Marc Wolf. Chercheur scientifique. Médaille de bronze de l'université. Spécialiste des électrons dans les métaux. Arrivé à quarante-deux ans, commence à voir des électrons partout. Sans le moindre morceau de métal, par milliards, grouillant en tous sens à très grande vitesse. Il y a aussi les jambes de la bibliothécaire sous la table. Et en face de la bibliothécaire deux barbus qu'il supporte de plus en plus mal. L'un c'est Jean Perrin, l'autre Ludwig Boltzmann.
Le drame se précipite lorsqu'un collègue croit découvrir dans un des premiers articles de Wolf une erreur de signe. Dans le train de la ligne de Sceaux qui devrait le mener à son laboratoire, Wolf refait le calcul.
Michèle Bernstein (Libération, 20 janvier 1983)
Un héros qui perd la tête, c'est triste ; un héros qui perd la boule quand la boule est pleine de courbes et d'équations, c'est à se tenir les côtes. Bref, j'ai bien ri en lisant La Ligne de Sceaux (...) Daniel Schiff explore brillamment ce matériel sous-exploité : l’humour mathématique. Dans le contrepoint du jargon professionnel et des angoisses ordinaires du frustré-analysé (ses problèmes de cœur et de lit, son vieux papa dans une maison de santé, l'amertume naturelle des jours et la laideur des collègues), un courant formidable passe.
Michel Nuridsany (Le Figaro, 26 janvier 1983)
Si l'on s’en tient à l'intrigue de la Ligne de Sceaux c'est en gros celle de La Défense Loujine de Nabokov (...) Mais l'intrigue occupe finalement assez peu de place dans ce roman plutôt court qui est, à mon avis, l’une des révélations de ce début d'année littéraire. “ L'intrigue c'est le style ”, disait justement Nabokov. Le style de Daniel Schiff est fait de phrases très courtes, conçues musicalement, avec les virgules qui sautent souvent – question de rythme – le sujet la plupart du temps supprimé pour mieux syncoper la phrase. Manière de fragmenter la langue, l’écrit, comme d'autres fragmentent la matière. Cette façon d'aérer la phrase, de l'atomiser, donne à ce roman qui introduit avec une force, une compétence, qui surprennent, la science dans l'univers littéraire, une sorte de poudroiement fait des réflexions, des souvenirs et des fantasmes mêlés du personnage nommé Wolf. (…)