Une tombe

Dominique Durand (Le Canard Enchaîné, 28 mars 1990)

 (…) Cet écrit est comme un appendice à Tu reviendras à Région. L'enfant découvre, enjambe une tombe, veille sur elle, après qu'elle eut été réouverte à l'incuriosité publique.
Il faut dire que le général qui devrait y demeurer n'a pas mis du sien pour mourir, il échappa à une conversation licencieuse avec une dame, à une perdrix à l'étouffée assaisonnée de 100 g de cyanure potassique, à un gâteau à la chantilly également cyanuré, à un coup de candélabre en bronze, à deux balles dans la poitrine à bout portant et à un jet dans un puits profond.
L'enfant, lui, attend sans le savoir la fin de la guerre entre les hommes, période généreuse où le Commandant visite Madame : " Il était décidé que, les jours où se produisait la visite, l'enfant devait dormir toute la nuit dans le lit de la femme [où il connaissait] I'imparfaite possession de ce corps si prématurément, aromatiquement et irrémédiablement aimé... ”
Du fait du pacte avec le père disparu de cette tombe, l'enfant devient un insurgé habité par l'ombre hivernale qui recouvre Région durant neuf mois d'hiver. Les jurés de Stockholm se sont encore trompés, mais rien de grave : Benet est un prix Nobel à lui tout seul.