Bernard Andrès
Profils du personnage chez Claude Simon
1993
Collection Critique , 288 pages
ISBN : 9782707314376
22.40 €
Quant au personnage lui-même, je répondrais naturellement (…), avec Butor : “ Le personnage, oui, pourquoi pas ? ”, en précisant toutefois que, contrairement à la peinture “ humaniste ” de la Renaissance qui, par les procédés de lumière ou de composition, focalisait tout l’intérêt du spectateur sur le ou les personnages principaux, le personnage m’apparaît indissociable du monde qui l’entoure et que, comme chez Cézanne, la moindre nuance du mur de la pièce (ou du plastron de sa chemise : portrait de Vallier) est aussi importante qu’un jeu de lumière sur sa pommette ou sur son nez. (Claude Simon, lettre à l’auteur).
Et si relire Simon après le Discours de Stockholm, après L’Acacia, c’était retrouver un personnage à l’œuvre et à l’épreuve ? Non pas le héros trop commode des fictions réalistes, ou l’anti-sujet du Nouveau Roman, mais une entité à part, une construction propre à l’auteur qui, par-delà les débats d’école, résisterait farouchement à “ l’ère du soupçon ” ? Un tel principe d’écriture (et de lecture) définirait un “ effet-personnage ” assumant le “ lien ” entre les œuvres de jeunesse et celles de la maturité, permettant également de jeter des ponts entre l’œuvre photographique, l’œuvre picturale et le corpus romanesque du Prix Nobel de littérature.
Ce traitement du motif-personnage qui assure la lisibilité des textes les plus exigeants, Bernard Andrès le retrace dans une étude dont l’objet n’est pas d’appliquer une grille à l’auteur ou d’utiliser Simon pour en forger une nouvelle. Il s’agit plutôt d’éclairer le travail que l’écriture fait subir à la notion de personnage. Montrer aussi le parti que nous pouvons en tirer pour encore mieux apprécier l’œuvre en constante expansion qu’est, depuis plus de quarante ans, la galaxie simonienne. Il s’agit enfin, sans verser dans le biographisme, de mesurer la place que le personnage-narrateur se taille dans l’œuvre récente : comment, non sans humour, l’auteur compose avec ce protagoniste, multiple les avatars de sa propre personne et, d’un clin d’œil, nous fait passer du profil du personnage chez Claude Simon aux profils de Claude Simon personnage.
‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑
Avant-propos.
I. Projet du personnage
1. La constance de Montès. Rêverie et visions. Asociabilité ou altruisme ? La vision comme acte. Montès et le passé – 2. La révolte de Louise. Les pressions de l’entourage. Marie ou la vieillesse menaçante – 3. Le cheminement de Georges. L’énigme de Reixach. Les risques de la recherche. Le danger de la découverte. L’heure du bilan – 4. L’exorcisme du pèlerin. Agonie et reviviscence. Le concours de regard. Le sentiment de l’urgence.
Il. Dissolution du personnage dans l’histoire
1. La chronologie en déroute. Retours et anticipations (la prolepse d’attente ; l’analepse complétive). De l’information à la déformation. La hiérarchie perdue des personnages (actant, récitant ou focalisateur ?) – 2. La fréquence modulée. Réitérer la fable (oppositions et analogie répétitives). Le dire itératif (le fil des jours, rien que le décor) – 3. La régression dans l’Histoire. Le personnage et l’autre (l’ascendance et l’entourage). Entrer dans l’Histoire (typologie des personnages ; d’une histoire à l’Histoire).
III. Dislocation du personnage par le discours
1. À perte de vues. Le personnage comme énigme. Pierre ou le témoignage médiatisé. Le problème des sources. Corinne et l’intériorisation du système (une brève et unique vision ; les racontars ; les bribes de phrases). De Reixach et le faux témoignage (une gravure qui n’existe pas ; un portrait peint cent cinquante ans plus tôt) – 2. Les parentés formelles. Le personnage “ tiré à hue et à dia ”. Les morts d’un personnage (l’errance ; l’analogie : l’arme ; la chute ; l’amphibologie et l’équivoque narrative). L’ubiquité du sujet (la mort) – 3. Les duplications sérielles. Le duel des couples (Corinne et l’herbe). Le monologue labyrinthique (l’obsession de Sabine ; les relations de personne) – 4. Les voix narratives. Parler et imaginer (ce que dit le narrateur ; ce qu’imagine le personnage). Le temps de l’instance (les narrations ultérieures, intercalée et simultanée).
IV. Des Géorgiques à L’Acacia : le personnage recouvré
1. Les Géorgiques. La biographie d’un aller ego. Prologue aux années quatre-vingt. Les récits de (ma) vie. La personne première – 2. De Stockholm à Zagorsk – L’invitation au discours sur soi. L’album d’un (ou pour un) amateur ? L’auteur à la fenêtre. Le matériau biographique. La galerie des personnages – 3. L’Acacia – L’hybridation du sujet. Le personnage comme dispositif. Douze avatars d’un moi en il . Acacia ou dodécaèdre ? – À la recherche du nom perdu (en guise de conclusion)
Bibliographie.