Paradoxe


Bertrand Prévost

L'Élégance animale


2025
176 pages
ISBN : 9782707356451
19.00 €


Cet essai voudrait faire droit à l’incomparable richesse de formes, de motifs et de couleurs que prodigue le monde animal : zébrures, taches, ocelles, couleurs chatoyantes, plumages iridescents, traînes, crêtes, collerettes… Une profusion de signes intenses qui dit moins une beauté qu’une profonde expressivité – autant dire une puissance visuelle à même de faire se lever une image subtile, détachée de tout substrat physique ou organique. C’est en cela qu’il y a « élégance animale », une élégance qui n’est pas sans résonner jusque dans nos propres manières d’apparaître, nos modes vestimentaires, notre cosmétique.

On ne pourra pas dès lors s’épargner une critique de l’utilitarisme darwinien qui, en se focalisant sur la fonction des formes, s’empêchait de penser la singularité de cette forme, autant dire sa valeur distinctive. C’est précisément là retrouver le geste fondamental du zoologue suisse Adolf Portmann (1897-1982), qui avait fait de la présentation-de-soi une réalité irréductible à toute utilité physiologique et ainsi éprouvé la diversité des apparences animales dans leur profonde vitalité.
Peut-être faut-il alors en arriver à penser ces apparences comme des images en soi, des apparences sans destinataire, capables non seulement de communiquer entre elles, par-delà la distance des milieux animaux, mais encore de se conjuguer avec les fleurs, les rochers, le ciel ou la mer, et de transfigurer ainsi la cosmétique animale en une authentique cosmologie.

ISBN
PDF : 9782707356475
ePub : 9782707356468

Prix : 13.99 €

En savoir plus

Philosophie magazine, Octave Larmagnac-Matheron, avril 2025

La faune et son vestiaire

Qui n’a jamais été charmé par la nacre irisée des coquillages ou les couleurs éclatantes des plumes d’oiseaux ? De ce chatoiement vivant, Bertrand Prévost, qui enseigne l’esthétique, explore moins la beauté que l’ « élégance », dans cet ouvrage qui n’en manque pas. Le terme, lié au vocabulaire de l’habillement, peut surprendre. Les animaux ne se vêtent pas. Certes, il y a bien des exceptions : les « chimpanzés qui se fabriquent des protections pour cueillir des fruits dans les épineux » ou, plus connue, « la coquille du bernard-l’ermite ». Mais se concentrer sur ces cas plus familiers ferait cependant passer à côté de la richesse de la parure animale, qui se déploie en général « à même la peau », à même cette nudité que nous, honteux humains, recouvrons. Les animaux s’habillent de « vêtements d’apparence », qui ne s’enlèvent pas comme une chemise. Nous parlons de la robe d’un cheval. Quel est le sens de cette apparence ? Trop souvent, on a voulu la réduire à une fonction déterminée par un regard extérieur - pour la reproduction par exemple. Prédécesseur de Prévost dans l’étude des « formes animales », le zoologiste suisse Adolf Portmann (1897-1982) affirmait au contraire son autonomie : la « présentation de soi » et l’expression appartiennent au déploiement de l’organisme.

L'apparence vivante est « inadressée » : sans doute est-elle souvent très visible, sans doute se donne-t-elle en droit « à voir », mais elle n’a pas besoin d’être vue - spectacle qui se passe de spectateur. L’allure singulière des créatures abyssales demeure cachée dans les ténèbres. Si l’apparence est « image en soi », elle n’est pas pour autant coupée de l’extérieur. S’établit, au contraire, entre le vert du feuillage et le vert du plumage du perroquet psittacidé, une intense résonance. Les niveaux de communication s’entremêlent en un feuilletage qui va « au-delà ou en deçà de tout seuil perceptif connu ou attesté », car « les hommes n’ont pas l’exclusivité du regard ». S’ouvre, entre des ordres sans continuité naturelle, une « étrange communauté » - un monde. Le cosmétique est cosmique. Prévost évoque « la sublime capacité des animaux à faire de la Terre une image ». Pour lui, « si nous autres humains faisons monde avec les animaux, ce n’est pas tant par le partage d’un patrimoine génétique, par une communauté biologique », mais par des « arrachements expressifs » mutuels. N'est-ce pas aux bêtes que nous empruntons, souvent, nos parures les plus flamboyantes ?


 

 




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