Ça raconte Sarah, sa beauté mystérieuse, son nez cassant de doux rapace, ses yeux comme des cailloux, verts, mais non, pas verts, ses yeux d’une couleur insolite, ses yeux de serpent aux paupières tombantes. Ça raconte Sarah la fougue, Sarah la passion, Sarah le soufre, ça raconte le moment précis où l’allumette craque, le moment précis où le bout de bois devient feu, où l’étincelle illumine la nuit, où du néant jaillit la brûlure. Ce moment précis et minuscule, un basculement d’une seconde à peine. Ça raconte Sarah, de symbole : S.
ISBN
PDF : 9782707346186
ePub : 9782707346179
Prix : 7.49 €
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Elisabeth Philippe, L'Obs, 23 avril 2020
Ce roman court, intense et fougueux, aurait pu s'intituler, comme le beau film de Céline Sciamma, "Portrait de la jeune fille en feu". Il y a d'abord le feu qui dévore la narratrice, embrasement amoureux et indédit qui la consumme lorsqu'elle rencontre Sarah, violoniste au "nez abrupt d'oiseau rare" et aux "yeux de serpent aux paupières tombantes". Mais il y a aussi le feu plus pernicieux qui peu à peu ravage Sarah, la maladie qui la détruit de l'intérieur. Voilà celle qui l'aime réduite en cendres, en "ça" condamné à raconter la disparue avant de s'exiler à Trieste. Une fuite en avant, perdue et éperdue, pour ne pas faire comme Orphée avec Eurydice, pour ne pas se retourner sur les souvenirs, sur ce gouffre qui l'attire. Premier roman très remarqué, "Ca raconte Sarah" est l'histoire d'une passion au sens plein et étymologique du terme : à la fois un amour démesuré, charnel, obsessionnel et une souffrance. On trouve dans le phrasé sec, urgent, des échos aux livres d'Annie Ernaux ou de Marguerite Duras. Une fugue composée, de bout en bout, con fuoco.
Estelle Lenartowicz, L’Express
C'est presque moins un roman qu'un éclatant poème que propose Pauline Delabroy-Allard dans cette série de courtes phrases compressées les unes contre les autres comme les pulsations d'un cœur qui bat à toute vitesse. Dans la seconde partie, miroir inversé de la première, c'est maintenant l'absence de l'être aimé qui sature tout l'espace. Est venu le temps du deuil, de l'arrachement, de la convalescence solitaire après l'incendie intérieur. Exilée à Trieste, où elle erre en anonyme, la narratrice titube, vacille longtemps avant d'entrevoir « la vie sans elle mais la vie quand même ». Il y a du Duras, du Nabokov et du Barthes dans la chair intensément vivante de ce magnifique roman de l'absolu amoureux.