habitude, il raconte l’air de rien l’histoire de gens moyens : petits flirts, petits ennuis, petites combines. Il n’y a pas de dialogues au style direct dans son roman, ce qui a pour effet d’éviter les éclats de voix. Ravey mène le récit à sa guise. Il raconte d’un ton calme et désinvolte, décrit avec méticulosité la situation, comme pour laisser croire qu’elle est sous son contrôle et laisse planer un mystère dont nul ne sait si on a raison d’y croire. Sally, Miko, Steve, chacun semble cacher une part de soi, aux autres et au lecteur.
L’affaire ira-t-elle à son terme ? On laisse au lecteur le soin de le découvrir. Policier parodique ou non, il s’agit de ménager le suspense. Et, on avertit, c’est moins par le déroulé de cette désolante « mélodie en sous-sol » que Ravey nous prend que par la façon de la raconter, de construire une histoire suspendue à l’incertitude des choses et aux limites de l’esprit humain.
Le Monde, Fabrice Gabriel, 20 septembre 2024
Yves Ravey lessive l’argent vain
Avec « Que du vent », l’écrivain s'amuse des poncifs de la télénovela —affects troubles et motivations louches. Euphorisant.
Yves Ravey demeure avec une constance remarquable ce que l'on se permettra d'appeler un « écrivain Minuit ». A l'exception de son premier livre, La Table des singes (Gallimard, 1989), tous ses romans — près d'une vingtaine — ont en effet été publiés sous la couverture blanc et bleu des éditions aujourd’hui dirigées par Thomas Simonnet. Ils correspondent d'ailleurs parfaitement à une certaine tradition esthétique de la maison, mélange subtil d'ironie minimaliste et de goût pour l'étrange, mâtiné dans les débuts d’un tropisme germanique assez singulier.
Professeur d'arts plastiques dans le Jura, Yves Ravey est aussi resté un auteur discret, et même un peu mystérieux, dont l'œuvre semble s'être infléchie progressivement vers une forme de polar elliptique et conjugal, dépressif mais réjouissant, comme en témoigne le récent et très réussi Taormine (Minuit, 2022).
Que du vent s'inscrit dans cette veine, qui pourrait presque faire croire - titre compris - à un roman de Philippe Djian. Nous sommes dans une zone pavillonnaire indéterminée, où les personnages portent des noms de série américaine et connaissent des destins médiocrement glorieux, travaillés par des affects troubles et des motivations louches. Barnett, le narrateur, ancien militaire en Irak, a collectionné les faillites avant d’essayer de se reconvertir, dans le commerce discount et douteux de produits d'entretien importés d'Afrique. Il a vu sa femme Josefa le quitter pour un certain Spencer, professeur d'histoire plutôt importun, tandis que Sally, la femme de son voisin Miko, patron d'une chaîne de laveries servant surtout à blanchir l’argent de la drogue, lui propose sans guère de préliminaires de changer de vie en sa compagnie.
Quel est donc cet improbable scénario, que l’on dirait destiné de préférence à une telenovela ? L’écrivain s’y amuse à l'évidence des poncifs pour construire, comme à son habitude, un récit au suspense implacable, mais biaisé : son narrateur vide, figure parfaite d'antihéros un peu veule, avance dans une fiction qui semble se faire sans lui, où il appartiendra au lecteur de deviner l'issue du coup projeté par la séduisante Sally, un « hold-up » un peu trop facile qui risque de capoter avant la fuite prévue à Veracruz...
À partir de ce mince canevas de faux polar, tout l’art de Ravey consiste à bâtir un roman en lignes claires sur un fond flou, où les turpitudes du monde font un drôle de décor triste : argent sale, souvenirs de la guerre (Barnett est un ancien commando, Spencer un spécialiste de la seconde guerre mondiale), laideur des zones périurbaines en expansion, où l'on fait creuser des piscines à côté de hangars et de chenils.
Tout cela n'est pas très engageant, dira-t-on, mais devient sous la plume malicieuse et un peu perverse de l'écrivain une machine fictionnelle euphorique, préservée de toute psychologie : une fable opaque et aporétique qui s'emploierait, au sens propre, à lessiver son motif principal, cet argent vain au centre de tout. L’histoire, dès lors, est vouée à s'épuiser d'elle-même, quand tous ses possibles auront été dépensés. Il ne restera au romancier qu'à admettre, comme l’un de ses personnages, qu'il « se fait des films », mais que cette fois il « y est allé un peu fort ». En somme, et pour notre plus grand plaisir, il ne restera... que du vent.
L’Obs, Jérôme Garcin, 29 août 2024
Ravey primé ?
C’est un mystère, doublé d’une injustice. Pourquoi Yves Ravey, dont paraît le dix-huitième roman, n’a-t-il jamais reçu de grand prix littéraire d’automne ? J’ai bien essayé, du temps où je siégeais au Renaudot, de plaider pour cet auteur bisontin de 70 ans, dont les titres - « Sans état d’âme », « Pas dupe », « Que du vent » - semblent narguer les jurés et réfuter toute consécration, mais en vain. Il est vrai que si Ravey me ravit, il n’a jamais cherché à se faire remarquer. La présence dans les médias de cet ancien professeur de français et d’arts plastiques est fantomatique. Ses romans, toujours brefs, dépouillés, elliptiques et hors mode sont, pour la plupart, des polars laconiques sans crimes ni flics, mais avec des angles morts, qui se déroulent dans la campagne franc-comtoise ou l’Amérique profonde, et dont les personnages ordinaires, que Calet ou Sempé auraient pu dessiner, sont accablés par la jalousie, la solitude, la mauvaise conscience, l’ennui. L'œuvre d’Yves Ravey, c’est « la Comédie humaine » en cinquante nuances de gris. Cinquante et une, avec son nouveau roman noir à l’écriture blanche. Aux Etats-Unis, dans la zone pavillonnaire où il vient de s’installer, Barnett Trapp essaie de croire en des jours meilleurs. Ancien membre des sections spéciales en Irak et ex-alcoolique, ce père d’un fils invisible est couvert de dettes, insolvable et en instance de divorce. Après avoir mis en liquidation son entreprise d’ambulances, il stocke chez lui des produits d’entretien ménager, fabriqués à prix cassés, qu’il espère revendre soldés. Alors, quand Sally, sa voisine qui l’aguiche ouvertement, lui propose de l’aider à vider le coffre-fort de son mari, Miko, un blanchisseur et pêcheur à la mouche, il se tâte, puis accepte. La promesse de partir pour Veracruz avec Sally et le demi-million volé a raison de ses réticences. Barnett est un mou, auquel seuls les concours de circonstances donnent du caractère. Un braqueur d’occasion, plus familier avec les nettoyants à l’eucalyptus et les mouches artificielles, dont la Favorite de Chamberet, qu’avec des liasses de dollars. En fait, Barnett ressemble à Gu, Marcello, Salvatore, Melvil et d’autres personnages d’Yves Ravey, qui racontent à la première personne leur lassitude, leurs atermoiements et leurs petites magouilles sans lendemain. Le plus étonnant est que, d’histoires sombres, étouffantes, drôles aussi, cet écrivain allergique au clinquant tire de petits bijoux de littérature. Alors, un prix, cette année, pour Ravey ?
Libération, Claire Devarrieux, 7 septembre 2024
L'espion épié et autres pieds nickelés
Dans Que du vent, Yves Ravey suit de près une poignée de voisins
Yves Ravey aime que les choses soient claires. Barnett Trapp, le narrateur de Que du vent, dix-huitième roman de Ravey aux éditions de Minuit, commence sa confession - ou sa déposition- par des précisions d’ordre topographique. Perpendiculairement à 1a route qui passe devant chez lui, une allée mène à la propriété de Miko et Sally. À droite, « plein ouest », on voit la maison et les cabanons d’un autre couple, moins glamour celui-ci, Steve et Samantha. Au-delà, au sud, « on apercevait les nouvelles zones pavillonnaires encore en construction ». Le nord se réduit à « une ligne de peupliers ».
On ne quittera pas ces deux parcelles, ou juste le temps d’une partie de pêche à la mouche, de quelques allusions au Dusty’s Bar, d’un trajet en voiture. Barnett et sa femme, dont il est séparé, ont fait construire. Se dresse aussi un entrepôt où Barnett stocke les produits d’entretien bas de gamme qu'il destine au circuit du discount. Bientôt, Sally va lui dire que les histoires d'aménagement et de bâti ne l’intéressent pas, contrairement aux aventures entre les hommes et les femmes, mais n'anticipons pas. Les voisins d'en face ont jardin paysager et piscine au bord de laquelle Sally s'ennuie à longueur de journée, cependant que Miko gère à l’extérieur sa chaîne de blanchisseries. Il ne blanchit pas que les draps. Barnett a repéré des manèges nocturnes à l’entrée de la propriété, genre grosses cylindrées et fourgons.
« Petit arrangement ». Barnett a conservé de puissantes « jumelles de montagne » qui datent du temps où il était dans les commandos en Irak. Elles lui ont servi à observer à son insu l’appétissante Sally. Jusqu'à ce qu’il soit invité par Miko à traverser la route, et qu’il découvre la curiosité de Sally à son égard. Espion épié, Barnett va de surprise en surprise avec Sally. Ne lui propose-t-elle pas « un petit arrangement » ? Il souhaiterait qu'elle modère son enthousiasme. Certes, il est disponible, comme elle a pu le constater, mais il n’est pas doué pour les affaires, il vient de faire faillite avec sa compagnie d’ambulances (« un petit différend avec l'administration fiscale, ensuite avec la banque »), ses finances ne sont pas au top. À moins qu’il vende la maison. Son ex est pour, elle qui le méprise, empêche leur fils de rejoindre son père, et nous apprend, pour mieux l’enfoncer, que Barnett est alcoolique. Barnett avance que le fiston pourrait un jour avoir envie de travailler avec lui. On a pitié de tant d’aveuglement.
Verre. Le nouveau compagnon de l'ex, un professeur d’histoire, est soucieux de ménager Barnett. Il s'appelle Spencer, il connaît un peu trop bien l’intérieur des Trapp, sans doute vient-il fouiller. Mais le jour où il vient boire un verre, il n’y a aucune raison d’entamer les hostilités. « Alors, je l’ai raccompagné avec le sourire dans la totale ignorance où je me trouvais à cet instant que cet homme que je considérais si peu, je l’apercevrais de temps à autre dans ma vie d’après au gré d’événements plus tardifs, et qu’il ne me porterait jamais chance. » Sally a eu l’occasion de parler avec l’ex, également avec Spencer, ce qui pourrait rendre Barnett parano à bon droit, et renforce l’impression de surveillance généralisée.
La proposition que fait Sally et qu’il n'est pas nécessaire de dévoiler, implique la participation de Steve, l'autre voisin, dont Barnett se méfie. Sally en répond : « Tu dois savoir, Barnett, Steve, c’est six ans, dont un en quartier disciplinaire, ne te fais aucun souci pour Steve. » Ces médiocres pieds nickelés, avec leur entreprise douteuse, de celles que Ravey affectionne, suivent leur bonhomme de chemin. Miko est dans les parages, occupé à bricoler des mouches dans son atelier. On l’entend peu. Barnett ne le sous-estime pas pour autant. Il veille au grain. A un moment, il prend une feuille de papier « quadrillé », où il note le déroulé de leur programme de la manière la plus minutieuse et précise possible, sachant que « la plus petite négligence dans la construction de cette opération pourrait être fatale ». L’auteur et Barnett, même combat. Yves Ravey est obsédé par le travail bien fait, ne néglige aucun détail, veille à ce qu’aucun temps mort, dans la description des relations entre les personnages, ne détende la toile. Il s’agit d’individus parfaitement insignifiants, dont les propos et les gestes sont agencés et équilibrés de délicate manière, en un ballet incessant.
Les Échos, Philippe Chevilley, 5 septembre 2024
Le bon vent mauvais d'Yves Ravey
Quand Barnett rencontre Sally, séduisante voisine qui s'ennuie avec son mari, il pressent qu'il va lui arriver des ennuis... Avec « Que du vent », le Simenon bisontin nous propulse dans une Amérique profonde fantasmée, pour mieux faire exploser les codes du roman noir et ironiser sur l'absurdité de l'existence.
En 2023, Yves Ravey nous embarquait dans un court séjour cauchemardesque en Sicile avec « Taormine ». Son nouvel ouvrage, « Que du vent », prend le large et nous propulse en Amérique. Une Amérique fantasmée qui se manifeste davantage par le nom des personnages et des lieux que par son décor. Un décor de lotissements qu'on pourrait retrouver un peu partout sur la planète.
Plus que jamais, le Simenon bisontin cultive une atmosphère floue, presque abstraite, qui donne à son roman noir une dimension surréelle, flirtant avec l'absurde. La mécanique du polar, en apparence bien huilée, ne cesse d'être enrayée, dévoyée par de mini-rebondissements qui sont autant de grains de sable.
Les affaires de Barnett ne vont pas fort. Sa femme Josefa l'a quitté pour un prof d'histoire arrogant dénommé Spencer. Son entreprise d'ambulance est en liquidation et son nouveau business de revente de produits d'entretien soldés tarde à porter ses fruits. Un jour, il est invité par son voisin Miko, propriétaire d'une laverie en ville, et fait la connaissance de sa femme Sally, bimbo qui passe ses journées à moitié nue au bord de sa piscine.
Prendre la tangente
La femme, fatalement fatale, s'ennuie et décide de prendre la tangente. Elle propose à Barnett de s'enfuir avec elle, en subtilisant la fortune amassée par son époux au gré de divers trafics illicites. Son plan implique de recourir à l'aide de Steve, un voisin repris de justice, alcoolique et souvent défoncé, éleveur canin avec sa femme Samantha... Barnett n'est pas chaud — on le comprend - mais, ensorcelé par Sally, sa sensualité agressive, son esprit fantasque et sa détermination farouche, il accepte le deal.
Le projet de vol et de fuite s'avère à géométrie variable : sans cesse revu, corrigé, amendé, il apparaît de plus en plus mal embouché. Gare au faux-pas : Miko, derrière son apparence honorable, est tout sauf un tendre... Si on ajoute à cela les irruptions intempestives de Spencer, le chéri de Josefa, dans la maison (à vendre) transformée en QG, on pressent que le pire est à venir...
Avec gourmandise, Yves Ravey fait monter le suspens. Il nous plonge dans un petit monde pathétique et flottant où l'art de perdre atteint des sommets. « Que du vent » est un théâtre éphémère où des acteurs fantômes rejouent machinalement la comédie classique du roman noir (mari-femme fatale-amant-argent). La violence, toujours prête à éclater, n'est jamais montrée. Le polar se dissout dans un « no man's land », un « no future » assassins. L'existence n'est que du vent et, qui plus est, un vent mauvais.
La Croix, Christophe Henning, 5 septembre 2024
Un casse cocasse
Yves Ravey conjugue l’absurde à l’humour avec un narrateur naïf, complice idéal d’un hold-up de pacotille.
Désœuvré depuis le départ de sa femme Josefa, Barnett se met à espionner la nouvelle voisine de leur petit lotissement. Et il fait bientôt la connaissance de Sally qui l’aveugle et l’embobine. Ils n’ont rien d’intéressant à se dire, mais traînent ensemble leur ennui. Et ce n’est pas l’activité de grossiste en produits ménagers que Barnett tente de lancer en utilisant son garage comme réserve qui va vraiment l’occuper. Quant à Sally, délaissée par son mari Miko, elle confie volontiers le vide sidéral qui l’habite : « Ce qui me pose question… C’est : comment on s’y prend pour changer de vie ? »
Innocente en apparence, Sally a plus d’un tour dans son sac. Tandis que Miko traficote dans son coin, elle prépare un casse. « Constatons un point essentiel : elle rencontrait ma résistance. J’avais mes raisons », déclare Barnett qui, on l’aura compris, se trouve bientôt enrôlé, briefé, manipulé. « Deux choses nous rapprochaient, Sally et moi, je le savais : la fuite et l’argent », poursuit le narrateur.
Le plan est minutieusement préparé, et on s’amuse de la stratégie loufoque de ces pieds nickelés de banlieue. Forcer le coffre, dérober les billets entassés organiser la fuite… L’opération est comme un long voyage ; peu importe l’issue.
Yves Ravey nous tient en haleine, caricature ses personnages, pour nous les rendre plus attachants encore dans leur fuite en avant. Barnett nous avait prévenus : « Mais voilà, avec un type dans mon genre, on pouvait s’attendre à tout. » L’auteur jubile, nous aussi.
Le Temps, Julien Burri, 21 septembre 2024
Récit retors d'un cambriolage raté
Dans Que du vent d’Yves Ravey, atmosphère toxique et humour font mouche
Lorsque le héros de Que du vent prétend, à la deuxième page du récit, que « tout va bien », on ne le croit pas une seconde. Yves Ravey, qui publie aux Éditions de Minuit depuis 1992 et creuse une œuvre délicatement sournoise (Pris au piège ; Enlèvement avec rançon ; Pas dupe), nous a habitués à nous méfier de ce que déclarent et surtout pensent ses personnages. Ils ont une propension inquiétante à nier l’évidence, à tordre la réalité à leur avantage, à planquer les choses gênantes sous le tapis. Ainsi, lorsque le héros de Que du vent, Barnett Trapp, se lance dans un projet de cambriolage d'un demi-million de dollars, on ne donne pas cher de sa peau.
Instiller le doute
Toute sa vie, Barnett a couru « de faillite en dépôt de bilan » ; sa compagnie d'ambulances a périclité et il est criblé de dettes. Il vend désormais des produits d’entretien de maigre qualité (lessives et savons) à des prix cassés. Le voilà qui, page 30, tente de nous tranquillisera nouveau : « Maintenant, tout allait bien. » L'emploi de l’indicatif imparfait instille le doute ; plus Barnett se veut rassurant, plus il devient inquiétant. II reluque sa voisine Sally à l'aide de jumelles militaires, un souvenir de son engagement dans l'armée, « sections spéciales en Irak, du côté de Mossoul ». On n'ose imaginer quels traumas il a également rapporté dans son barda.
Sally passe son temps à s'ennuyer à demi nue au bord d’une piscine. C'est elle qui met sur pied le cambriolage du coffre-fort de son mari, Miko, dont la chaîne de blanchisseries couvre un trafic très lucratif. Son mari la délaisse, accaparé par son travail, préférant consacrer ces quelques moments de liberté à des parties de pêche au bord de la Blue Spoon River avec Barnett.
Les deux mâles vont-ils se découvrir d'autres intérêts, plus sensuels, dans leur lodge au bord de la rivière ? Non, ils parlent fabrication de mouches. Sally serait-elle elle aussi un appât, lancé par Miko ? Miko semble apprécier que Barnett passe beaucoup de temps avec sa femme... Un appât doit faire illusion pour attirer la proie. Le plan de cambriolage doit garantir de même « une illusion totale » et berner Miko. Sally se veut rassurante : « Logiquement, on ne devrait y voir que du feu. »
Dérapage tragicomique
N'imaginez pas un luxueux quartier résidentiel. La pelouse de Sally est artificielle. La zone pavillonnaire comprend un chenil et de nombreux chantiers. Ajoutez à cette charmante société l'ex-femme de Barnett et son nouvel amant, qui vient fureter dans le dépôt de produits ménagers de Barnett et le menace, mais toujours sous des dehors affables. Le propriétaire du chenil, Steve, et sa femme Samantha n'inspirent pas plus confiance que les autres. Ne seraient-ils pas de mèche, tous ligués contre un narrateur qui savonne méticuleusement sa propre pente ?
Quel est le but véritable du cambriolage foireux ? Le plaisir secret de Barnett, au fond, ne serait-il pas d'être « soumis », pris au piège et puni ? Son nom de famille évoque autant le piège dans lequel il s’enferre que les chausse-trapes d'un récit retors. Sally, qui tente de tromper son ennui par tous les moyens, a-t-elle vraiment l’intention de refaire sa vie à Veracruz ?L'intrigue n'est pas si importante, c’est le lent dérapage tragicomique vers la catastrophe qui fait merveille. On s’attend à un dénouement spectaculaire et l'on est d'abord déçu. Le titre pourtant nous mettait sur la piste. Ce n'est pas le grand spectacle qui intéresse Yves Ravey, ce sont les angoisses invisibles qui minent le quotidien. Il n'a pas l’intention de nous vendre une intrigue de cambriolage rabâchée mille fois, à prix cassé, il préfère s’amuser et travailler la forme et le climat toxique de son bref roman. Sa réussite est de nous placer du côté de son narrateur « raté ». Nous espérons qu’il s’en sorte, craignons pour sa survie, nous nous sentons comme lui sourdement et injustement menacés. Nous sommes piégés dans la peau de Trapp.
L'École des lettres, Norbert Czarny, 29 août 2024
Que du vent, d’Yves Ravey : mystère sur la Blue Spoon River
Comme dans un film des frères Cohen, l’écrivain campe trois couples dans un lotissement alangui où chacun joue à voir sans être vu.
Barnett Trapp, le narrateur de Que du vent, d’Yves Ravey, est en instance de divorce, et ses affaires ne sont guère florissantes. Son entreprise d’ambulances a fait faillite et l’entrepôt de produits ménagers à bas prix qu’il a créé n’échappera pas à la liquidation judiciaire. Petite compensation, Sally, sa voisine, compagne d’un certain Miko, semble lui plaire. À moins qu’elle n’ait grand besoin de lui pour monter un cambriolage ? Barnett se laisse hameçonner, comme les poissons d’eau douce que Miko et lui pêchent dans la Blue Spoon River. Et bien sûr, quelque chose cloche. Tout semble trop facile.
Qui est familier de l’œuvre d’Yves Ravey reconnaît les éléments constitutifs de ses romans. Les prénoms, souvent états-uniens, sont de pure convention, comme issus de séries policières. Notons l’omniprésence des « s », ces sifflantes qui sont à lier à la brièveté du patronyme Trapp. Il n’y a là aucun hasard. Pour de très nombreux écrivains – Modiano, Echenoz ou Yves Ravey sont de ceux-là –, tout ou presque part des noms propres.
La piscine dans le décor
Les lieux de l’intrigue sont également conventionnels. Pour parodier une formule issue du théâtre classique, la scène se déroule aux États-Unis. C’est arbitraire et nécessaire. Dès lors, l’imaginaire du lecteur prend son envol à partir de paysages. Dès la première page, le cadre est posé : un lotissement récent avec la pelouse, les pavillons, quelques cabanes en bois abritant le chenil de Steve et Samantha, d’autres voisins du narrateur et du couple formé par Sally et Miko. La piscine près de laquelle Sally se prélasse et s’ennuie fait partie du décor. C’est aussi ce qui crée la durée de l’intrigue, une durée souvent ralentie par les hésitations du narrateur, quand ce n’est pas le produit de sa méfiance ou de ses refus.
Quant à l’intrigue, d’une clarté ou simplicité biblique, elle offre une trame ou cache l’essentiel. Yves Ravey n’a jamais écrit de roman ancré dans une réalité parfaitement identifiable. Que du vent semble être une pièce dans l’œuvre qu’élabore le romancier par ailleurs grand amateur d’arts plastiques et donc de disposition dans l’espace. Les trois couples évoqués en première page définissent un territoire que l’intrigue quitte rarement. Le troisième duo est constitué du narrateur et de Josefa, son ex-épouse, qui vient lui rendre visite et sort peu à peu les objets et vêtements qui lui appartenaient de la maison qu’ils habitaient ensemble. Quand elle ne vient pas, c’est Spencer, son amant et futur époux qui vient. Il furète, observe, et donne des conseils à Barnett. Bref, il est la mouche du coche. Il jouera un rôle majeur dans le dénouement : le suspense est une constante de l’œuvre.
Comme dans un film des frères Cohen
Spencer et Steven, ex-taulard assez stupide au sort prévisible, semblent des personnages des frères Coen : le premier rappelle l’un des protagonistes de A Serious Man (2010), l’autre semble sorti de Fargo (1996) ou de Burn After Reading (2008). Tous deux, à leur manière, créent la touche d’humour qui apparaît à diverses reprises dans le texte et, par exemple, dans les échanges entre Barnett et Sally.
Ce roman ressemble-t-il aux précédents d’Yves Ravey : Pas dupe (2019), Adultère (2021) ou Taormine (2022) ? C’est un roman dans lequel le regard joue un rôle clé. Il n’aura jamais connu une telle importance. Au détour d’une page, le narrateur parle de « voir sans être vu ». Il a repéré le curieux manège de grosses cylindrées devant la villa de Miko. L’argent que gagne ce dernier grâce à ses laveries ne tient pas qu’à la blanchisserie. Mais au-delà de cela, c’est l’activité du voyeur qui se lit.
Tous les protagonistes se surveillent, s’observent, mais Barnett utilise les grands moyens pour épier Sally quand elle est dénudée. Jusqu’à chercher un grain de beauté sur l’épaule, avec ses jumelles d’ancien des commandos en Irak.
Entre ces deux personnages, le jeu de séduction est une partie de cache-cache. Ils ont besoin l’un de l’autre, à des degrés divers, mais Barnett se méfie de cette femme fatale qui, dixit Miko, « se fait des films ». Elle élabore des plans, a l’air de vouloir fuir avec Barnett, mais est-ce si évident ? Elle se dit seule, elle parle de son ennui.
Il ne faut jamais se fier au narrateur dans les romans d’Yves Ravey. Barnett fait son chemin ou plus exactement il le reconstitue au fil des pages, relatant de façon rétrospective ces quelques mois qui auraient pu tout changer.
Avec tous les produits d’entretien et les lessives qu’il a stockés pour s’en sortir, il a eu le temps de laver son récit. Il n’est pas sûr que ce nettoyage suffise mais, comme le lui signifie Miko, mieux vaut « en rester là ».
N. C.
Livres Hebdo, Olivier Mony, 29 août 2024
Un héros loser, une voisine entreprenante, un coup foireux... Yves Ravey nous entraîne dans une histoire de pieds nickelés, gorgée de désir et d'ennui.
Le monde de Barnett. C'est un lieu sans charme, sans grâce, sans prestige, sans rien. Habité par des gens qui ne sont pas nécessairement plus remarquables. Un bled, périurbain ou quelque chose comme ça. Des entrepôts, des maisons, parfois des piscines. « Les machines agricoles, les moissonneuses-batteuses John Deere, les engins de chantier découpaient dans le lointain brumeux, côté est, leurs couleurs métallisées. Ensuite, à l'opposé de ma maison, au sud, on apercevait les nouvelles zones pavillonnaires encore en construction. » Des couples, séparés ou qui ne vont pas tarder à l'être, qui s'observent à la dérobée. Revue de détail des affreux. D'abord lui, le narrateur du livre, Barnett Trapp, expert en affaires qui échouent. Sa femme, Josefa, l'a quitté pour un collègue de travail, Spencer, professeur d'histoire. Elle demande le divorce et menace de le priver des quelques biens qui lui restent. Pour combattre la morosité dont il sent qu'elle ne tardera pas à l'engluer, notre héros malgré lui se rapproche de ses voisins. D'abord, Samantha et Steve, dont le mérite est de paraître glander encore plus que lui et surtout, Miko et Sally. Avec Miko, l'amitié, ou au moins le compagnonnage, se construit lors de grandes parties de pêche. Avec Sally, c'est autre chose. Peut-être du désir... Au moins jusqu'au jour où celle-ci propose à Barnett un coup fumant : dévaliser sans risque son propre mari, le délester de toute sa fortune et l'affaire faite, couler des jours heureux, loin, au Mexique. Malgré ses doutes, troublé, Barnett accepte. Cela ne s'avérera pas aussi simple que prévu...
Il ne se passe pas grand-chose au fond dans ce Mélodie en sous-sol revu façon redneck. Mais de ce peu, comme Echenoz, comme Oster, Yves Ravey fait son affaire. Comme à son habitude, il observe le réel, ou ce qui en tient lieu chez ses personnages, avec une méfiance tout ironique. Et cette méfiance va jusqu'à contaminer le lecteur qui aime bien l'idée « qu'on ne la lui fasse pas »... Il y a tout de même chez Ravey une vraie tendresse pour ces mal partis, jamais arrivés et un amour superbe de la langue, de la composition musicale de son récit. Sale histoire, grand art.
Politis, Christophe Kantcheff, 4 septembre 2024
Une intrigue bien ficelée
Dans Que du vent, Yves Ravey met en scène la préparation d'un cambriolage.
Il faut se méfier d'Yves Ravey. On lui donnerait le bon Dieu sans confession avec ses romans, tous chez le même éditeur, Minuit, qui ne dépassent jamais les 150 pages, reviennent sur les tables des libraires à peu près tous les deux ans, dotés de personnages aux allures louches qui sont vraiment louches. Tout cela est rassurant et justifierait qu'on accorde à Ravey une entière et pleine confiance.
Mais voilà. Il y a toujours dans ses livres une carte biseautée, un tiroir à double-fond, une peinture en trompe-l’œil. Non qu'Yves Ravey serait un tricheur. Mais il n‘aime rien tant qu'une ligne claire se perde soudain dans un brouillard, qu'une histoire se camoufle derrière ses propres apparences.
Le tout avec humour. Par exemple, dans ce nouveau roman, Que du vent, le narrateur, Barnett Trapp (Ravey affectionne les personnages aux patronymes anglo-saxons), spécialiste en faillites et dépôts de bilan, couvert de dettes, fait commerce de produits de nettoyage vaisselle qu’il amasse en quantité dans son hangar. Un de ses voisins, Steve, a connu la prison. Un autre, Miko, détourne de l'argent de sa société de blanchisserie, qui échappe ainsi à tout contrôle. Bref, le taux de délinquants au mètre carré de ce quartier est imbattable.
Dans ce contexte on ne peut plus réaliste (!) une intrigue se déploie dont les protagonistes sont Sally, la femme de Miko, et Barnett. On croit d'abord à une idylle adultérine, le second étant en cours de divorce, la première assurant qu'elle aspire à une autre vie. La direction prise par l’intrigue est moins banale. Sally a imaginé un coup : le cambriolage de la somme contenue dans le coffre-fort de son mari. Si elle a impliqué Barnett dans l'affaire, c'est, selon lui, parce qu'elle a été séduite et « sécurisée » par son « passage dans un commando des sections spéciales ». Un homme un vrai, ce Barnett, dont on imagine le regard affûté, la clairvoyance implacable. Tout a été pensé par Sally, femme de tête, qui repousse certains doutes émis par Barnett. Rien n'a été laissé au hasard... Ne disons rien de plus. Que du vent est un réjouissant pied-de-nez aux prétendus impératifs narratifs. Une illusion comique.
Territoires romanesques, Jean-Claude Lebrun, 24 octobre 2024
Cela fait trente-cinq ans, depuis « La table des singes » (Gallimard, 1989), qu’Yves Ravey nous adresse ses fictions comme autant d’informations sur un certain état du monde. Des textes lapidaires, travaillés avec une minutie de tous les instants, dont les épilogues obéissent à un semblable principe déceptif. Tous habités par des personnages combinards, monomaniaques jusqu'’à la caricature, en lesquels se donne clairement à reconnaitre une humanité passée du stade de la solidarité à celui de la débrouille sans limite. En quoi Yves Ravey à sa façon accompagne et illustre le grand tournant régressif des dernières décennies.
« Que du vent », son tout dernier roman, non seulement ne s’écarte pas de ce champ narratif absolument unique dans l’espace littéraire francophone, mais nous en fournit une saisissante grille de lecture. À commencer par son implantation, un lotissement dans une zone périurbaine aux Etats Unis avec pelouse et piscine, sorte de rêve réalisé de la classe moyenne. Non loin de là coule la Blue Spoon River, qui pourrait bien renvoyer à « Spoon River », classique de la littérature américaine, pour entretenir le dépaysement. Chez Yves Ravey un certain Barnett tient le récit de ce qui arriva à trois couples voisins dans le lotissement, entre réussite en trompe-l’œil et vraie médiocrité. Se dépeignant lui-même comme un « aventurier », le narrateur laisse au lecteur le soin de mesurer ce qu’il entend exactement par là, bien loin de l'acception première du terme, par exemple dans la littérature. Suivant le courant dominant du temps, Barnett faisait des affaires. Ou du moins essayait. Comme patron d'une entreprise d’ambulances qui avait fait faillite, puis créateur d'un entrepôt de produits ménagers à bas prix à son tour menacé de liquidation judiciaire. Il les revendait ensuite « à prix cassés dans certains pays d'Afrique ». Certainement une figure représentative de la vague Uber qui emporte sur son passage l'économie réelle. Certains ont voulu seulement distinguer en lui une incarnation du « loser », occultant tout bonnement la dimension éminemment critique du roman d'Yves Ravey.
Barnett Trapp, en instance de divorce avec Josefa, elle-même partie avec Steven, a pour plus proches voisins Miko et Sally. La nuit on peut voir stationner de grosses cylindrées devant leur maison : Miko possède des laveries, lieu de blanchissage et aussi, en l'espèce, de blanchiment et détournement de fonds. Quant à Sally, la séduisante rousse, elle passe de nombreuses heures, très dévêtue, sur le gazon synthétique au bord de leur piscine, dans le champ de vision et devant la paire de jumelles de Barnett, qui fut troupier dans des sections spéciales en Irak (« Voir sans être vu », principe premier de l’instruction militaire). Le romancier multiplie ainsi les notations qui restituent un contexte et alimentent le parti pris critique. D'autres voisins, Steve et Samantha, se sont pour leur part lancés dans l’élevage de chiens. Un univers peu à peu se donne à voir, qu’un sociologue qualifierait de postindustriel, celui qui offre son terreau aux séries télévisuelles ici caricaturalement présentes dans l'incroyable palette des prénoms. Les romans d'Yves Ravey, c'est en permanence un considérable foisonnement de sens.
Et puis il y a ce qu’on désignera comme l'intrigue. Un coup tordu contre l'argent détourné de Miko, que la sémillante Sally propose au voyeur qui est évidemment devenu son amant, consécutivement à son opération d’hameçonnage. Si l'on précise que Barnett et Miko partent souvent pécher ensemble dans la Blue Spoon River, l'on peut encore une fois relever le niveau de concertation de cette littérature. À quoi il conviendrait d'ajouter, plus prégnante que jamais dans « Que du vent », l’omniprésence d'une tonalité ironique qui donne à cette parodie d'aventure feuilletonesque tout son mordant. Quand par exemple des boîtes de lessive entreposées dans le hangar de Barnett servent de cachettes aux billets de banque pas très propres volés dans le coffre-fort de Miko. Leur forfait accompli, Sally et Barnett avaient imaginé filer ensemble à Vera Cruz. En écho à l'équipée cinématographique de Gary Cooper et Burt Lancaster, constitutive d’un certain imaginaire américain ? L'hypothèse est envisageable.
Comme toujours chez Yves Ravey l’affaire se terminera comme si, à la manière des séries télé, rien de bien sérieux ne s’était joué. Tout cela semblant relever de l'écume des choses. Ou de la mousse de la lessive. Mais pris pour l'essentiel chez ces suburbains ubérisés, piégés par le miroir aux alouettes de l’argent facile et de l'aventure solitaire. Le reste s'apparentant aux gesticulations qui constituent la véritable matière des « soap opéras ». Si elle n’avait pas encore été perçue, la dimension politique de cette œuvre, puisqu'’il s’agit d'un ensemble cohérent, s’affiche dans « Que du vent », titre à prendre au pied de la lettre, avec une totale évidence. On pourra utilement relire à cette lumière la trentaine de textes qui forment ce singulier corpus.
Rencontre
Du même auteur
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- Le Cours classique, 1995
- Alerte, 1996
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- La Concession Pilgrim, 1999
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- Enlèvement avec rançon, 2010
- Un notaire peu ordinaire, 2013
- La Fille de mon meilleur ami, 2014
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- Trois jours chez ma tante, 2017
- Pas dupe, 2019
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- Que du vent, 2024
Poche « Double »
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