Paradoxe


Pierre Bayard

Hitchcock s'est trompé


2023
176 pages
ISBN : 9782707349262
18.00 €


Il est impossible de croire sérieusement, comme les deux héros du célèbre film d’Hitchcock Fenêtre sur cour, que leur voisin aurait tué sa femme, puis l’aurait découpée en morceaux devant les fenêtres ouvertes d’une trentaine d’appartements.
Mais leur délire d’interprétation n’a pas pour seule conséquence de conduire à accuser un innocent. Il détourne l’attention d’un autre meurtre – bien réel celui-là – qui est commis devant les spectateurs à leur insu et mérite l’ouverture d’une enquête.

ISBN
PDF : 9782707349286
ePub : 9782707349279

Prix : 12.99 €

En savoir plus

Emmanuelle Giuliani, La Croix, 14 décembre 2023

Maître du suspense... ou de la mystification ?

Fidèle à sa manière, Pierre Bayard décrypte le génial Fenêtre sur cour d'Hitchcock afin d'en déconstruire l'intrigue et les conclusions

Pour lire et apprécier en toute connaissance de plans, de dialogues et de rebondissements le nouvel opus de Pierre Bayrd, il est fortement conseillé de voir ou revoir le formidable Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock, sorti sur les écrans américains en 1954 (1955 en France). Même si l'auteur consacre les 50 premières pages de cet essai brillant, parfois un brin agaçant, convaincant souvent, à en raconter l'histoire et la manière dont elle se déroule sous nos yeux, rien ne vaut une immersion au coeur des images. Sans négliger la fabuleuse bande-son dont la maestria contribue hautement au plsir de spectateur...
Une fois rappelée cette affaire de meurtre domestique surpris par Jeff, photographe immobilisé par une fracture de la jambe, dans l'appartement face au sien, Pierre Bayard lance l'assaut. Examinant avec minutie les situations et leurs enchaînements, les répliques et les silences, les doubles sens et les certitudes trop vite acquises, il entreprend de détricoter la construction policière que Jeff (James Stewart parfait de charme inquiet), son élégantissime fiancée Lisa (Grace Kelly à l'apogée de sa beauté) et son infirmière Stella (Thelma Ritter au franc-parler ironique) échafaudent pas à pas.
Mobilisant ses connaisances de professeur de littérature et son expérience de psychanalyste, Pierre Bayard confronte le réalisateur, ses personnages - dont il questionne l'autonomie face à leur créateur - et, bien entendu, le spectateur, à ce qu'il considère comme une vaste mystifiation. Fondé sur une mécanique collective, le scénario de Fenêtre sur cour se précipite avec enthousiasme au-devant de conclusions hâtives qui, si elles n'étaient pas fictionnelles, conduiraient au désastre de la condamnation d'un innocent. Constat qui invite à considérer d'un oeil plus attentif l'adhésion facile à des théories farfelues, voire à des "délires d'interprétation" relevant de la psychiatrie...
Certes, Pierre Bayard se pose en critique lucide face à des foules cinéphiles aveugles, ce qui titille tout de même un peu la fierté du lecteur... Mais la démonstration séduit par son intelligence, la logique de son argumentation et une pointe d'humour fort plaisante. Comme il le fit pour Le Chien des Baskerville ou Le meurtre de Roger Ackroyd, le fin limier nous convie à partager la jouissance de débusquer les faux-semblants. Une conversion intellectuelle et esthétique d'autant plus palpitante qu'elle concerne un chef-d'oeuvre dont le rayonnement repose en large part sur sa perfection formelle et le charisme de ses comédiens. Au-delà de son intrigue.



Marie Richeux, "Le Book Club" France Culture, 13 novembre 2023

 

Pierre Bayard contre-enquête

Ecouter l'émission

 

 

Gérard Lefort, Les Inrockuptibles, 13 octobre 2023

Et si le chef-d’œuvre d’Hitchcock, “Fenêtre sur cour”, avait tout faux ?

Dans “Hitchcock s’est trompé”, Pierre Bayard s’empare de “Fenêtre sur cour” pour démontrer que tout le monde a raté sa vérité cachée. Le crime était presque parfait, mais n’était pas celui qu’on croyait. Un récit touffu, haletant, fougueux et d’une drôlerie intrinsèque, qui se dévore comme un bon polar.

Quel nuage de mouches a fondu sur Pierre Bayard et l’a piqué au vif pour qu’il se décide à écrire un essai dont le titre est déjà tout un programme, à la fois intriguant et provocateur : Hitchcock s’est trompé (éd. Minuit) ? Et singulièrement, comme le précise le sous-titre, à propos de Fenêtre sur Cour, un de ses chefs-d’oeuvre sorti aux États-Unis en 1954 ? 69 ans plus tard, l’auteur se lance donc dans une contre-enquête dont il ressort que non seulement des millions de spectateurs et une palanquée de critiques se sont trompés sur le fin fond du film mais aussi Hitchcock lui-même car, comme le précise l’auteur, “il peut arriver à un créateur de méconnaître des pans entiers de sa propre œuvre”.
Bien plus, au nom de sa méthode dite de la “critique policière”, Pierre Bayard, qui nous avait déjà fait le coup avec Qui a tué Roger Ackroyd ? et d’autres de ces essais à rebrousse-poil, écrit : “Il se peut que  les personnages de fiction disposent d’une marge d’autonomie importante et qu’il leur arrive d’accomplir des actes à l’insu de celui qui leur a donné naissance, et donc, par exemple, de commettre des meurtres sans qu’ils en soient informés.” Diable ! Autrement dit, dans Fenêtre sur cour, le crime perpétré par un représentant de commerce sur son épouse relèverait d’un vaste délire d’interprétation fomenté par les deux voyeurs : Jeff (James Stewart), photographe de presse qu’une jambe cassée immobilise dans son appartement, depuis lequel il observe ses voisins ; et Lisa Fremont, sa fiancée (Grace Kelly), mannequin. En résumé : tel un train, un meurtre peut en cacher un autre.

Délicieusement zinzin

Pierre Bayard avertit que son livre “est un roman policier”. Et qu’il est donc “fortement déconseillé aux lecteurs·rices de feuilleter les dernières pages, qui donnent la solution de l’énigme”. Soit, mais dévoilons tout de même, pour aguicher, qu’un petit chien nommé Puppy dans Fenêtre sur cour va peu à peu prendre du poil de la bête.
L’auteur a raison de qualifier son roman de policier car il a l’art de manigancer différents suspens et de faire rebondir son action dans les marges de la psychanalyse et de la philosophie quand elle menace de mollir. Le tout emballé par un humour délicat, qui distancie tout autant la mise en scène de son entreprise que notre délectation à la lire. Pour preuve, une citation inaugurale d’Hitchcock lui-même : “On critique la nullité de la police, mais que Dieu nous protège des brillants détectives amateurs !” Amateur, Pierre Bayard ? Certes oui, mais du genre amoureux, tant son récit est gorgé d’une connaissance encyclopédique et d’une admiration sans borne pour l’œuvre d’Hitchcock. Et détective tout aussi sûrement, farfouillant dans tous les recoins de Fenêtre sur cour pour en extraire un gigantesque bonus-malus, parfois délicieusement zinzin quand à sa fenêtre de romancier il est à son tour saisi par “l’euphorie de l’interprétation” ; mais plus grave qu’il n’y paraît lorsqu’à l’occasion de sa dissection de la paranoïa qui fait carburer tous les personnages du film surgit une réflexion d’actualité sur les diverses crédulités collectives dont nous sommes capables à l’heure du complotisme généralisé. 



Christophe Kantcheff, Politis, 5 octobre 2023






France Inter, 15' de plus, 5 avril 2024

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