Le sens commun


Dario Gamboni

La Plume et le pinceau

Odilon Redon et la littérature


1989
Collection Le sens commun , 352 pages, 64 illustrations hors-texte
ISBN : 9782707313065
24.75 €


Ami de Huysmans et Mallarmé, “ interprète ” de Flaubert, de Baudelaire et de Poe, Odilon Redon (1840-1916) n’en affirme pas moins que l’art n’a rien à voir avec la littérature. Paradoxe ? juste mise au point ? réponse à ceux qui l’accusent d’être un “ peintre littéraire ” ? Une analyse serrée découvre sous cette apparente contradiction le résultat d’une véritable reconversion qui fait passer Redon de la collaboration étroite avec les écrivains décadents et symbolistes à la défense de l’autonomie et de la spécificité des arts visuels. Cette évolution se révèle à son tour symptomatique d’une crise des rapports entre artistes et écrivains qui accompagne au cours du dernier quart du XIXe siècle et du premier quart du XXe siècle, l’accession de la critique à un rôle déterminant dans le système moderne de consécration et de diffusion des œuvres d’art.
Cet ouvrage, qui conjugue réflexion méthodologique et recherche empiriques, renouvelle fondamentalement l’étude de l’œuvre et de la carrière d’Odilon Redon ; il comprend en annexe la transcription commentée d’une centaine de documents inédits éclairant ses rapports avec la littérature et les écrivains. Par l’analyse d’un cas exemplaire, il entend contribuer à l’histoire du symbolisme, de la critique d’art et de la réception de l’œuvre d’art tout en jetant les fondements d’une économie des relations entre les différentes pratiques culturelles.

‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑

Introduction – Chapitre 1 : Le mythe de l’artiste – Chapitre 2 : L’idéal du peintre poète et philosophe – Chapitre 3 : Conditions d’entrée dans le champ artistique – Chapitre 4 : Redon inventé par les littérateurs – Chapitre 5 : L’ Edgar Poe des arts graphiques  – Chapitre 6 : Un album lithographique et sa transposition littéraire – Chapitre 7 : Le Visage du mystère : iconologie et communication – Chapitre 8 : Étendue et limites du champ restreint – Chapitre 9 : La reconversion de Redon – Chapitre 10 : Interventions de l’artiste dans la critique – Chapitre 11 : Conflit et solidarité entre le pinceau et la plume – Conclusion – Annexe : Correspondance – Bibliographie – Index

‑‑‑‑‑ Extraits de presse ‑‑‑‑‑

Le  cas  Redon
Dans un texte en lui-même exemplaire par la rigueur, la précision et la logique de sa démonstration, Dario Gamboni analyse le  cas  Redon, en poursuivant deux buts, auxquels mènent des chemins croisés : la connaissance de Redon et l’étude des rapports entre art et littérature.
 
 En retournant aux sources et s’aidant des nouveaux instruments offerts par les sciences humaines, Gamboni corrige et approfondit notre vision de l’œuvre d’Odilon Redon (1840-1916). Son évocation du contexte culturel contribue à cette réévaluation, soit d’une période historique qui correspond à la fin des Salons officiels, aux débuts de la critique journalistique, au développement des moyens de reproduction et de diffusion. La critique littéraire ou artistique et l’illustration permettent de dégorger la profession de l’écrivain et de l’artiste, que la généralisation de la scolarité et l’alphabétisation rendent pléthorique – d’où la concurrence sévissant entre les romanciers, entre les peintres, mais aussi entre “ la plume et le pinceau ”.
D’autre part, les intérêts intervenant dans l’amitié qui unit Redon et des littérateurs comme Huysmans et Mallarmé suggèrent à l’auteur des réflexions qui éclairent jusqu’à la situation actuelle : comment un critique assure son autorité esthétique en démontrant la valeur prophétique de ses jugements, comment la (re)découverte d’un artiste lui permet d’associer durablement son nom à la réputation de ce dernier. C’est ainsi que Huysmans, sincère par ailleurs dans son admiration, s’est approprié l’art de Redon en arguant de la priorité de sa “ découverte ”, et a en outre utilisé la figure du peintre dans son roman À Rebours.
De cette emprise, Redon s’est finalement dégagé en opérant une “ reconversion ” esthétique à partir de 1890 : il émet alors des réserves à l’encontre des auteurs décadents et symbolistes, expurge son œuvre des références littéraires, rédige des textes afin de définir sa propre figure pour la postérité. Des récits autobiographiques qui nous apprennent qu’Odilon Redon, Bertrand-Jean à l’état civil, a réagi contre une nature compatissante et dolente par l’exercice du dessin, affirmé tard son originalité (après la mort de son père), rencontré Huysmans en 1882 et Mallarmé en 1885, auxquels l’a lié une étroite affinité.
Marqué par l’idéal wagnérien de l’union des arts, il a néanmoins procédé dans une deuxième phase de sa carrière à l’autonomisation de sa pratique picturale. Entachée de la notion passéiste de romantisme, l’œuvre de Redon, contrairement à celle de son contemporain Cézanne par exemple, est aujourd’hui goûtée comme une curiosité, enclave symboliste au sein de la modernité. Dario Gamboni propose de réviser cette appréciation... 
Laurence Chauvy (Journal de Genève, 18 novembre 1989)


 




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