Romans


François Augiéras

Le Vieillard et l'enfant


1963
88 pages
ISBN : 9782707310002
12.70 €



Le Vieillard et l'enfant
a fait l'objet de quatre éditions successives. La première, publiée à compte d'auteur au cours des années 50-52 sous la signature d'Abdallah Chaamba, se présentait sous forme de trois opuscules qui furent adressés à diverses personnalités de la littérature et des arts. Cette édition ne fut pas mise dans le commerce. La deuxième, reprenant en un volume le texte des trois brochures, parut aux Éditions de Minuit en 1954. La troisième, établie en 1958 et sensiblement réduite par rapport à la précédente, fit l'objet par les soins de l'auteur d'un tirage hors commerce à deux cents exemplaires. La même édition, augmentée d'une préface de 1963, sera cette fois signée François Augiéras. Augmentée de la présente notice, c'est celle que le lecteur a sous les yeux.
François Augiéras est mort en 1971, à l'âge de quarante-six ans.
 
Souvent comparé à l'œuvre d'André Gide qui fut le premier à souligner " l'intense et bizarre joie qu'il éprouva à la lecture (et relecture) de ces pages remarquables entre toutes ”, cet ouvrage a été très remarqué au moment de sa sortie (1954), la presse s'étant beaucoup interrogée à la fois sur l'identité de l'auteur et sur la valeur autobiographique des textes. Il n'en reste pas moins que l'ensemble de l'œuvre d'Augiéras est passé inaperçu du vivant de son auteur, mais qu'en 1971 lorsqu'il est mort, Combat écrivait : “ Dans vingt ans, voire dix ans, on redécouvrira son œuvre, on comprendra son importance, on exaltera son message. Dans un monde de plus en plus matérialiste, des écrivains magiques comme Augérias seront de plus en plus nécessaire. ”

‑‑‑‑‑ Préface de la deuxième version ‑‑‑‑‑

(1963)
 
Au nord de l'oasis d'El-Goléa, parmi des palmeraies, dans une sorte de musée fortifié, j'avais habité chez un colonel en retraite dont j'étais l'esclave à peu près.
Ce colonel, pourtant, n'était pas si cruel qu'il ne me fit l'honneur, parfois, de s'entretenir avec moi des opinions qu'il avait, particulièrement de son mépris de toute survie dans la mémoire des hommes, et plus encore dans la mémoire d'un Dieu. Par une sorte de bonté il m'apprenait le français, tandis que grondait sourdement le début de la révolte algérienne ; un soir, je vis dans son regard comme une lueur de peur, et il arrêta là mes études.
Alors naquit dans mon esprit l'invincible croyance en la force des mots ; il y eut découverte d'un pouvoir et de ses conséquences dans le moment où j'étais humilié. Je devinai quelle victoire pouvait être la mienne ; je décidai de prendre l'univers à témoin d'une étrange affaire dans un musée du désert, d'en faire le récit, de crier ma détresse, et de me venger de la sorte d'un colonel en retraite parfaitement inhumain.
Art d'appel à l'origine ; illisibles, des pages entières écrites sous le ciel étoilé dans quelque coin de roche, plus qu'aux hommes, plus qu'au monde, ne s'adressant qu'à mon âme éternelle et qu'à Dieu. J'écrivis pour écrire, pour m'expliquer devant mon Créateur et mon Juge, l'affreuse humilité de ma condition, mon peu de confiance en mes talents d'écrivain, ma solitude ne me donnant pas trop l'espoir de retrouver jamais les autres hommes. Ma demi-délinquance achevait de me couper de tout ; j'écrivais pour Dieu, pour moi. J'avouais tout, ne m'adressant à personne.
Jusqu'au jour où une sorte d'orgueil me vint d'être aussi malheureux. Mes abominables carnets tirés de la plus sombre Afrique me parurent n'être pas sans valeur, une écriture hantée par le ciel étoilé pouvait plaire. Dieu demeurait silencieux, restaient les autres hommes. 

 




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