Ce qu’il s’agit d’analyser, d’ausculter, c’est ce que Walter Benjamin, en 1929 déjà, décrivait comme un espace chargé à cent pour cent d’images. Autrement dit : cette visibilité saturée qui nous arrive de partout, nous entoure et nous traverse aujourd’hui.Un tel espace iconique est le produit d’une histoire : celle de la mise en circulation et de la marchandisation générale des images et des vues. Il fallait ébaucher sa généalogie, depuis les premiers ascenseurs ou escalators (ces travellings avant la lettre) jusqu’aux techniques actuelles de l’oculométrie traquant les moindres saccades de nos yeux, en passant par le cinéma, grand chef d’orchestre des regards.Mais, sous-jacente à cette innervation du visible, il y a une économie propre aux images : ce qu’on tente d’appeler leur iconomie. Deleuze l’avait entrevue lorsqu’il écrivait, dans des pages inspirées par Marx : « l’argent est l’envers de toutes les images que le cinéma montre et monte à l’endroit ». Une phrase que l’on n’entendra dans toute sa portée ontologique qu’à condition de se souvenir que « cinéma » veut aussi dire ici : « l’univers ».C’est pourquoi, tout en se laissant guider par des séquences d’Hitchcock, de Bresson, d’Antonioni, de De Palma ou des Sopranos, ces pages voudraient frayer la voie qui conduit d’une iconomie restreinte à ce qu’on pourrait nommer, avec Bataille, une iconomie générale.
Peter Szendy
ISBN
PDF : 9782707343505
ePub : 9782707343499
Prix : 13.99 €
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Emmanuel Burdeau, Le Nouveau Magazine Littéraire, janvier 2018
Monnaie de songe
Une méditation sur « l’iconomie » : du cinéma considéré comme un marché où s’échangent les images.
Peter Szendy est philosophe et musicologue. Écoute et Membres fantômes l’ont fait connaître il y a une quinzaine d’années. Puis son travail est devenu moins musicologique et plus philosophique, notamment avec Kant chez les extraterrestres. Il n’en est pas moins resté musicien. Autant dire très théorique et très sensible à la fois. Assez élastique pour passer d’un thème majeur à ses variations nombreuses. Épris d’idées, et surtout des textes, de leur matérialité et de leur infini détail. Peter Szendy a un timbre, et sa pensée n’est pas sans pouvoir d’enchantement. On le lit donc avec bonheur, y compris lorsque l’analyse des œuvres se fait trop sinueuse, ou que la philosophie pourrait sembler trop philosophante.
Le thème du Supermarché du visible est simple, bien que double : le cinéma est devenu mondial, et les images s’échangent comme une monnaie. Iconomie est le nom que l’auteur suggère de donner à l’étude de cette équivalence. Les variations sont de trois ordres. Ce sont des phrases, principalement de Gilles Deleuze et de Walter Benjamin. Ce sont des films, de Bresson ou de De Palma, des Marx Brothers ou d’Antonioni, présents tantôt dans le corps du livre tantôt en « Suppléments ». Et ce sont des techniques, de l’escalator à l’ascenseur jusqu’aux dispositifs oculométriques monnayant carrément les mouvements du regard. Le ton, quasi oral, est celui de rois conférences prononcées aux États-Unis. On n’en conclura pas que la musique est toujours douce : le propos szendyen est intégralement politique.
Du même auteur
- Écoute, une histoire de nos oreilles, 2001
- Membres fantômes, 2002
- Les Prophéties du texte – Léviathan, 2004
- Sur écoute. Esthétique de l'espionnage, 2007
- Tubes. La Philosophie dans le juke-box, 2008
- Kant chez les extraterrestres, 2011
- À coups de points, 2013
- Le Supermarché du visible, 2017
- Pour une écologie des images, 2021
- La Voix, par ailleurs. Ventriloquie, Bégaiement et autres accidents, 2023
Livres numériques
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