Romans


François Bon

Limite


1985
216 pages. Pas disponible.
Voir Tiers Livre Editeur.
ISBN : 9782707310392


Des jeunes, pas loin de leurs vingt-cinq ans ; ils sont quatre, saisis à un moment critique de leur vie.
On les entend tous les quatre, pris en temps réel sur les trois jours d'une fin de semaine : l'un est guitariste de rock, en concert un samedi soir ; le second est dessinateur industriel, un matin ; le troisième chômeur ; un quatrième enfin joue au foot avec son équipe d'usine.
Des types comme les autres, mais que la vie a rassemblés et pris dans une même histoire, alors poussée à terme de sa dimension tragique. Aux antipodes du " social ”, Limite a cherché à mettre en fiction le matériau de son temps, ce qu'il a de “ dur ”, pour retrouver une force plus traditionnelle du roman.
Les quatre voix se croisent, immergées dans un double mouvement narratif : d'une part ces quatre récits, chacun marque par un élan qui les enlève au temps ordinaire ; d'autre part l'histoire qui les relie, et qu'implacablement on voit se restituer pour finalement venir coïncider avec ce temps “ en direct ”.
La limite ici ne serait pas d'abord dans les conditions imposées par une époque à ceux qui doivent en prendre le relais, mais - parce que ces conditions les ont rejetés en eux-mêmes un peu plus loin qu'il n'aurait fallu – le fossé creusé entre eux et ce relais un monde comme une seule plaque, à la limite du basculement.

Gérard Noiret (La Quinzaine littéraire, 16 octobre 1985)

Une aventure d'écriture, une aventure de sens
 
« Ils sont quatre. Cinq puisque dans chaque pensée est présente Monique. Elle a rassemblé des amis, elle sera à l'origine du drame. Elle vient d"avorter. Si elle quitte l'un pour aller vers un autre, c'est qu'elle refuse l'amour que les hommes lui proposent. Dans un univers de soliloques, elle est une figure de désir.
Elle ne veut justement pas être une image. Ils sont dans une période critique. Ils peuvent basculer. Comme Alain qui se suicide. Il s'en faut de quoi ? Ont-ils dans l'état actuel des choses, une solution ? Ne dépend-elle pas d'une société bloquée
Vus d'en haut, ils n'ont pas d'importance. Ils deviendront les Français moyens de demain, à condition que leur existence finisse par digérer les échecs.
Le premier est un gars plutôt sportif. Il joue au foot mais abandonnera cet exutoire une fois achevé le match commencé lors des premières pages. Marié à la sœur de Joël avec laquelle il a deux enfants, il a fini par aimer Monique et par la détourner de son copain. Un autre gars, dessinateur industriel, n'a pas su goûter au bonheur et ne parviendra pas à surmonter la perte de son point de fuite. Un troisième se drogue. Et le dernier. De gens sans importance. Chez ces gens-là, Monsieur, on n'a pas de paysage; juste des faits-divers (...)
Si Limite est aventure d'écriture, c'est aussi, achevé, une aventure de sens. Cette tragédie en cinq actes n'a pas de dénouement édifiant. Bien malin qui trouvera une assurance dans ces lignes. Il n'y a aucune démonstration ; ni doute pontifiant, ni utopie positiviste. On sent pourtant que, malgré les échos céliniens, la position du romancier est à l'opposé de celle d'Un château l'autre. Céline. Une borne essentielle de cet univers est nommée. Et avec elle un des enjeux.
François Bon occupe un terrain que le réalisme n'avait pu investir. Il met en évidence des perturbations de conscience, depuis l'épicentre (là où la douleur tue) jusqu'aux réseaux d'impressions ambiguës qui appartiennent à divers mouvements et peuvent signifier plusieurs choses. Sans que le trait soit appuyé, nous voyons combien le travail, l'exploitation sont au centre des biographies. Ils orientent la scolarité. Ils concentrent dans les lieux (la fonderie), conditionnent pour une part les rythmes de vie. Sexualité, art, sport, rien n'échappe totalement à ces facteurs. Ils s'étendent jusqu'à la ville. Les liens avec l'hôpital, le service des urgences, sont nets. La preuve par le chômage est facile à apporter. Ailleurs nous percevons que, zazous, beatniks, punks, la jeunesse n'invente jamais véritablement de nouveaux critères mais qu'aujourd'hui les conséquences sont plus immédiates et plus redoutables.
Limite répond à ceux qui pensaient que Sortie d'usine devait sa force et son succès à son thème. Il devrait confirmer le bon accueil populaire malgré la hauteur des visées littéraires. François Bon part de sensations largement partagées. Quelle que soit la manière dont il se les approprie et extrapole, il peut être suivi. Son œuvre est en prise directe avec la violence de ce stade dévasté un soir de Coupe d'Europe, avec le viol métro Les Halles, le léger détournement de tête des bons citoyens pour ne pas voir. »

 




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