Le XIXe siècle rapportait la littérature à l’Auteur. Le XXe présente des options plus compliquées car, si cette référence mythique subsiste et prédomine même encore massivement, la narratologie, puis l’esthétique de la réception, ont déplacé le projecteur de la critique sur le texte d’abord, puis sur la lecture. Cependant, les dispositifs théoriques ne ménagent que très abstraitement une place au lecteur. L’originalité de Michel Picard tient à ce que pour lui la littérature est entièrement dans la lecture, que celle-ci, lorsqu’elle est littérature du moins, serait tout simplement une sorte de jeu, et que le lecteur auquel il s’intéresse est le lecteur – avec sa “ compétence lectrice ”, son intelligence, mais aussi ses déterminations socio-historiques, son inconscient, son corps.
Aborder la question du temps sous cet angle éclaire alors d’un jour singulier la fonction du littéraire. Si le discours, la thématique, les procédés d’écriture relatifs au temps peuvent susciter des effets de sens intéressants, il n’est de temps véritable cependant que dans, mais aussi par la lecture ainsi comprise. Cet essai en analyse les formes diverses et leur dialectique. Jouer, c’est jouer avec le temps. Lire, c’est agir sur son temps, intégrer son histoire et l’intégrer dans l’Histoire.
Que la littérature entretienne avec le temps des relations privilégiées, voilà longtemps qu’on le sait. Mais, s’il ne refuse aucune des approches modernes de cette relation. Michel Picard considère que toute hégémonie de l’une d’entre elles, sociologie, Histoire, psychanalyse, philosophie, etc., gauchit notre conception de la lecture et mutile notre image du lecteur. Il s’adresse certes aux spécialistes de la lecture, et de la littérature, voire de l’esthétique en général, mais également au grand public lettré, curieux de comprendre pourquoi il aime lire, ce qui se passe en lui quand il lit, quel bénéfice il en retire réellement et pour quelles raisons il sentait bien, confusément, que lire c’est lire le temps.
‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑
Introduction – Première partie : Les temps du déchiffrement – Deuxième partie : Temps fictionnels et temps réel – Troisième partie : Des temps hors temps ? – Quatrième partie : Un temps transitionnel – Bibliographie – Index
Jean-Didier Wagneur (Libération, 1989)
Pour Michel Picard, la lecture est une expérience temporelle singulière où se mêlent plusieurs temps différents. Il y a celui du déchiffrement, le temps fictionnel, le temps réel, mais aussi ces “ temps hors temps ”. Pourquoi lit-on avant de s’endormir ? Comment retrouve-t-on la page où l’on s’est arrêté ? Quels sont ces temps où la rêverie l’emporte sur le texte ?