Pierre Klossowski



Pierre Klossowski (Paris, 1905 - 2001).
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J. M.(L'Humanité, 13 août 2001).

Pierre Klossowski, un écrivain hors du commun
Pierre Klossowski est décédé dimanche à son domicile parisien à l'âge de quatre-vingt-seize ans. Écrivain, peintre (il était le frère de Balthus décédé en février dernier), traducteur (il a traduit notamment Nietzsche, Virgile),Klossowski, né à Paris dans une famille d'artistes d'origine polonaise le 9 août 1905, a fréquenté très tôt les plus grands peintres et écrivains d'avant-guerre, dont Bonnard, Rilke, Gide et Bataille, puis après la guerre, Michel Foucault, Gilles Deleuze... Il fait la connaissance de Rilke dans les années vingt, puis de Gide qui, en 1923, lui demande de l'assister dans son travail. En 1930, Klossowski fait ses premières traductions des Poèmes de la folie, de Hölderlin, un genre dans lequel il excellera toute sa vie. C'est alors qu'il découvre Sade qui influencera son écriture et sa peinture. En 1934, il fréquente Bataille, Masson, Caillois et Maurice Heine. Lié à plusieurs groupes politiques et philosophiques, il participe auprès de Bataille au Collège de sociologie et à la revue clandestine Acéphale. Dans L'Apprenti sorcier (Éditions de la Différence), Bataille décrit les activités de la société secrète Acéphale qui travaille les exercices spirituels, les états de conscience et d'émotion violente, techniques d'illumination qu'il traduira dansL'Expérience intérieure.
Pendant l'hiver 1939, Pierre Klossowski entre au noviciat des dominicains de La Lesse, puis ceux de Saint-Maximin. II passe les grades de théologie et donne une conférence qui sera reprise dans la première édition de Sade, mon prochain en 1947. En 1944, après sa rupture avec les dominicains, il s'engage dans la CIMADE, mouvement protestant d'entraide sociale, et part comme aumônier dans un camp de réfugiés espagnols près de Clermont-Ferrand. Il se convertit au luthéranisme, abjure le protestantisme en 1945. L'année suivante, il publie une traduction des Méditations bibliques de Hamann. En 1950, il publie son premier roman, La Vocation suspendue, avant le triptyque des Lois de l'hospitalité en 1965, et la même année, Baphomet, où le récit klossowskien donne sa pleine mesure, image obsédante, temps circulaire, climat sulfureux. Maurice Blanchot disait de Klossowski qu'il nous tient dans ce don rare de  l'hilarité du sérieux .
Dans La Monnaie vivante, texte illustré de photographies de Pierre Zucca (paru chez Éric Losfeld en 1970), il traite de la mercantilisation des fantasmes érotiques selon les normes industrielles :  Que l'on imagine une régression apparemment impossible : soit une phase industrielle où les producteurs ont le moyen d'exiger, à titre de paiement, des objets de sensation de la part des consommateurs. Ces objets sont des êtres vivants. 
Écrivain, philosophe, Pierre Klossowski s'intéressait également au cinéma et il collabora avec Raoul Ruiz à L'Hypothèse du tableau volé. Ces dernières années, il se consacrait surtout à la peinture.

 Bibliographie (extrait) :
* Sade mon prochain, essai (Le Seuil, 1947 ; nouvelle édition, entièrement remaniée et précédée de l'étude Le Philosophe scélérat, 1967 et  Points essais  n°472, 2002).
* La Vocation suspendue, roman (Gallimard, 1950 et  L'Imaginaire  n°245, 1990).
* Roberte ce soir, roman (Minuit, 1954).
* Le Bain de Diane, essai (Jean-Jacques Pauvert, 1956 ; Gallimard, 1980).
* La Révocation de l"Édit de Nantes, roman (Minuit, 1959).
* Le Souffleur ou le théâtre de société, roman (Jean-Jacques Pauvert, 1960).
* Un si funeste désir, essai (Gallimard, 1963 et  L’Imaginaire  n°314, 1994).
* Le Baphomet, récit (Mercure de France, 1965 ; Gallimard,  L’Imaginaire  n°179, 1987).
* Les Lois de l’hospitalité (La Révocation de l’Édit de Nantes - Roberte ce soir - Le Souffleur ). Édition définitive augmentée d’une préface et d’une postface (Gallimard, 1965 et  L’Imaginaire  n°336, 1995).
* Origines cultuelles et mythiques d’un certain comportement des dames romaines, illustrations de l’auteur (Fata Morgana, 1968).
* Nietzsche et le cercle vicieux, essai (Mercure de France, 1969, 1991).
* La Monnaie vivante, avec des photographies de Pierre Zucca (Éric Losfeld, 1970 ; sans les photographies, Joëlle Losfeld, 1994 ; Rivages,  Petite bibliothèque Rivages  n°230, 1997).
* Les Derniers travaux de Gulliver, suivi de Sade et Fourrier (Fata Morgana, 1974).
* La Ressemblance (Ryôan-ji, 1984).
* L’Homme aux simulacres (Le Seuil, 1986).
* Roberte et Gulliver. Lettre à Michel Butor (Fata Morgana, 1988).
* Le Secret pouvoir du sens. Entretiens avec Alain Jouffroy (Écriture, 1994).
* Tableaux vivants. Essais critiques 1936-1983 (Gallimard / Le Promeneur, 2001).
* L’Adolescent immortel, récit (Gallimard / Le Promeneur, 2001).
* Écrits d’un monomane. Essais, 1933-1939 (Gallimard / Le Promeneur, 2001).
* Travaux vivants. Essais critiques, 1936-1983 (Gallimard / Le Promeneur, 2001).
* La Décadence du nu / Decadence of the nude, essais sur l’art (Londres, Black Dog, 2003).

Traductions
* Georges Bataille, Le Procès de Gilles de Rais, plumitif latin du procès ecclesiastique, traduit du latin (Club français du livre, 1959 ; Jean-Jacques Pauvert, 1965 ; U.G.E.,  10-18. Bibliothèques  n°2873, 1997).
* Pierre Jean Jouve, Poèmes de la folie de Hölderlin, traduit de l’allemand par Pierre Jean Jouve, avec la collaboration de Pierre Klossowski (J. O. Fourcade, 1930 ; Gallimard, 1963).
* Johann Georg Hamann, Les Méditations bibliques. Avec en préface une étude de Hegel sur Hamann, traduit de l’allemand et présentation (Minuit, 1948 ; sous le titre Le Mage du Nord. Johann Georg Hamann, Fata Morgana, 1988).
* Martin Heidegger, Nietzsche, traduit de l’allemand (Gallimard, 1971, 2 vol.).
* Franz Kafka, Le Verdict, traduit de l’allemand (1930 ; Le Capucin, 2003).
* Franz Kafka, Journal intime. Esquisse d’une autobiographie. Considérations sur le péché. Méditations, traduit de l’allemand (Grasset, 1945).
* Paul Klee, Journal, traduit de l’allemand (Grasset, 1959 ;  Les Cahiers rouges  n°150).
* Li-Yu, Jeou-P’ou-T’ouan ou La Chair comme tapis de prière, traduction à partir du texte allemand de Franz Kuhn, revu sur le texte chinois par Jacques Pimpaneau (Jean-Jacques Pauvert, 1962, 1989).
* Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir, traduit de l’allemand (Club français du livre, 1954).
* Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir, suivi de Fragments posthumes (Été 1881-Été, 1882), traduit de l’allemand. Édition de Giorgio Colli et Mazzino Montinari (Gallimard,  Œuvres philosophiques complètes  V, 1967 ; édition, revue, corrigée et augmentée par Marc B. de Lamay, 1982 ; Le Gai savoir,  Folio essais n°17 ).
* Friedrich Nietzsche, Fragments posthumes (Automne 1887- Mars, 1888), traduit de l’allemand par Pierre Klossowski et Henri-Alexis Baatsch. Édition de Giorgio Colli et Mazzino Montinari (Gallimard,  Œuvres philosophiques complètes  XIII, 1976).
* Rainer-Maria Rilke et Lou Andreas-Salomé, Correspondance, traduit de l’allemand (Le Nouveau Commerce, 1967 ; 1976).
* Friedrich Sieburg, Robespierre, traduit de l’allemand (Flammarion, 1936 ; Mémoire du livre, 2003).
* Suétone, Vies des douze de Césars, traduit du latin (Club français du livre, 1959).
* Tertullien, Du sommeil, des songes, de la mort, traduit du latin (1948 ; Gallimard / Le Promeneur, 1999).
* Virgile, Énéide, traduit du latin (Gallimard, 1964 ; André Dimanche, 1989).
* Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, suivi d’Investigations philosophiques, traduit de l’allemand (Gallimard, 1961 et  Tel  n°109).

Filmographie
* Roberte, réal. Pierre Zucca (court métrage, 1975), d'après un synopsis de P. Klossowski.
* La Vocation suspendue, réal. Raoul Ruiz (1976), d"après le roman de P. Klossowski.
* L’Hypothèse du tableau volé, réal. Raoul Ruiz (1977), d’après un argument de P. Klossowski et R. Ruitz inspiré de La Révocation de l’édit de Nantes.
* Roberte interdite, réal. Pierre Zucca, synopsis de P. Klossowski, d’après La Révocation de l’édit de Nantes et Roberte ce soir (1978), avec P. Klossowski dans le rôle d’Octave.
* Pierre Klossowski, portrait de l’artiste en souffleur, réal. Alain Fleischer (1982).
* Klossowski, peintre-exorciste. Trois courts métrages : À la galerie, Images-miroirs et Les Crayons de couleurs, réal. Pierre Coulibeuf (1988).



 


Aux Editions de Minuit

Voir aussi

* Oubli et anamnèse dans l’expérience vécue de l’éternel retour du Même ,dans Cahiers de Royaumont, Nietzsche (Minuit, 1966).
« Le simulacre dans la communication de Georges Bataille », dans « Hommage à Georges Bataille », Critique n°195-196.

Sur Pierre Klossowski :
* Vincent Descombes, Le Même et l'autre (Minuit, 1979).