Pascal Engel
La Dispute
Une introduction à la philosophie analytique
1997
Collection Paradoxe , 256 pages
ISBN : 9782707316103
28.00 €
Que recouvre exactement la division entre la philosophie de type “ analytique ” et la philosophie de type “ continental ”, qui se fait sentir dans les thématiques, mais plus encore dans les méthodes et le style des philosophes d’aujourd’hui ? Est-elle inéluctable ? Analyphron, un partisan de la première, et Philoconte, un partisan de la seconde, en débattent ici à travers un dialogue qui les conduit des origines du courant analytique jusqu’aux développements contemporains, qui semblent consacrer une dissolution des idéaux des fondateurs de cette tradition, et obligent à en repenser le sens. Analyphron se laissera-t-il ébranler par les objections de son adversaire ? Peut-être ne parviendront-elles pas à s’accorder, mais du moins ils pourront avoir une idée plus claire de ce sur quoi ils sont en désaccord : Philoconte doute que la philosophie puisse encore incarner des normes idéales de vérité et de rationalité ; Analyphron, pour sa part, n’est pas prêt à renoncer à ces normes.
‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑
Avant-propos de Mésothète – Prologue – Premier dialogue : Origines – Deuxième dialogue : Viennoiseries – Troisième dialogue : Oxbridge – Quatrième dialogue : Diaspora – Lettre d’Analyphron à Philoconte sur les paradoxes, énigmes, et expériences de pensée. Réponse de Philoconte. Réponse d’Analyphron – Cinquième dialogue : Philosophes malgré tout – Index nominum – Index rerum – Références
‑‑‑‑‑ Extrait de l’avant-propos ‑‑‑‑‑
À en croire la rumeur, les philosophes d’aujourd’hui se divisent en deux catégories. Les uns se font appeler philosophes analytiques et prétendent s’opposer à ceux qu’ils appellent philosophes continentaux. Cette dernière appellation vient, je crois, du fait que les premiers pratiquent surtout outre-Manche où, comme on sait, on appelle continental tout ce qui n ‘est pas sur les Iles britanniques (on aime à citer le titre d’un quotidien anglais : Brouillard sur le Channel : le Continent isolé ). Mais, par extension, les Américains du Nord, et même les Australiens et les Néo-Zélandais, semblent se ranger du côté des Britanniques. En sorte que, selon ce critère géographique, les philosophes continentaux seraient tous ceux qui sont sur le continent européen, à l’exception de l’Angleterre et de ses anciennes colonies. J’avoue mal comprendre pourquoi il y aurait une telle différence entre les philosophes de l’un ou de l’autre bord du Channel. Nous ne sommes tout de même plus à l’époque de Voltaire, qui dans ses Lettres philosophiques remarquait que tout ce qui vient d’Angleterre est suspect pour la police du Roy. Il v a bien longtemps que les Français et les Allemands ont intégré la philosophie de Locke et de Hume, tout comme les Anglais celle de Descartes. La philosophie ne peut tout de même pas être si différente selon la géographie ! Que le climat d’un pays ou son petit déjeuner soit continental passe encore, mais sa philosophie ? Et que peut bien vouloir dire le terme analytique dont s’affublent ces gens ? Toute philosophie n’est-elle pas analyse ? Et n’est-elle pas aussi synthèse ? Aussi me suis-je demandé si cette fameuse philosophie analytique n’était pas tout simplement encore une nouvelle secte, comme aiment à en créer à périodes répétées les membres de cette curieuse confrérie des philosophes qui, faute d’avoir, comme les scientifiques, des objets et des méthodes fiables, se contentent de s’inventer des querelles fictives pour maintenir leur profession active et épater le chaland. Je me suis demandé quelles merveilles pouvait bien contenir cette philosophie analytique qui fassent qu’elle puisse ainsi se distinguer de la philosophie tout court. J’eus la chance d’assister, récemment, à des dialogues entre un membre de cette secte et un philosophe que l’autre appelait continental .
Je présenterai brièvement les deux protagonistes de ces conversations. L’un, Analyphron, qui se veut philosophe analytique, après des études classiques à Paris, a ensuite séjourné aux États-Unis, et en est revenu définitivement converti aux méthodes et au style de pensée des philosophes locaux. Il manifeste une certaine agressivité contre tout ce qui, de près ou de loin, est continental . L’autre, Philoconte, a reçu la même éducation à Paris, mais il n’a jamais été tenté par ce qui se passait outre-Manche ou outre-Atlantique.