Arguments


Danielle Trudeau

Les Inventeurs du bon usage

(1529-1647)


1992
Collection Arguments , 224 pages
ISBN : 9782707314109
22.40 €


En 1529, Geoffroy Tory invite les grammairiens à lutter contre les “ corrompeurs ” de la langue française. Cent vingt ans plus tard, Vaugelas présente la cour comme l’unique école du bon usage et le courtisan comme l’oracle de la pureté linguistique. Entre ces deux dates s’est constitué un nouveau champ de réflexion qui a pour objet la langue vulgaire et d’où sont sortis des grammaires, des dictionnaires, des traités de rhétorique et, bien sûr, de nombreux commentaires sur “ le bon langage ”. Ces ouvrages soulèvent la question de la langue légitime, attribuant d’emblée l’autorité sur l’usage tantôt aux savants, tantôt aux courtisans ou aux “ doctes personnages ” qui administrent la chose publique. Une rhétorique de la légitimité du langage se façonne à la faveur de ces discussions sur le bon usage. Elle se poursuivra jusqu’à notre époque. Cette étude fait l’archéologie de nos pratiques langagières et des discours qui les accompagnent.

‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑

Introduction.

1. À la recherche du français originel : De l’éloquence vulgaire – Champ Fleury – La langue française primitive – L’archétype de la langue vulgaire – Maternel françois.

2. Écrivains et courtisans : Pluralisme et réalisme linguistique – La langue de la cour – Le champ littéraire – Estienne Pasquier – Discours  mélancolique .

3. L’ordre de l’usage : Le concept de nayve françoeze – Le peuple, la cour et le grammairien – Robert Estienne – Devis de la langue françoyse.

4. La grammaire gauloise de Pierre de la Ramée : La langue des anciens Gaulois – Anomalies et élégances de la langue française – L’usagevray.

5. Henri Estienne et la pureté de la langue : L’origine du français selon Henri Estienne – Les dialectes – La langue de Paris et l’usage commun – L’école de la cour.

6. La tyrannie de l’usage commun : Que veut-il dire ? – Fureur poétique et labeur épineux – L’épuration du vocabulaire – L’usage – Du groupe de Conrart à l’Académie – La succursale de la cour.

7. La doctrine du bon usage en 1647 : Individu et collectivité – Raison de l’usage – Une économie de la parole – La “naïveté” – L’opposition à Vaugelas – Conclusion.

Appendice : Dante – L. Valla – N. Machiavel – C. de Bovelles – E. Pasquier – P. de la Ramée – H. Estienne – C. Vaugelas.

Index des noms.

‑‑‑‑‑ Extrait de l’introduction ‑‑‑‑‑

Le bon usage nous intéresse dans la mesure où il donne lieu à un discours que nous proposons d’observer ici : dans son évolution, parce qu’on ne peut pas nier qu’il se modifie au cours des cent vingt années que nous lui assignons comme période de vie ; dans ses rapports aussi avec les mœurs, les institutions, les structures politiques et sociales, parce que nous reconnaissons qu’il est historique ; mais avant tout, nous voulons l’observer dans ses rapports avec lui-même, dans la dialogie qui s’institue entre les textes normatifs, dont l’écho s’amplifie du printemps à l’automne de la Renaissance et qui livre à notre réflexion un certain  homme de la Renaissance , l’intellectuel moderne à l’état  natif , avec ses valeurs, ses intérêts, ses obsessions, ses délires. (...) L’intérêt du bon usage ne réside pas seulement dans le contenu des prescriptions, mais aussi dans l’existence de discours ayant pour objet l’éthos linguistique, et d’un public disposé à recevoir de tels discours. Si nous nous reportons à la période actuelle, nous apercevons mieux la pertinence de cette remarque et d’un retour sur les origines de la notion de bon usage : la crise du français dont nos puristes nous alertent de manière chronique depuis bientôt un demi-siècle n’est pas autre chose que la disparition au sein du public, non de la discipline du langage, mais de la disposition à investir dans une seule des formes que peut prendre cette discipline les chances d’intégration ou de réussite de l’individu. C’est donc aussi afin de comprendre quelle forme particulière a pris la discipline du langage parmi les francophones d’aujourd’hui qu’il convient de rendre leur plein contenu aux traités grammaticaux de la Renaissance qui en ouvrent l’ère.


 




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