Romans


Philippe Raulet

Micmac


1993
160 pages
ISBN : 9782707314352
12.20 €
40 exemplaires sur Vergé des papeteries de Vizille


– De sorte que, à peine arrivé dans cette vallée, celui que l'on va vite appeler le locataire se laisse installer dans le premier logement qu'on lui propose ? – oui. – Et quand on lui fait entendre qu'il y a une affaire de famille à propos de la maison, il dit qu'il ne veut rien en savoir, attitude que l'on attend d'ailleurs de lui. – C'est vrai. – Parce qu'on espère qu'en l'y impliquant malgré lui il va aider à dénouer l'affaire ? – Tout à fait. – Mais ce locataire semble avoir d'autres préoccupations, disons ... sentimentales. – Disons, oui. – Pourtant, à ce que je crois comprendre, même sans cela, il n'est pas sûr qu'il chercherait à voir le piège qu'on lui tend. – Pas sûr du tout. – Il serait du genre “ moins j'en sais, mieux je passe au travers ” ... – Il ne le dit pas, mais oui. – Du genre aussi “ si ça chauffe trop, c'est bien simple, je m'en vais ”. – Ce sont presque ses termes – Très bien. Et cette affaire, cette “ embrouille ”, comme les gens l'appellent, serait simple s'il n'y avait l'indécision des enfants, les héritiers, à la régler, selon l'usage de là-bas... – Vous avez raison. À ce propos, le tableau du peintre, que l'on retrouvera barbouillé, en dit ... – Je vous en prie, laissez-moi continuer ... Et s'il n'y avait surtout le plaisir que prennent les gens de cette vallée à tout transformer en spectacle, comme cette danse du loyer, ou en grand jeu, comme cette chasse au fils. – En effet. – Bon, bon ... Finalement, on peut dire que chacun pousse ses petits appétits de pions, à la va-comme-je-m'agite ? – Oui, oui. – Rien de plus, n'est-ce pas ? – Absolument rien. – De sorte qu'il n'y a qu'à regarder ... – De sorte, oui. Ca vient tout juste de commencer.

Jean-Maurice de Montremy (Lire, janvier 1993)

Étranges embrouilles
 
 Dès qu'il prend place dans le car pour La Vogne, haute vallée de montagne, le voyageur sent qu'il débarque dans un petit bourg où les embrouilles se règlent à huis clos. Pis, on se sert de lui comme d'un pion. À peine arrivé, le voici promu d'office locataire dans une grande demeure près du torrent. Son appartement est précisément au centre d'une violente querelle d'héritage. Et les bizarreries s'accumulent. À La Vogne les propriétaires vous imposent de danser pour définir votre loyer ; les concours monstres de belote se transforment en chasse à l'homme. Cela fait, le locataire-voyageur doit déchiffrer les énigmes d'un peintre passablement faux frère quand un bavard sournois ne l'assomme pas de faux-vrais renseignements. Il y a aussi deux adolescents, jumeaux, qui se flanquent pour rire des roustes à vous laisser infirme. Une invisible et charmante Blandine, enfin, visite en cachette l'appartement du voyageur – où veillent ses souvenirs d'enfance, semble-t-il. Pour son premier roman, Philippe Raulet impose une écriture dense, sarcastique, pleine de méandres. Les ellipses et les brusques à-coups n'y sont que des ruses pour donner au micmac sa charge de poésie, non sans humour noir. 

André Rollin (Le Canard enchaîné, 6 janvier 1993)

Mots d’embrouille
 
 La vallée de La Vogne est encaissée, perdue. Un autre monde. Pour y accéder, un car. Tous les passagers se connaissent. Seul, un voyageur : inconnu, incongru. Il est là comme par hasard, mais un hasard comme une “ fatwa ” tombée sur cet homme sans nom qui deviendra “ le locataire ” d'une demeure appelée le “ Vieux-Pont ”, située près d'une rivière : divers bâtiments trois platanes et un magnolia.
Philippe Raulet, lexicographe de profession, à l'aide d'une litanie de questions et de réponses, enferme son lecteur comme il emprisonne son “ locataire ”, dans une embrouille mystérieuse... énigme qui restera en suspens jusqu'au dernier mot, après la fureur des eaux de la rivière, alors que le locataire “ regarde aussi, juste en dessous, contre les piles du pont, l'entassement des souches qui, montant jusqu'au parapet, témoignent de la hauteur de l'eau au plus fort de la crue, sans toutefois qu'elle ait atteint la route sur laquelle maintenant ils s'éloignent, se parlant sans doute, puisque penchés l'un vers l'autre, mais déjà on ne peut plus les entendre ”.
Un piège : l'homme du car le découvre petit à petit sans pouvoir réagir. Il laisse faire les choses, se laisse prendre dans l'embrouille, dans les micmacs qui se multiplient autour de lui. Il ne veut pas savoir. Pas comprendre. Mais, proches de lui, tous les autres personnages, chacun a sa manière, viennent au-devant de la scène pour l'acculer un peu plus à l'inéluctable fuite.
Auparavant, il découvre de drôles de propriétaires emberlificotés dans des problèmes d'héritage ; de curieuses manières de payer son loyer – une danse avec “ la sœur ” ! ; d'intrigants chasseurs qui ne traquent pas que la “ bête ”; des jeunes filles qui passent. Aussi un peintre et sa femme qui habitent dans les dépendances : l'une de ses toiles, “ une croûte ”, explique, peut-être, l'énigme. Elle sera jetée à la rivière, puis retrouvée...
C'est peu dire que ce premier roman de Philippe Raulet est une caverne où le lecteur a besoin de sa propre lanterne pour éclairer le paysage, déchiffrer les messages pour se débrouiller avec cette “ embrouille ”. Jeu de l'oie où toutes les cases sont des chausse-trapes... et l'écriture, le plus extravagant des micmacs ! 

 

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