François-André Isambert
Le Sens du sacré
Fête et religion populaire
1982
Collection Le sens commun , 320 pages
ISBN : 9782707306272
15.09 €
L’intérêt soudain et récent pour la religion populaire est-il le signe d’un retour du sacré sous la forme d’une religion festive mésestimée par les nouveaux prêtres, ou bien est-ce la dernière arme utilisée par un catholicisme traditionaliste qui voudrait faire croire que les seuls obstacles à la spontanéité religieuse des classes populaires sont les réformes issues du concile Vatican II ? Il faudrait s’entendre. Et d’abord qu’est-ce que cette religion populaire que l’on imagine ? Celle des campagnes ou celle des faubourgs ? Celle du christianisme agro-monastique ou celle de la piété ultra-mondaine du siècle dernier ? Ne serait-ce pas aussi la marque en creux d’une certaine distinction spirituelle des pratiquants de classe moyenne, associée à la nostalgie d’une religion primitive des temps modernes ? La fête a été souvent tenue pour cette résurgence de l’archaïque, voire du chaos primitif. Ici encore, l’imaginaire social ne saurait être confondu avec la réalité des choses, même si elles mettent en œuvre l’imagination ? Noël et le jour de l’An se répondent comme le sacré et le profane, le recueillement et le déchaînement. Mais la fête, comme mixte, dose plus subtilement rapports sociaux, mises en scène, merveilleux et mystère. Rien qui ressemble à un sacré unique, ni même à une polarisation simple entre respect et transgression. C’est que la notion même de sacré fait question. Conçue comme concept sociologique par les durkheimiens pour unifier le champ de la religion, elle a été reprise depuis dans le discours religieux lui-même, en vue d’une apologétique cherchant à fonder l’idée de religion naturelle et universelle sur les sciences sociales. Or la notion du sacré est double. Ou bien elle signale seulement l’entrée d’un domaine dont elle ne dessine ni les limites ni le contenu. (Du bien on lui donne un sens précis qui est celui de la manifestation symbolique d’une domination hiératique. Le passage de l’un à l’autre sens conduit à une sorte de monothéisme honteux, faisant appel alternativement à l’expérience intime et aux puissances cosmiques, et auquel s’oppose une religion sans sacré et à caractère éthique. Face à cette polarisation, la sociologie religieuse a pour tâche d’une part de critiquer ses propres compromissions avec les acteurs sociaux des deux bords, d’autre part de faire valoir les formes multiples sous lesquelles les hommes et les groupes se donnent à penser, à célébrer et à affronter ce que ne leur donne pas l’expérience banalisée.
‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑
Introduction
Première partie : La religion populaire
Chapitre I. La religion populaire, mythe ou réalité ? : 1. La religion populaire fraîche et joyeuse – 2. Un vocabulaire incertain – 3. Vers une critique épistémologique
Chapitre II. Constitution d’un objet d’études : 1. La religion populaire des saints successeurs des dieux à Saint-Besse – 2. De Saint-Besse à Saint-Rouin – 3. Des rois thaumaturges au saint lévrier
Chapitre III. Le débat dans l’Église : 1. Controverses ecclésiastiques – 2. Les parties en présence – 3. Sociologie et stratégie
Chapitre IV. Y à-t-il une religion populaire dans la société française contemporaine ? : 1. Le produit d’une politique religieuse – 2. Deux catholicismes – 3. Dynamique sociale et subjectivité collective
Deuxième partie : La fête
Chapitre I. Chaos et ritualité : 1. De l’exubérance festive au chaos originel – 2. Ordre et subversion – 3. Fête et liturgie
Chapitre II. Pour une définition sociologique de la fête : 1. Le temps, le peuple, le héros – 2. Théorisation sociologique de la tête
Chapitre III. Le cycle des douze jours : 1. Rythmes et contrastes – 2. Fêtes de famille – 3. Consommation f estive et don rituel – 4. Du religieux au merveilleux
Troisième partie : Le sacré
Chapitre I. Les durkheimiens et le sacré : 1. La définition des phénomènes religieux – 2. Le sacré comme champ et comme propriété – 3. Sacré et société
Chapitre II. De la notion au concept : 1. Le sacré, notion commune – 2. Développements de l’idée du sacré – 3. Vers une conceptualisation sociologique
Chapitre III. À la recherche du sacré contemporain : 1. Religion du sacré et religion sans sacré – 2. Du cosmique à l’éthique
Conclusion