Monique Wittig
Jeanne d’Arc, ou plutôt Jeanne Rommée, car dans mon pays les filles prennent le nom de leur mère
Présentation de Théo Mantion
2025
112 pages
ISBN : 9782707357113
13.50 €
Monique Wittig compose le scénario de Jeanne d’Arc, ou plutôt Jeanne Rommée, car dans mon pays les filles prennent le nom de leur mère dans les années 1980 à partir des paroles prononcées par Jeanne lors du procès de Rouen (1431). Le film met en scène son entraînement clandestin au moment où le pays est aux mains des Anglais et des Bourguignons. Tandis que sainte Catherine lui apprend l’histoire, la stratégie, la tactique, la géographie, l’entraînement physique, l’équitation, l’art de la lance et de l’épée, sainte Marguerite se chargera de lui enseigner les manières et l’attitude, à la cour comme à la guerre.
L’écriture du scénario est achevée en 1988 et Sande Zeig, Delphine Seyrig et Julie Christie sont pressenties pour les rôles principaux. Si le film ne voit finalement pas le jour, Wittig n’en prendra jamais totalement congé, évoquant jusque tard dans les années 1990 son désir de le transposer en livre. Demeuré inédit, ce scénario vient désormais s’ajouter à la liste de ses œuvres. Monique Wittig (1935-2003) publie son premier roman L’Opoponax en 1964 et reçoit le prix Médicis. En 1968, elle participe aux évènements de mai puis joue un rôle majeur dans l’émergence du mouvement de libération des femmes. Elle publie Les Guérillères en 1969, Le Corps lesbien en 1973. Le Brouillon pour un dictionnaire des amantes, écrit avec Sande Zeig, paraît en 1976, année de son départ aux États-Unis où elle enseigne dans plusieurs universités. Son quatrième roman, Virgile, non, est publié en 1985. Suivent Paris-la-politique et autres histoires en 1999 et La Pensée straight en 2001. Le Chantier littéraire, livre posthume, a paru en 2010.
ISBN
PDF : 9782707357137
ePub : 9782707357120
Prix : 9.49 €
En savoir plus
Article de Marie Kirschen paru dans Les Inrockuptibles le 5 novembre
Jeanne d’Arc, figure queer et féministe sous la plume de Monique Wittig
Un nouvel inédit de l’autrice de “L’Opoponax” : le scénario d’un film autour de la figure de la “pucelle d’Orléans”.
Un geste de réappropriation queer et féministe d’une figure cooptée par l’extrême droite.
Au cours des années 1980, Monique Wittig se lance dans un cycle de réinterprétations de grands textes. Il y a La Divine Comédie de Dante qui inspire son Virgile, non (Minuit, 1985). Le Don Quichotte de Cervantès, devenu une figure “guerrillère” et lesbienne, mis en scène au théâtre dans Le Voyage sans fin, la même année. Et puis ce troisième essai, jusqu’ici resté dans les cartons et aujourd’hui opportunément publié par les éditions de Minuit : un scénario basé sur la vie de Jeanne d’Arc, pour un film au titre à rallonge, Jeanne d’Arc, ou plutôt Jeanne Rommée, car dans mon pays les filles prennent le nom de leur mère.
Wittig aspirante cinéaste ? Son intérêt pour le grand écran ne devrait pas nous surprendre, détaille Théo Mantion, doctorant en littérature à Harvard qui signe la présentation de l‘ouvrage. “Elle confie en avoir subi l’influence dans tous ses écrits, s’étant très tôt intéressée aux recherches menées par les réalisateurs de la Nouvelle Vague et caressant dès 1964 le désir d’investir, un jour, le septième art”, rappelle celui qui a aussi établi le recueil de textes wittigiens inédits, avec la chercheuse Sara Garbagnoli, Dans l’arène ennemie (Minuit, 2024).
Un modèle d’émancipation féministe
Pour son Jeanne d’Arc, Wittig envisage sa compagne, Sande Zeig, pour le rôle principal, et Delphine Seyrig et Julie Christie dans les rôles des saintes Catherine et Marguerite, les deux voix qui “parlent” à la guerrière, ici bien faites de chair et d’os. Dans sa note d’intention, l’autrice mentionne les travellings de Down by Law de Jim Jarmusch, le style de La Belle et la Bête de Cocteau, évoque des sessions de travail avec André Téchiné et envisage un “film inusuel”, non un récit d’événements ordonnés, mais une “superposition d’hypothèses”.
La théoricienne féministe se concentre, pour son récit, sur l’entraînement clandestin suivie par Jeanne d’Arc, que l’on voit ici formée à la pratique militaire par ces voix faites femmes. L’enjeu est bien sûr de battre en brèche l’imagerie de la simple bergère, captée et confisquée par l’Église et par les nationalistes de tous bords, alors que Jean-Marie Le Pen prend l’habitude de faire défiler ses partisan·es au pied de la statue de la combattante. Sous la plume wittigienne, Jeanne d’Arc se fait guerrière têtue, modèle d’émancipation féministe, systématiquement en habit d’hommes et ainsi libérée de l’assignation à un “devenir femme” enfermant – Wittig insiste sur ce point.
Une icône crypto-lesbienne subversive
Tout au long du texte, on voit la chevaleresse dans des sessions menées par ses saintes protectrices, monter à cheval, manier l’épée, endosser l’armure, dresser des échelles… L’autrice tisse un lien presque charnel entre ces trois personnages féminins évoquant “des regards, des attouchements, des accolements, des approches” qui “doivent maintenir une tension de désir constante”. Bref, Jeanne est réinventée en icône crypto-lesbienne subversive. Et pour rester au plus près de la voix de son héroïne, Monique Wittig emprunte la plupart de ses dialogues (à commencer par le titre) aux phrases prononcées par celle-ci lors de son procès en 1431.
En pré-production dans la seconde moitié des années 1980, le long métrage sera finalement arrêté faute de financements, sans que l’écrivaine n’abandonne totalement l’idée de réinvestir le sujet sous une autre forme. Quant au cinéma, elle y touchera finalement en tant que scénariste de la fiction réalisée par sa compagne, The Girl, sorti en 2000, trois ans avant sa mort.
Du même auteur
- L’Opoponax, 1964
- Les Guérillères, 1969
- Le Corps lesbien, 1973
- Virgile, non, 1985
- Dans l'arène ennemie, 2024
- Jeanne d’Arc, ou plutôt Jeanne Rommée, car dans mon pays les filles prennent le nom de leur mère, 2025
Poche « Double »
Livres numériques
- Les Guérillères
- L'Opoponax
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- Les Guérillères
- Le Corps lesbien
- Dans l'arène ennemie
- Virgile, non
- Jeanne d’Arc, ou plutôt Jeanne Rommée, car dans mon pays les filles prennent le nom de leur mère
