Romans


Éric Chevillard

Les Absences du capitaine Cook


2001
256 pages
ISBN : 9782707317346
18.50 €
25 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille


De James Cook, dont le navire The Adventure quitta Plymouth pour les mers australes le 13 juillet 1772, qui découvrit la Nouvelle-Zélande et Tahiti, navigateur infatigable et digne de Napoléon pour l'esprit de conquête, affichant d"ailleurs le même petit air fat et borné, il ne sera pour ainsi dire pas question dans ce livre, comme son titre très honnêtement nous en avertit. C’est jouer franc jeu. En revanche, comme partout où le capitaine Cook n’osa s’aventurer par crainte de trop grands périls, on y rencontrera notre homme, curieux personnage, comme chez lui dans ces contrées où tout peut arriver : deux femmes naître attachées par les cheveux et traverser l’existence ainsi sans se soucier l’une de l’autre, un vieux préhistorien perdre la mémoire de tous les événements postérieurs au paléolithique, ou encore un ermite distrait périr par noyade dans les sables du désert.

ISBN
PDF : 9782707328687
ePub : 9782707328670

Prix : 8.99 €

En savoir plus

Fabrice Gabriel (Les Inrockuptibles, 13 février 2001)

Et vogue le navire
Plongé dans l’univers délirant, déconnant et poétique d’Éric Chevillard avec Les Absences du capitaine Cook : faux roman d’aventures et vrai labyrinthe digressif.
 
« (…) De fait, tout arrive dans les contrées étranges d’un récit qui emprunte les codes romanesques pour mieux les subvertir, à force de retard, détours et digressions infinies. Il y a certes des chapitres, et même pour les ouvrir de petits résumés ironiquement désuets qui nous en annoncent le contenu. Il y a également un personnage principal, l’anonyme " notre homme ”, dont les multiples métamorphoses vont servir de fil directeur à notre expédition dans les terres inconnues du livre.
Mais sitôt qu’on se lance à l’aventure, il faut admettre qu’on est perdu : une tulipe devient cuillère à soupe, bientôt arrivent le lynx, le nénuphar, puis toute une ménagerie où trouvent place “ notre gros cousin cardiologue ”, l’énigmatique Maël l’ermite ou Asia Lambre, la danseuse voisine d’Homère et de Cro-Magnon. On voyage : il y a de vrais rois, un empire, des plaisanteries, des aphorismes, une liste de dictionnaires, tel chapitre qui “ résume assez bien la situation ”, tel autre qui “ contient quelques obscurités ” ou parfois “ relance opportunément l’action ”. Il y a quelque chose d’absolument irrésistible dans l’immense coq-à-l’âne qui sert de trame au livre. Plus encore que dans ses ouvrages précédents, l’auteur - “ notre homme ” ? – s’amuse en effet des attentes du lecteur : tandis qu’on espère inconsciemment une identification possible, une intrigue cohérente, le confort de personnages familiers, Chevillard bifurque vers d’hallucinantes considérations sur l’invention de l’escalier, la première girafe qui foula le sol de France ou la musique cristalline du crapaud… Ce pourrait être n’importe quoi, s’il n’y avait cette délectable cohérence décalée de l’humour pour donner à tant de pages leur unité.
L’écriture de Chevillard se joue ainsi de la logique pour dynamiter le supposé mimétisme du roman “ miroir du monde ” : tout est affaire de langue, quand les métaphores sont prises au pied de la lettre et qu’un imaginaire délirant se substitue aux sacro-saints effets de réel.
Les Absences du Capitaine Cook est en ce sens un titre parfait, qui annonce le recensement de tous les oublis de la fiction. (…) »

Jean-Baptiste Harang (Libération, 15 février 2001)

Chevillard, son Cook faire rire
 
« (…) Éric Chevillard a tant travaillé pour que ses livres ne soient pas des romans qu’à la toute fin il s’applique pour qu’ils en aient l’air, un titre d’Odyssée (James Cook), deux parties inégales, indifférentes, mitoyennes et consécutives, trente-trois chapitres (17 + 16) qualifiés par une proposition relative (Chapitre premier Qui ne s’embarrasse pas de détails, Chapitre deuxième Qui arrive à point nommé, Chapitre troisième Où le drame brutalement se noue…)et résumés en quelques lignes que viendra contredire immanquablement le chapitre lui-même, dites un nombre, douze ? D’accord : “ Chapitre douzième Qui réserve quelques surprises. Dont un véritable coup de théâtre. Emprisonné pour ses nombreux méfaits dans une étroite cellule percée d’une fenêtre unique solidement grillagée, notre homme n’y aura pas croupi longtemps, le soir même il s’en évadait en construisant avec le sommier de fer de son lit une cage au centre de la pièce, dans laquelle il ne tient que recroquevillé, le menton sur les genoux ”, en fait le chapitre douze raconte le séjour d’Asia Lambre à l’hôpital, et la visite de son père, Victor, qu’elle ne reconnaît pas (“ De toute évidence sa barbe et ses moustaches sont fausses. Il porte une perruque et de grosses lunettes d’écaille aux verres neutres – précautions nécessaires : Victor est en effet activement recherché par la police qui le soupçonne d’être l’auteur d’un vol de postiches commis ce matin même dans un magasin de farces et attrapes de la ville ”), dans la chambre voisine notre homme (le héros, si l’on peut dire, s’appelle “ notre homme ”, vous avez vu), blessé, se débat entre la vie et la mort (“ vaine dispute, chacune restant butée sur ses positions, aucune conciliation possible, il préfère ne pas prendre parti et conserver envers l’une et l’autre une saine distance critique ”), il se replie sur lui-même au point de devenir, non pas une cocotte en papier, mais une boule sans orifice où “ la douleur curieusement persiste ”.
À votre place, on aurait plutôt choisi le chapitre dix. C’est vous qui voyez. D’abord parce qu’il suit le chapitre neuf (les chapitres sont dans l’ordre croissant des nombres entiers, à commencer par le chapitre un) où dans un livre qui manque cruellement de destins on vous expédie le vôtre en exactement dix lignes marabout : “ C’était un homme sans histoire, lui aussi non plus, né la tête d’abord, bordé dans un lit frais frétillant petit écolier, lié fort à son grand-père, perdant lequel très malheureux, redoublant du coup sa septième, aimé de la voisine d’en bas, bassiste ou batteur des Rebelles, belligérant en Algérie, ridicule en frac de mariage, agent d’affaires, fertile papa de fillettes, éthylique hélas, aspirant force cigarillos, hospitalisé d’urgence, enseveli trois jours plus tard, arrête-toi passant et prie. ” Privée ainsi de son contexte, la biographie peut paraître cavalière, vous l’y verriez : c’est pire. Ensuite parce qu’il est suivi par le onzième chapitre qui s’ouvre sur une des plus belles pages du livre, dite “ de la petite feuille ovale et légèrement convexe du buis ” (on peut la lire au téléphone pour se faire des amis). En fin parce qu’il (le chapitre dix) contient la coïncidence promise, celle qui fait douter de l’inexistence de Dieu. (…) »

 




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