Romans


Hélène Lenoir

L’Entracte


2005
128 p.
ISBN : 9782707319067
12.15 €
30 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille, 30 €
* Réédition dans la collection de poche double


Une femme quitte sa place à l'entracte et aborde dans le hall un homme qu'elle reconnaît sans savoir où elle l'a déjà rencontré. Il lui propose de sortir faire une promenade plutôt que d'assister à la seconde partie du concert. " On n'est pas obligés… ", lui dit-il.
C'est dans une situation analogue que se trouvent les personnages des quatre autres nouvelles. Très différents les uns des autres, ils ont en commun un parcours ancré dans une relation forte devenue pesante ou simplement difficile. Pris entre la tentation de fuir et l'obligation de rester, ils se réveillent, et c'est au moins ça. L'entracte ............................................ 7
Les étrangères .................................... 35
Les escarpins rouges ............................ 59
Le verger ........................................... 89
L'infidèle ........................................... 111

ISBN
PDF : 9782707326171
ePub : 9782707326164

Prix : 6.49 €

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Pascale Haubruge, Le Soir, vendredi 8 avril 2005

Depuis La Brisure, recueil de nouvelles paru en 1994 chez Minuit, et au fil de romans publiés chez le même éditeur, tels Son nom d'avant ou Le Magot de Momm, Hélène Lenoir se glisse au plus secret d"intimités sans jouer les psychanalystes. C’est avec finesse et tranchant qu’elle écrit l’informulé - les élans qui poussent les amants dans les bras l’un de l’autre, les non-dit des liens familiaux, ce qui tient les couples dans la même pièce alors que leurs pensées courent dehors. Elle a, pour ce faire, une manière qui n’appartient qu’à elle : aller droit aux sentiments, aux frissons, puis refaire le chemin à l’envers ; dévoiler progressivement le dessous de ces émotions.
Ainsi, dès le début de L’Entracte, qui donne son titre à son nouveau recueil de nouvelles, elle nous tient par la peau de mots simples et battants : Ils se sont repérés à l’entracte. Ils se regardaient en se demandant où et quand… On ne sait alors ni de qui ni de quoi il est question mais on la suit, pressentant une révélation qui est tout entière, déjà, dans ces premières lignes.
Voilà une nouvelliste dont la carte du tendre est une piste au trésor. A la façon dont d’aucuns laissent les odeurs de pierre mouillée réveiller leurs souvenirs d’été, Hélène Lenoir trace avec clarté les contours essentiels de vie ; puis poursuit, précise les noms, les hiérarchies, les situations de famille. Comme si l’essentiel n’était pas là mais dans les mouvements des sentiments, mouvements qu’elle entend et retranscrit précisément, intensément, scrupuleusement, passionnément. Au gré de phrases qui, alliant sens de l’intrigue et justesse de ton, dévoilent l’exacte nature des peines et bonheurs d’exister.
Cet écrivain dit peu mais bien, et va au cœur des choses, nous installant dans les pensées de ses personnages d’une plume maîtrisée et sensible, curieuse des êtres et de leur mystère. Captivant.

Marie-Laure Delorme, Le Journal du Dimanche, 17 avril 2005

Les cinq nouvelles qui forment L’Entracte portent la marque d’Hélène Lenoir, une musique obsédante faite de tension, de souffle, de nervosité.
C’est déjà ça : fendiller un long silence ; oser appeler un homme ; prendre conscience d’une dérive intérieure ; changer des meubles de place ; esquisser un geste lointain aux tonalités ambiguës. Ce n’est pas grand-chose mais c’est déjà ça. Parce que ça faisait si longtemps, parce que c’était tellement lourd, parce qu’il y avait le poids de l’habitude. Hélène Lenoir raconte, dans cinq nouvelles aux teintes bleu nuit, des séismes invisibles. Personnages enfermés, existences calibrées, avenirs bouchés. On ne voit pas bien comment les murs vont pouvoir tomber en poussière. Pourtant, à chaque fois, quelque chose de ténu et de fort a lieu.
On reconnaît, dès les premières pages de L’Entracte, l’univers d’Hélène Lenoir. C’est une musique obsédante. La tension, le souffle, la nervosité. Son style impeccable avance par anicroches subtiles. On n’avait pas bien lu qu’il lui prend le bras alors que la circulation ne l’oblige pas à le faire ; qu’elle n’a pas besoin financièrement de loger des jeunes filles étrangères chez elle ; qu’il aime la contempler uniquement quand elle ne s’en aperçoit pas ; qu’elle n’a toujours pas pris un seul bain de mer depuis son arrivée chez sa mère. Et pourtant, ça change tout : petites brèches par lesquelles la vérité circule.
On retrouve, d’une histoire à l’autre, le thème de l’étouffement. Les âges, les situations, les sexes, les caractères sont différents, mais pas ça : une vie, au bord de l’asphyxie, se voit offrir une seconde chance. Une femme, venue au concert avec son mari, rejoint un homme à l’entracte. Ils s’embrassent. C’est la césure. Comment reprendre la vie d’avant comme si de rien n’était ? Elle peut partir (mais alors le mari, les enfants, la maison, le gouffre du remords) ou rester (mais alors le mari, les enfants, la maison, le spectre de l’ennui). Cascades de doutes et de peurs. Le temps, dans les romans d’Hélène Lenoir, est toujours important. On y compte les heures, les semaines, les mois, les années. Il y a des pendules et des calendriers. Il y a des tournants et des déserts. On n’a pas toute une vie devant soi.
La femme s’approche de la fenêtre, cueille une feuille de basilic, en respire les émanations. C’est bientôt l’été et ses fausses promesses de bonheur : que faire ? Elle s’approche du téléphone pour appeler l’homme rencontré durant l’entracte. On ne sait pas encore ce qui va se passer. L’embrasement, le renoncement. Peu importe. Tout son paysage intérieur a changé.
L’auteur de Son nom d’avant (Minuit, 1998) met en scène des sentiments d’érosion et d’évasion. Le décor est concret. Couleurs, matières, odeurs, gestes. On pressent par exemple que cette jeune femme, chaussée d’escarpins rouges inadéquats pour marcher sur les allées gravillonnées d’un cimetière, n’est pas prête à affronter la mort d’une relation amoureuse. Mais personne, en fait, ne l’est. Il y a, parmi les plus belles nouvelles, « Les étrangères ». Une femme mariée loge chez elle des jeunes filles venues du monde entier. Elle fait des voyages avec l’argent ainsi gagné. Mais elle est rongée par une angoisse. Son fils rôde anormalement autour des étrangères. Elle sent qu’elle devrait intervenir. Elle peut dire (et prendre le risque de se retrouver seule avec son mari taciturne) ou ne pas dire (et se diriger tout doucement vers un drame certain). Le problème est bien sûr autre. La femme se sert de tout ça, c’est-à-dire de ses voyages, de ses visiteuses, de ses bavardages, pour ne pas voir la ruine de son couple. Mais là, c’est fait, elle a vu.
Hélène Lenoir expose, dans ses nouvelles, le choc, la lueur, l’interrogation, la fenêtre. Une mère vieillissante accepte enfin de s’installer au rez-de-chaussée d’une maison. Sa fille en est soulagée. C’est à la fois peu et beaucoup. Quelque chose a bougé.

Michèle Gazier, Télérama, 11 mai 2005

Depuis son premier roman, La Brisure, paru il y a onze ans, Hélène Lenoir n’a cessé d’investir le territoire à la fois immense et minuscule des pulsions et répulsions intimes. Elle analyse et décrit pudiquement ces situations familières que l’on tait dans la vie ; comme Nathalie Sarraute, elle cherche à explorer les mouvements internes, les « tropismes » qui nous poussent, aux limites de la conscience, dans cette zone obscure où la lucidité cherche son langage… Les cinq nouvelles de son recueil concernent le couple, les intermittences du désir, les brèves folies du plaisir arraché au quotidien. Une femme suit un homme déjà vu et oublié, le temps d’un « Entracte ». Elle a besoin d’ouvrir la fenêtre du foyer, de faire passer le vent du plaisir et de l’inconnu, alors que le mari, pris dans une vieille culpabilité, ne voit rien venir… « Les étrangères », deuxième récit, met en scène un vieux couple dans une maison trop grande depuis le départ des enfants… Celui des « Escarpins rouges » entretient, lui, des relations perverses : il la retient lorsqu’elle s’éloigne, s’éloigne lorsqu’elle s’approche… Dans « Le verger », un homme marié regarde une femme qui n’est pas la sienne avec appétit… L’épouse de « L’infidèle » croit avoir perdu son mari auquel ne la rattachent que les gestes sans échos de l’amour…
Les récits d’Hélène Lenoir sont des miniatures qui réfléchissent nos vies, nos mensonges, nos espoirs, nos tentations avec une précision et une justesse bouleversantes. Toutes ces histoires sont vues à travers un regard de femme. Nulle volonté de donner le beau rôle à celle que le récit cerne de près. Hélène Lenoir se situe hors du champ de la morale. Elle observe et décrit sans se soucier de ce qui fait mal, de ce qui blesse. Elles ne sont ni admirables ni détestables, ces femmes prises dans le quotidien ordinaire, coincées dans le couple, le boulot, la famille – extraordinaire vision de la mère ogresse et impotente dans « Le verger » –, les amis. On les sent prisonnières du tissu des jours, celui-là même qu’elles tissent, vaillantes petites araignées, et qui peu à peu les étouffe. Déchirer la toile ? Partir avec éclat ? Fuir ? La liberté n’est pas au bout de leur chemin d’habitudes. Il leur reste ce pas de côté, cette plongée corps et âme dans l’inconnu, la découverte et la dégustation rapide du corps de l’autre, le temps d’une bouffée d’air neuf, le temps d’un rêve de chair et de sang. Dans ces vies réglées comme des comédies, des tragédies, des drames, il existe des « entractes(s) », nous dit Hélène Lenoir de son écriture insinuante. Des pauses : un blanc lumineux entre deux gris.

Nathalie Crom, La Croix, mardi 17 mai 2005

Le quotidien a besoin de ces entre-deux, de ces instants où s’ouvre une parenthèse qui, peut-être, se refermera sans que rien se soit passé, peut-être pas… L’Entracte, la nouvelle qui inaugure ce recueil de nouvelles signé Hélène Lenoir (La Brisure, Son nom d’avant, Le Magot de Momm… tous chez Minuit) donne son tire à l’ensemble du volume et il y a là quelque chose de très juste – quelque chose comme une évidence. Dans ce récit éponyme, une femme est au concert avec son époux. Elle n’assistera pas à la seconde partie du récital : elle s’évade – oh ! pas pour toujours, l’espace de quelques instants, quelques minutes -, se retrouve dans la rue, entraînée dans cette brève fugue par un homme dont elle a croisé le regard à l’entracte. Une fugue innocente et sans lendemain ? On ne sait pas, et ce n’est pas grave : ce qui compte, ce sont ces minutes qui auraient pu tout aussi bien n’être que fractions de secondes – ce n’est pas la durée qui compte, c’est l’élan,le geste même de la fugue. Chacun des cinq récits qui composent le recueil d’Hélène Lenoir met ainsi en scène un instant où le cours normal des choses – synonyme d’ennui, d’enlisement, d’étouffement, de fatalité acceptée, de soumission – dévie de la trajectoire toute droite à laquelle il semblait promis. Une entracte, c’est cela : une fenêtre qui s’ouvre et un peu d’air frais qui entre dans la pièce ; une soupape de sécurité qui se soulève, pour que baisse la tension. Et c’est cela que guette Hélène Lenoir, scrutant le monde et les êtres avec une grande finesse d’observation, une belle justesse : l’effet de ce léger courant d’air sur celles et ceux qu’il vient un jour caresser, la respiration soudain moins oppressée, les épaules qui se redressent, le cœur qui s’allège. Qu’importe, dès lors, si la parenthèse se referme très vite, sans qu’il se soit rien passé, en apparence du moins – en réalité, quelque chose a bougé, et même si ce fut infime, rien ne sera plus vraiment comme avant.

Jean-Claude Lebrun, L’Humanité, jeudi 16 juin 2005

La nouvelle, malgré une multitude de réussites incontestables, n’apparaît pas comme un genre très prisé de nos contemporains. Il s’agit pourtant d’une pratique fortement ancrée dans la tradition nationale : il n’est quasiment pas d’écrivain notoire qui n’ait un jour tâté de la nouvelle. Mais peut-être celle-ci est-elle aujourd’hui perçue comme vieillotte, parce que trop corsetée dans des codes anciens, alors même que se manifeste un engouement croissant pour les formes courtes, les fragments, les suites de séquences brèves ? A ceux qui hésitent, lorsque leur vient en main un volume sur lequel figure la mention « nouvelles », l’on ne saurait trop recommander de prendre la peine d’ouvrir L’Entracte, d’Hélène Lenoir. Il serait surprenant qu’ils ne lisent pas d’un seul trait les cinq textes de très haute tenue qui s’y trouvent rassemblés.
Quand le roman peut prendre son temps et proposer une stratégie à détentes multiples, la nouvelle se doit d’aller vite et de concentrer son point d’attaque, à la façon d’une embuscade. Non seulement Hélène Lenoir remplit cet impératif à merveille, par la vigueur de ses entrées en matière, mais elle fait montre d’un art consommé de cette sorte particulière de dramaturgie. D’emblée, au cœur de situations du quotidien, perce en effet ce qui est resté en deçà du langage, s’est trouvé retenu pour simplement permettre à la vie d’être vivable. A chaque fois, des personnages sont conduits à envisager fugitivement de franchir le trait. Et du coup entrevoir sur quels entrelacs de non-dits et de compromis leurs existences se sont construites. Alors qu’ils possèdent tous en partage, aux yeux des autres mais aussi à leur propre regard, rigueur, clarté et cohérence dans leur être au monde. Mais justement « la vie, la vraie, grouille dans tout ce qui est tu ». L’écriture d’Hélène Lenoir se situe très précisément à cet endroit, à l’orée d’un espace dont les vertigineuses dimensions soudain se dévoilent. Il suffit pour cela de l’inattendue aimantation entre une femme et un homme, à l’entracte d’une pièce de théâtre. Ou du subit changement d’attitude d’une jeune fille au pair, ouvrant à sa logeuse la compréhension rétrospective d’une histoire qui n’a pas cessé de se répéter. Ou de la manière dont un amour choisit de se dissimuler obstinément sous le masque de l’agacement et du refus, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Ou encore de la sorte d’amour-haine qui se développe entre une fille et sa mère impotente. Ou enfin de la douleur diffuse et du soupçon qui se font jour au sein d’un couple, quand l’un ou l’autre des partenaires se lasse des accomplissements charnels.
A chaque fois, Hélène Lenoir plonge au cœur de l’intime, laisse entendre les récits ignorés qui n’ont jamais trouvé les mots pour cheminer jusqu’à la conscience. Elle met en scène le moment où du malaise s’instille, où s’installe « le ver du soupçon » dans une relation qui a pris les contours de l’évidence. Tandis qu’un discours convenu se dévide dans les paroles des uns et des autres (paresse, crainte de blesser, inconscience de ce qui se joue réellement ?), les regards, les corps, les attitudes parlent à satiété. Des bouts de roman familial se laissent également apercevoir dans ces textes où palpite une vie plus intense, plus chargée de sens, que les personnages eux-mêmes ne peuvent le concevoir. L’écriture en détecte le tracé enfoui, en repère les vibrations en même temps lointaines et tellement proches. Par exemple, chez cette mère, en qui certaine figure de la mythologie se donne à reconnaître, qui loge des jeunes filles et d’un coup accède à la révélation du double visage de son fils. Ou chez cette fille, venue au chevet de sa mère remplacer sa sœur pendant deux semaines d’été, qui étouffe de désir refoulé, monte un jour dans la voiture d’un inconnu et se donne furtivement à lui, pratiquant ainsi, sans même le soupçonner, le sacrifice de soi qui va permettre au roman familial de se continuer. Entre fuir et rester, elle aura au fond d’elle-même, sans que rien n’en transparaisse, résolu la contradiction qui tenaille à l’identique chacun des personnages de ces nouvelles d’une bouleversante beauté.
Leçons de vie, sans aucun doute, leçons de conscience aussi, les textes d’Hélène Lenoir creusent extrêmement profond pour mettre à nu l’empilement des strates qui nous constituent dans notre rapport à nous-mêmes, aux autres, au monde. Il y a là une épaisseur, une continuelle pulsation qui relèvent l’une et l’autre du très grand art. Une preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que la nouvelle, à son meilleur, se présente comme un genre éminemment moderne, en accord avec ce que nous avons appris à savoir de nos vies et de leurs battements secrets.

Patrick Kéchichian, Le Monde, vendredi 24 juin 2005

Si l’on pouvait fixer ou stabiliser l’image du désir, bien des écrivains, romanciers en tête perdraient leur raison d’être. De fait, on n’en aura jamais fini de comptabiliser et d’analyser les hésitations, retards, précipitations et autres fluctuations de ce mouvement de l’âme et du corps qui pousse une personne à la rencontre d’une autre. Mouvement affecté, comme on le sait, d’un fort quotient multiplicateur. Et chaque fois, c’est une découverte. Comme s’il fallait inventer ce que tout le monde sait déjà depuis la nuit des temps. L’institution du mariage, ou la réalité de la simple vie de couple, aurait pu diminuer ces oscillations… Il n’en est rien.
Hélène Lenoir avait habitué ses lecteurs à regarder avec méfiance les familles et les complots qui se trament derrière les plus quiètes apparences. Mais justement, le désir est toujours là, charnel ou dévié par les appâts du gain, pour briser la paix des ménages, dénoncer cette « image figée dont la légende serait L’amour ». Dans les cinq nouvelles qui composent L’Entracte (c’est aussi le titre de la première), l’écrivain se concentre sur le principal, l’universel facteur du trouble : le sexe. Ici, ce sont généralement les femmes qui révèlent la crise, en la découvrant elles-mêmes ou en la provoquant. Ainsi de cette épouse, que la tentation adultère dessille et qui est traversée par une intuition destructrice : « … comme si le réveil de ses sens la forçait à voir et à nommer cette indignité, ce jeu sordide que Louis partageait, entretenait, supportait au nom d’elle ne savait quoi et qu’il appelait l’amour, cette chose collante, lourde, étouffante… combien de mois, combien d’années encore, chacun enfermé dans cette double peau d’enfant coupable et de mère, de père tour à tour sévère et attendri, sans que jamais l’homme, la femme… dressés face à face et criant, affûtant les couteaux… »

TERRIBLE MALENTENDU

« Au nom d’elle ne savait quoi et qu’il appelait l’amour… » Terrible malentendu, avec les mots comme complices ! Mais Hélène Lenoir n’a pas le projet de montrer les épouses et les amantes comme de simples victimes du mâle tout-puissant. D’ailleurs, rien de moins puissant, ici, que les hommes. La loi du désir n’est écrite nulle part et par personne. Et ni les hommes ni les femmes ne sauraient la lire. Il y a des pages pénétrantes – mais c’est, mêlé à celui du désir érotique, le thème même du livre – sur l’inquiétude amoureuse. Et sur ce plan, on n’apprend jamais rien, semble dire Hélène Lenoir. Douze ou trente-cinq années de vie commune ne diminuent pas l’ignorance – au mieux, elles l’anesthésient. D’où la violence du « désordre destructeur », lorsqu’il surgit pour bousculer la somnolence. L’apparition de la crise est fortuite, mais le poison rongeait depuis longtemps.
Le montage narratif et la rapide progression des nouvelles d’Hélène Lenoir sont plus savants qu’il n’y paraît au premier regard. Le centre de gravité s’y déplace et tremble. L’auteur parvenant à traduire la brutale incertitude des sentiments dans l’écriture elle-même – ainsi, lorsqu’elle passe avec audace de la troisième à la première personne dans une même phrase.

 




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