Paradoxe


Georges Didi-Huberman

L’Image survivante

Histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg


2002
Collection Paradoxe , 592 pages, 93 illustrations in-texte
ISBN : 9782707317728
32.50 €


Comprendre une image ? L’expérience nous enseigne qu’il faut se mettre, en la regardant, à l’écoute de sa teneur temporelle, cette polyrythmie dont elle est toute tissée. Or, les modèles historiques standard – passé et présent, ancien et nouveau, obsolescences et renaissances, moderne et postmoderne – échouent à décrire cette complexité. Prolongeant une enquête sur l’anachronisme menée dans Devant le temps, ce livre propose de redonner valeur d’usage à une notion délaissée par les sciences historiques : la survivance. Façon d’interroger, au cœur même de leur histoire, la mémoire à l’œuvre dans les images de la culture.
C’est Aby Warburg (1866-1929) qui, le premier, fit de la survivance (Nachleben) le motif central de son approche anthropologique de art occidental : il est ici étudié dans sa logique, dans ses sources et dans ses résonances philosophiques, qui vont de l’historicité selon Burckhardt à l’inconscient selon Freud en passant par les survivals selon Tylor, l’éternel retour selon Nietzsche, la mémoire biologique selon Darwin, la morphologie selon Goethe, l’empathie selon Vischer, la phénoménologie du temps vécu selon Binswanger…
Cette multiplicité d’approches était bien la seule voie possible pour décrire la paradoxale “ vie ” (Leben) des images. Par une telle démarche heuristique – c’est à dire jamais dogmatique –, Warburg nous introduit aux paradoxes constitutifs de l’image elle-même : sa nature de fantôme et sa capacité de revenance, de hantise ; son pouvoir de transmettre le pathos dans une chorégraphie de gestes fondamentaux ; sa structure de symptôme où se mêlent latences et crises, répétitions et différences, refoulements et après-coups.
De tout cela naît un savoir nouveau. C’est une connaissance par le montage que le dernier projet de Warburg, Mnemosyne, met en œuvre de façon étonnamment actuelle. Walter Benjamin a posé qu’une histoire de la culture ne va pas sans la mise au jour d’un “ inconscient de la vision ”. Aby Warburg avait compris qu’une telle mise au jour n’est possible qu’à interroger cet “ inconscient du temps ” qu’est la survivance.
 
* Aby Warburg. Né à Hambourg en 1866, il est héritier d’une puissante famille de banquiers. Il renonce aux affaires et s’éloigne de l’orthodoxie juive pour se consacrer à l’étude des images. Parallèlement, il se forme à la philosophie, à la psychologie et à l’anthropologie. Après une thèse sur les sources antiques de Botticelli (1893), il part étudier les rituels des Indiens Hopi (1895). Il s’installe à Florence en 1898, travaille sur le portrait renaissant et, en 1912, fonde la discipline iconologique avec une interprétation révolutionnaire des fresques du Palozzo Schifanoia à Ferrare. Il fonde à Hambourg une bibliothèque interdisciplinaire qui deviendra mythique par sa richesse et son organisation originale. Il réunit autour de lui des personnalités telles qu’Erwin Panofsky ou Ernst Cassirer. La Première Guerre mondiale le fait sombrer dans la folie : il sera interné de 1918 à 1924, soigné par le grand psychiatre – disciple et ami de Freud – Ludwig Binswanger. Revenu à Hambourg, il s’attache au projet Mnemosyne, grand atlas d’images destiné à rendre visible les “ survivances ” de l’Antiquité dans la culture occidentale. Il meurt en 1929.

‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑

I. L’image-fantôme – Survivance des formes et impuretés du temps
L’art meurt, l’art renaît : l’histoire recommence (de Vasari à Winckelmann). Warburg, notre fantôme. Les formes survivent : l’histoire s’ouvre. Nachleben, ou l’anthropologie du temps : Warburg avec Tylor. Destins de l’évolutionnisme, hétérochronies. Renaissance et impureté du temps : Warburg avec Burckhardt. Lebensfähige Reste : la survivance anachronise l’histoire. L’exorcisme du Nachleben : Gombrich et Panofsky. Geschichtliches Leben : formes, forces et inconscient du temps.

II. L’image-pathos – Lignes de fracture et formules d’intensité
Sismographie des temps mouvants. Zeitlinie : l’historien côtoie les gouffres. La tragédie de la culture : Warburg avec Nietzsche. Plasticité du devenir et fractures dans l’histoire. Dynamogramm, ou le cycle des contre-temps. Champ et véhicule des mouvements survivants : la Pathosformel. À la recherche des formules primitives. Gestes mémoratifs, déplacés, réversifs : Warburg avec Darwin. Chorégraphie des intensité : la nymphe, le désir, le débat.

III. L’image-symptôme – Fossiles en mouvement et montages de mémoire
Le point de vue du symptôme : Warburg vers Freud. Dialektik des Monstrums, ou la contorsion comme modèle. Les images aussi souffrent de réminiscences. Remous, répétitions, refoulements et après-coups. Leitfossils, ou la danse des temps enfouis. Warburg chez Binswanger : constructions dans la folie. Nachfühlung, ou la connaissance par incorporation. De l’empathie au symbole : Vischer, Carlyle, Vignoli. Forces symptomales et formes symboliques : Warburg avec Cassirer ? Le montage Mnemosyne : tableaux, fusées, détails, intervalles. Epilogue du pêcheur de perles.

Note bibliographique – Index bibliographique – Table des figures

 

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