Romans-photo


Marie-Françoise Plissart
Benoît Peeters

Le Mauvais œil


1986
Album photographique (22 x 30,5)
80 pages
ISBN : 9782707310996


Un terrible drame vient-il d'avoir lieu ? On interroge ici un suspect. Cependant, à mesure que l'enquête progresse, le mystère semble s'épaissir. Les réponses embarrassées du narrateur paraissent n'avoir d'autre conséquence que de susciter de nouvelles questions. Mais de quelle nuit proviennent les flashes photographiques qui tantôt viennent au secours du narrateur, tantôt au contraire le trahissent sans appel ?
Nous comprenons peu à peu que nous assistons au seul drame véritable qui se joue dans Le Mauvais œil, entre la réalité indiscutable de la parole et l'évidence avérée de l'image.

Jacques De Decker (Le Soir, 16 octobre 1986)

Plissart – Peeters : l'œil qui lit ou qui regarde ?
 
 Du rapport entre l'image photographique et la fiction, Marie-Françoise Plissart et Benoît Peeters explorent, avec une hardiesse assidue, les multiples possibilités. Ils ont trouvé, dans un état de délabrement très avancé, un genre qui n'en était pas vraiment un, le photo-roman, et voici qu'ils le dotent de livre en livre, de prestiges inouïs, en tentant à chaque fois de reconsidérer, à la base, ses modes de fonctionnement.
II y eut Fugues, dont la singularité se situait surtout au niveau du fonctionnement narratif, puis Droits de regard, qui relevait le défi de se passer complètement de texte, tout en narrant une histoire qui n'avait rien d'élémentaire, mais qui détenait cet étrange pouvoir de susciter un discours chez chacun de ses lecteurs. D'une certaine manière, leur Prague était du reportage-fiction, où l'image n'avait rien d'anecdotique, et où le propos assumait totalement sa subjectivité.
L'une des étrangetés de leur démarche, mais qui n'étonnera qu'à moitié de la part de Peeters, auteur de scénarios de BD., et éminent spécialiste du genre, c'est qu'ils font de la photo, bien qu'enregistreuse du réel, une icône aussi chargée de signes volontaires que le dessin, comme si Plissart arrivait à en éliminer tout “ bruit ”, tout signe non pertinent, ne permettant à son objectif de ne retenir que ce qui alimente la connivence narrative.
Ce qu'ils ont tenté cette fois, dans la relation du mot à l'image, c'est le contrepoint. En encadré sur la page, on suit une déposition qu'à tout moment la photo conteste, ou contredit radicalement. L'on est partagé entre deux instances, celles de deux langages qui refusent obstinément l'hégémonie de l'autre. Et, en tant que lecteur-spectateur, on doit admettre que l'on est également respectueux des deux : on croit à ce qui est écrit noir sur blanc, on ajoute foi aux subjuguantes images de Marie-Françoise Plissart.
Il y a là un antagonisme soigneusement entretenu qui fait la tension de ce livre, en dehors de l'argument lui-même où l'on se perd en conjectures sur les statuts des personnages qui terrorisent les protagonistes, tout en se faisant un cinéma intérieur – il y a un film enfoui dans ce volume, que l'on se projette avec l'appoint de son propre montage et de son rythme personnel – ou en assistant à des scènes mystérieuses sur le plateau d'un théâtre mental. Ce n'est pas un hasard si, dans les dernières images, le héros se réfugie dans la grande salle d'un théâtre parmi les plus fascinants qui soient, celui du Nouveau Théâtre de Belgique, place des Martyrs. 

 




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