Propositions


George Lakoff
Mark Johnson

Les Métaphores dans la vie quotidienne

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michel de Fornel avec la collaboration de Jean-Jacques Lecercle


1986
Collection Propositions , 256 pages
ISBN : 9782707310590
26.00 €


Dans la métaphore, on voit ordinairement un usage particulier, “ figuratif ”, du langage, propre à la poésie et à la rhétorique. Lakoff et Johnson critiquent ce point de vue ; ils montrent que notre langage tout entier, dans son usage le plus quotidien et terre à terre, est traversé par la métaphore. Il y a des aspects fondamentaux de notre expérience dont nous ne pouvons pas ne pas parler de façon métaphorique, tout simplement parce que les concepts au moyen desquels nous appréhendons ces aspects de l’expérience sont d’emblée métaphoriques.
Il y a métaphore, selon Lakoff et Johnson, lorsque nous appréhendons quelque chose – un aspect de la réalité – en termes d’autre chose. L’étude minutieuse de notre langage quotidien révèle que nous traitons le temps sur le modèle de l’espace, la discussion sur le modèle de la guerre, etc. Ces métaphores (largement culturelles) ne sont pas de simples façons de parler : elles sont constitutives de notre pensée, de notre expérience du monde, et informent ce que nous appelons la “ réalité ”.

‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑

Préface – Remerciements – Chapitre 1 : Ces concepts qui nous font vivre – Chapitre 2 : La systématicité des concepts métaphoriques – Chapitre 3 : La systématicité métaphorique : mise en valeur et masquage – Chapitre 4 : Les métaphores d’orientation – Chapitre 5 : Métaphore et cohérence culturelle – Chapitre 6 : Les métaphores ontologiques – Chapitre 7 : La personnification – Chapitre 8 : La métonymie – Chapitre 9 : La cohérence métaphorique à l’épreuve – Chapitre 10 : Quelques exemples supplémentaires – Chapitre 11 : La nature partielle de la structuration métaphorique – Chapitre 12 : Comment notre système conceptuel est-il fondé ? – Chapitre 13 : Le fondement des métaphores structurales – Chapitre 14 : La causalité : en partie émergente et en partie métaphorique – Chapitre 15 : La structuration cohérente de l’expérience – Chapitre 16 : La cohérence métaphorique – Chapitre 17 : Les cohérences complexes entre les métaphores – Chapitre 18 : Conséquences pour les théories de la structure conceptuelle – Chapitre 19 : Définition et compréhension – Chapitre 20 : Comment la métaphore peut donner sens à la forme – Chapitre 21 : La signification nouvelle – Chapitre 22 : La création de la similitude – Chapitre 23 : La métaphore, la vérité et l’action – Chapitre 24 : La vérité – Chapitre 25 : Les mythes de l’objectivisme et du subjectivisme – Chapitre 26 : Le mythe de l’objectivisme dans la philosophie et la linguistique occidentales – Chapitre 27 : Comment la métaphore révèle les limitations du mythe de l’objectivisme – Chapitre 28 : Quelques insuffisances du mythe subjectiviste – Chapitre 29 : L’alternative expérientialiste : donner une signification neuve aux vieux mythes – Chapitre 30 : La compréhension – Postface – Bibliographie

‑‑‑‑‑ Extrait de l’ouvrage ‑‑‑‑‑

Pour indiquer en quoi un concept peut être métaphorique et structurer une activité quotidienne, commençons par le concept de Discussion et la métaphore conceptuelle « La discussion c’est la guerre ». Cette métaphore est reflétée dans notre langage quotidien par une grande variété d’expressions :
Vos affirmations sont indéfendables. Il a attaqué chaque point faible de mon argumentation. Ses critiques visaient droit au but. J’ai démoli son argumentation. Je n’ai jamais gagné sur un point avec lui. Tu n’es pas d’accord ? Alors, défends-toi ? Si tu utilises cette stratégie, il va t’écraser. Les arguments qu’il m’a opposés ont tous fait mouche.
Il est important de se rendre compte que nous ne nous contentons-pas de parler de discussions en termes de guerre. Dans une discussion, nous pouvons réellement gagner ou perdre. La personne avec qui nous discutons est un adversaire. Nous attaquons sa position et nous défendons la nôtre. Nous gagnons ou nous perdons du terrain. Nous élaborons et mettons en œuvre des stratégies. Si nous nous trouvons dans une position indéfendable, nous pouvons l’abandonner et choisir une nouvelle ligne de défense. Une bonne partie de ce que nous faisons en discutant est partiellement structuré par le concept de guerre. S’il n’y a pas bataille physique, il y a bataille verbale et la structure de la discussion – attaque, défense, contre-attaque, etc. – reflète cet état de fait. C’est en ce sens que la métaphore « La discussion c’est la guerre » est l’une de celles qui, dans notre culture, nous font vivre : elle structure les actes que nous effectuons en discutant.

Jean-Claude Chevalier (La Quinzaine littéraire, 15 juillet 1986)

« (…) Bizarre aussi le livre de Lakoff et Johnson : un parti-pris de marginalité qui vise au centre. Curieux travail écrit à la diable par un philosophe et un linguiste célèbre qui ramassent au chalut, tout alentour, des milliers de métaphores sous la perception que “ la métaphore est partout présente dans la vie de tous les jours, non seulement dans le langage, mais dans la pensée et l’action ” et sous l’hypothèse plus précise que “ la plus grande partie de notre système conceptuel ordinaire est de nature métaphorique ”. Et que certaines sont spécialement obsessives comme la bataille ou le conduit (on s’en doutait), l’assimilation de la création et de la naissance, du haut et de la bonne qualité, etc. En somme, chaque expérience physique aurait lieu sur un crible (ou un fond ? ou un fonds ? ) de présupposition culturelle inscrite dans le sens littéral des métaphores. Ceci à référer à une “ théorie des prototypes ”, selon quoi nous catégorisons non selon des ensembles, mais selon des types de base.
Le plus curieux est que les auteurs présentent comme un paradoxe scandaleux – et qui l’est sans doute outre-atlantique où l’on s’enferme volontiers dans l’absolu des sens – un type d’approche procédurale qui, ici, incline plutôt vers le truisme – ce qui ne signifie pas qu’il s’agit d’une vérité reçue. Si nous lisons ce travail avec tant d’intérêt, c’est qu’il a pour nous un charme ethnologique et – implicitement – épistémologique : saisir sur le vif les mille formes de l’imaginaire des scientifiques américains, ses ruses, ses masquages, les pouvoirs qu’il concède au langage. Et ses aveuglements culturels : si Ricœur semble avoir été feuilleté, nulle trace de Bachelard. Tout de même, en un pareil sujet... »

 




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