Roman Jakobson
Linda Waugh
La Charpente phonique du langage
Traduit de l’anglais par Alain Kihm
1980
Collection Arguments , 336 pages
ISBN : 9782707302816
15.90 €
Du trait distinctif au poème : la pensée de Roman Jakobson est dans ce mouvement. Mouvement en effet ; rien de moins statique que la linguistique jakobsonienne, dont tout l’effort vise, non à isoler des “ niveaux ”, mais à dégager les relations dynamiques qui, parcourant la charpente du langage font de la langue une structure intégrée, où, pour ne retenir que les deux extrêmes, le phonétique, l’en-deça du sens, informe le poétique, la plénitude du sens.
Cette recherche de l’unité, cette volonté d’intégrer toutes les dimensions du langage, physiologique, psychologique, sociale, mythique on avait pu la suivre à travers les divers essais et articles de Roman Jakobson. Mais, pour la première fois, la voilà qui s’incarne dans un livre où toute la démarche se trouve systématiquement retracée. Livre-somme, donc, qui de chapitre en chapitre, de l’exposé de la théorie des traits distinctifs à l’analyse d’un poème d’E. E. Cummings, résume toute la pensée du chercheur.
Pour Jakobson, le langage n’est pas une machine, ni une taxinomie. C’est une structure vivante, qui se développe chez l’enfant, se meurt chez l’aphasique, se crée chez le poète. Structure de vie : c’est peut-être le rapprochement de ces deux mots qui traduit sa plus grande originalité et son apport le plus profond à la linguistique.
‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑
Chapitre I. Les fonctions des sons du langage : Contrepèteries – La discrimination du sens – L’homonymie – Les doublets – Les débuts de la recherche – Invariance et relativité – À la recherche des oppositions – Traits et phonèmes – Les sons du langage et le cerveau – La redondance – Les traits configuratifs – Les variations stylistiques – Les indices physiognomoniques – Les traits distinctifs en relation avec les composantes des sons du langage – L’identification des traits distinctifs – Discrimination et détermination du sens – Autonomie et intégration – Les universaux – La perception de la parole – La vie et le langage – Le rôle de l’apprentissage – La parole et le langage visualisé – Le multiforme et le conforme – La parole intérieure
Chapitre II. À la recherche des constituants ultimes : À la mémoire de Pierre Delattre – Consonne~voyelle – La syllabicité – La marque – Grave~aigu – Production et décodage – Compact~diffus – Dièsement et bémolisation – L’interrelation des traits de tonalité – Et maintenant?
Chapitre III. Le réseau des traits distinctifs : Signification des traits distinctifs – Les deux axes – La nasalité – Voisé~non voisé, tendu~lâche – Strident~mat – Les équivalents consonantiques des traits prosodiques – L’harmonie vocalique – Les glides – La charpente phonique à l’état natif – La synchronie dynamique – Perspectives
Chapitre IV. La magie des sons du langage : Le symbolisme phonique – La synesthésie – Les affinités lexicales – L’ablaut phonico-symbolique – L’usage mythopoétique des sons du langage – Le tabou linguistique – La glossolalie – Le son comme fondement du vers – L’art verbal des enfants – La poétique phonisante de Saussure – Réflexions sur un poème de Cummings – Le langage et la poésie
Conclusion – Bibliographie – Index
Mitsou Ronat (La Quinzaine littéraire, 1er avril 1980)
Dans cette perspective, le livre paru aux Éditions de Minuit constitue le complément théorique et technique indispensable à l’exposé historique des Dialogues. Jakobson fait le point sur les différentes recherches entreprises depuis vingt ans en phonologie, en physiologie, en acoustique, et conclut pour sa part qu’il n’y a pas lieu d’adopter le point de vue des générativistes selon quoi la discrimination du sens ne doit pas figurer parmi les primitifs de la théorie linguistique. À nouveau, ses principaux objets d’investigation sont les jeux de langage, la contrepèterie, l’aphasie, la poésie. En un sens, l’accent est mis davantage sur l’effet de langue, que sur sa condition d’existence. Comme toujours, Roman Jakobson nourrit sa démonstration par des exemples empruntés aux langues les plus diverses, ainsi qu’à leurs pratiques les plus étranges (tabous linguistiques, glossolalie, etc.).