Cécile Beauvoir
Envie d'amour
2002
80 pages
ISBN : 9782707317971
14.00 €
25 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille
eUn gilet dans une armoire, des flocons de neige sur une vitre, une petite fille dans un salon de coiffure, une lettre bleue, un arrosoir plein d'eau de pluie, un thé à la pomme à Istanbul, une contrebasse, une pipe, des bigoudis. Une envie d'amour.
‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑
Laine et tricot - Le vieux gilet – Couleur bleu nuit – Summer Love – Contemplation – Livres et mises en plis – La petite boîte de velours rouge – Et c'est tout – Ma main dans sa poche – Envie d"amour – Sous la mousse – Les cheveux raides
Jean-Claude Lebrun (L’Humanité, 22 août 2002)
Un talent à suivre
Parmi les révélations de cette rentrée littéraire il faudra assurément compter Cécile Beauvoir, née en 1967, professeur d'anglais à Vichy. Le petit recueil de douze nouvelles que celle-ci nous propose se présente en effet comme un véritable petit bijou. D'observation, de finesse, d'écriture. Une ciselure parfaite, derrière laquelle on peut imaginer un amoureux travail de façonnage. Ce sont de telles œuvres qui démontrent la vitalité intacte de la manière classique, s'affirmant encore malgré les innovations de tous ordres et de toutes ampleurs qui se sont succédé depuis près d'un siècle. Dans ces petits textes, qui apparaissent en fait comme des chapitres d'une même histoire, une narratrice unique fait entendre sa parole. Elle restitue des morceaux de vie, comme autant de tableaux successifs à partir d'une même trame. Des personnages, des lieux, des ambiances s'y retrouvent au fil des pages. Tous magnifiés par une considérable force d'évocation. Un rapport aux êtres et aux choses s'y dessine, fait d'impressions, de sensations, de notations minuscules. Il y a là une sensualité de tous les instants, une sorte de constante disponibilité aussi. De la mémoire de cette narratrice, elle-même adepte de l'écriture et manifestement grande lectrice, resurgissent des moments d'une existence de fillette à Clermont-Ferrand, dans les années soixante. Le salon de coiffure, tenu par les parents, la blouse avec les peignes dans la poche, les clientes sous des séchoirs qui leur chauffaient les épaules ; la vieille épicerie rurale. les inoubliables ris de veau au madère et tartes à la bouillie, d'une marraine à la campagne, visitée chaque dimanche par la famille ; la table de nuit du père et son tiroir, au fond duquel la jeune fille un jour eut la surprise de découvrir des feuillets couverts d'une écriture régulière, qui racontaient " l'histoire tragique d'un copain de pension ”... L'art de Cécile Beauvoir, c'est aussi d'évoquer en creux, là-derrière, les secrets et les richesses cachés de plusieurs destinées d'apparences parfaitement banales.
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Josiane Savigneau (Le Monde, 30 août 2002)
Pour son premier livre, Cécile Beauvoir, trente-cinq ans, professeur d'anglais à Vichy, a courageusement choisi un genre, la nouvelle, qui a, en France, malheureusement, une assez mauvaise réputation, les lecteurs étant censés préférer les longs récits, à rebondissements et péripéties – ce qui est une vision bien réductrice du roman. On aurait tort pourtant de passer à côté de ces douze petits textes qui témoignent d'une belle maîtrise, déjà, par Cécile Beauvoir, de la forme brève. Évocation en deux pages d'une femme qui “ rangeait les aiguilles et les pelotes dans un étui de plastique rouge, allongé, avec une fermeture Eclair et une poignée blanche sur le côté ”. “ C'est ma mère retrouvée ”( Laine et tricot ). Un amour ancien qui revient lorsqu'on retrouve par hasard, dans l'armoire, un gilet qu'on n'avait jamais voulu jeter ( Le vieux gilet ). Et toujours cette attention aux détails qui fait les bons nouvellistes. Un objet, une sensation, une odeur, pour évoquer en quelques mots une absence, un désir, une histoire dont on ne connaîtra pas les péripéties, mais seulement les traces. En particulier dans les deux textes mélancoliques, presque de deuil, qui se répondent – Summer Love , Contemplation – et mettent en scène les mêmes personnages. Luc Jarnod, professeur de littérature anglaise, rumeur de pipe et une jeune femme qui l'aime, désormais éloignée de lui. Summer Love, c'est un livre offert à cette femme par Luc Jarnod, “ les poèmes d'un homme d'âge mûr à une jeune femme ”
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Jean-Baptiste Harang (Libération, 22 août 2002)
Toujours envie
Premiers textes de Cécile Beauvoir, un recueil au charme charnel, d’une précieuse simplicité.
Une envie est une petite tache cutanée, présente à la naissance, et que l'on croyait être la marque d'une envie de la mère, dit le dictionnaire, une tache de vin pensait-on si par pépie la mère avait eu envie de boire, ce sont également ces petites peaux qui se forment sur le pourtour des ongles. L'Envie d'amour de Cécile Beauvoir est une bonne grosse envie d'amour, besoin d'aimer, besoin d'être aimée, de toucher l'autre, d'être touchée, touchante. Mais sa façon de le dire ressortit plutôt de ces petites taches, celles que font les peintres du bout du pinceau, à fleur de peau, celles qui se voient de l'intérieur, avec les yeux de la mémoire, comme l'ombre flottée des nuages à la surface des eaux. Le livre se présente modestement comme un recueil de nouvelles, douze, comme des œufs, comme des huîtres, mais ce sont des perles, pas en collier, non, sur un écrin de broderie, une à une, discrètes, sous des titres légers, à l'abri de toute brillance artificielle : Laine et tricot , Le vieux gilet , Livres et mise en plis , La petite boîte de velours rouge , Les cheveux raides . Le collier reste à faire, le fil qui les relie est invisible, du ressort du lecteur, invisible mais présent, toutes ces nostalgies se rejoindront sur un fermoir espéré, l'antépénultième perle, celle qui porte le titre du livre, Envie d'amour, et toute son espérance avouée.
On y parle de couture, de coiffure, puisque la maman était coiffeuse, d'un vieux gilet donné par un amant en allé, de prénoms, Vincent, Luc. Chaque histoire se referme comme une boîte, comme si rien ne devait suivre, et, en refermant la boîte on voit sur le couvercle l'image d'une autre histoire qui va suivre, une histoire un peu usée, décatie, de ces images imprimées sur du fer que les gestes ont usées, où depuis longtemps les boutons, les photos jaunies ont remplacé les bonbons et les biscuits que vantent encore les emballages. Parfois non, l'histoire est toute neuve, les caresses vives, leur douceur encore tiède sur la peau, mais finie, vidée, béante de l'attente d'une nouvelle chaleur. D'un passé si proche qu'il faut écrire certaines pages au futur.
Celui-ci est musicien, celui-là voyageur, Victor l'ancien facteur passe dans les chambres d'hôpital faire danser les vieilles dames au rythme du dénicheur, Luc Jarnod, le vieux professeur de littérature élisabéthaine, pioche chaque jour dans une boîte un petit papier plié dont nous ne savons rien et qui lui sert de règle de vie, un couple fait l'amour en haut du Col de la Grande Limite, un chat étale des photos sur une table, une petite fille balaie les cheveux coupés qui jonche le salon de coiffure de sa mère, une femme à la peau très belle s'étire dans des draps de lin. Chapeaux blancs, feux de bois, la pluie fait tout briller. On hésite à citer la moindre phrase. On décide de ne rien citer. Comment dire une musique en quelques notes déliées. Ici tout sonne juste et simple. C'est compliqué de faire simple, Cécile Beauvoir tient avec ces textes arrêtés et ouverts une promesse qu'on ne lui demandait pas. Elle a sur ses lecteurs une promesse d'avance, on comprend qu'elle s'y tiendra.
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